Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe en la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre à l’occasion du Festival SANTOS rassemblant des jeunes de 25-35 ans.
Samedi 30 août 2025 - Sacré-Coeur de Montmartre (18e)
– 21e semaine du Temps Ordinaire
- Th 4,9-11 ; Ps 97 ; Mt 25,14-30
L’évangile que nous venons d’entendre est comme une sorte de première conclusion de tout l’évangile de saint Matthieu que nous avons lu chaque jour, depuis onze semaines, et nous n’entendrons pas la partie qui suit, mais juste ce passage qui est le Jugement dernier. Il nous faudra attendre le premier lundi de carême pour l’entendre. Et ensuite il y a le récit de la passion et de la résurrection du Seigneur. Pourquoi dis-je cela ? Parce que cette sorte de première conclusion de l’évangile nous permet de comprendre exactement ce dont il s’agit au sujet des talents.
On peut tout à fait lire cet évangile des talents comme cet évangile qui nous dit que nous avons reçu chacun une part de qualités, de talents, de savoir-faire, de richesses intérieures que nous sommes capables de partager et que nous sommes invités à partager. C’est vrai. Cependant, tel qu’il est placé là, presque à la fin de l’évangile de saint Matthieu, ce texte doit nous dire que certes nous avons reçu des talents, chacun suivant ses capacités – et il n’est pas nécessaire d’épiloguer beaucoup sur la différence entre les cinq, les deux, et le talent unique – mais que le vrai trésor c’est tout l’évangile que l’évangéliste a présenté depuis le début. Le talent, le trésor véritable que nous avons reçu, c’est la parole de Jésus, ce sont les actes de Jésus, c’est la présence du Verbe de Dieu au milieu de l’humanité. Ceci est le vrai trésor, le vrai talent que nous accueillons dans la joie, que nous n’enfermons pas comme un trésor tellement précieux que nous ne savons pas quoi en faire et que nous le mettons dans la terre, ou dans un coffre. Le trésor que nous avons reçu est vraiment fait pour être partagé. C’est tout ce que l’évangéliste a voulu nous enseigner de la part de Jésus qui compte réellement, qui est le vrai trésor qu’il nous est demandé de partager. Ce que Jésus a fait, ce que Jésus a dit, la Bonne Nouvelle de l’Évangile, le Verbe fait chair, voilà le talent principal que chacun de nous, en accueillant l’Évangile, a reçu pour le partager et le faire fructifier.
C’est dans notre vie d’Église, dans notre vie personnelle, dans notre vie sociale, que l’Évangile mérite, parce qu’il est un trésor, d’être partagé. Voilà ce que nous gardons. Et la première lecture que nous avons entendue, tirée de la lettre aux Thessaloniciens, le dit autrement : « Pour ce qui est de l’amour fraternel, dit-il - et cela ne supprime pas vous avez été appelés par Dieu - vous savez de quoi il s’agit parce que Dieu lui-même vous a enseignés, voilà le talent que vous avez reçu. C’est un talent d’amour fraternel à partager, il n’y a pas besoin d’en dire tellement plus puisque c’est Dieu lui-même qui vous a enseignés. »
Mais il ne s’agit pas que ce don soit simplement le don d’une amitié pour ceux qui nous aiment. Vous le faites, ajoute l’apôtre Paul, pour tous les frères de la province de Macédoine. De quoi s’agit-il : de l’Église qui a commencé à naître en Macédoine, c’est-à-dire en Europe, le premier passage de Paul vers notre région. Premier accostage à Thessalonique, puis à Philippes, puis dans toute la Grèce. Dans cette province il y a déjà une Église, et il s’agit d’aimer les autres membres de l’Église. Il s’agit de ne pas se limiter à sa première petite communauté, au groupe auquel on est le plus affilié, mais d’élargir son amour à l’Église tout entière.
Il s’agit ensuite de progresser encore, dit l’apôtre, et donc de faire fructifier le bien que nous avons reçu pour qu’il soit vraiment partagé dans une vie qui soit une vie calme : « Ayez à cœur de vivre calmement ». Nous ne sommes pas des agités, nous ne sommes pas des gens qui vivons en permanence dans une espèce d’agitation invraisemblable qui ressemble tellement à celle du monde. Nous sommes d’abord titulaires d’un vrai trésor que nous voulons partager avec amitié dans la simplicité de la vie quotidienne et sans chercher d’abord à faire des choses extraordinaires. Chacun s’occupe de ses propres affaires, mais personne ne peut imaginer se refermer simplement sur son petit monde et penser que ce que les autres font n’a pas d’intérêt. Il est clair que si vous êtes là, c’est que vous avez l’intention au contraire d’être des témoins d’un Évangile qui vous dépasse, qui peut atteindre d’autres. Il est clair que vous n’allez pas simplement vous enfermer sur les situations que vous vivez personnellement en vous désintéressant de la vie du monde. Vous savez que l’Évangile est fait pour proclamer la paix, la justice et la fraternité bien au-delà des limites de nos groupes de chrétiens et même de notre Église. Et qu’il faut y apporter votre contribution, c’est-à-dire vous engager réellement à faire quelque chose pour que ce monde soit meilleur, rejoint par l’Évangile de Dieu.
Alors bien sûr, ces réflexions ne sont pas terminées et elles ne s’arrêtent pas à ces considérations pratiques, mais elles indiquent une voie que vous aurez la joie de pouvoir et de vouloir suivre. La voie qui est celle d’une annonce simple, au quotidien, dans les situations que notre monde vit, d’un Évangile qui est le vrai talent que vous possédez et qui vous habite.
Que le Seigneur soit la vraie lumière qui vous éclaire et que tout ce que vous faites, tout ce que vous dites, soit marqué par cet Évangile que vous aimez, que vous voulez servir, et qui transforme – de façon pas toujours très visible mais réelle – les hommes dans leur cœur.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris