Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe du 3e dimanche de Pâques à St Germain l’Auxerrois

Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 18 avril 2021

– 3e Dimanche de Pâques – Année B
 à huis-clos

- Ac 3,13-15.17-19 ; Ps 4,2.4.7.9 ; 1 Jn 2,1-5a ; Lc 24,35-48

Il y a 25 ans environ le curé de Royan m’avait demandé de lui faire un Christ pour son église. Il voulait précisément un Christ en croix ressuscité. Cela m’a semblé d’abord difficile car il n’y a pas vraiment de modèle. Ou le Christ est en croix ou bien il est ressuscité. Alors je lui fis un Christ en croix triomphant. Il était content de la réalisation mais au bout de quelques jours il m’a dit : « Il manque quelque chose ». Je ne voyais pas vraiment et je lui ai demandé : « Que manque-t-il ? » Il m’a dit : la marque des clous dans les mains et dans les pieds. Et là je me suis dit : « Il a raison. » Quand Jésus ressuscite il y a dans son corps ressuscité les marques de sa vie, de sa passion puisqu’il les montre à Thomas. C’est bien toute sa vie inscrite dans son corps qui apparaît le jour de sa résurrection. Il a ses mains, il a ses pieds, il porte la nourriture à sa bouche avec le poisson grillé qu’on lui donne. C’est bien lui, il est vivant, c’est son corps et pas un autre corps. Ce n’est pas une réincarnation. C’est une résurrection ! Comment comprendre ce mystère extraordinaire qui n’a jamais existé avant Jésus ni après Jésus. On comprend que les disciples soient effrayés. Il y a de quoi ! Imaginez une seconde que vous voyez quelqu’un que vous avez profondément aimé, que vous avez vu mort, que vous avez mis au tombeau et qui se trouve là devant vous, non pas comme un fantôme, mais comme une personne réellement présente avec son corps. Et ceci alors que vous êtes enfermé à double tour. Effrayant. Il y a de quoi avoir peur.

« C’est bien moi » dit Jésus à ses disciples effrayés de le voir au milieu d’eux. Mais qui es-tu, toi ? Quel est ce « moi » du Christ qui m’oblige à m’interroger sur moi-même. Qui suis-je moi ?

Nous sommes faits d’un corps, c’est évident et d’un esprit qui nous permet de nous comprendre ou du moins d’avoir conscience de notre existence. Les philosophes grecs considéraient que le corps est la prison de l’âme. Voilà pourquoi saint Paul est obligé d’insister beaucoup pour affirmer la résurrection du corps de Jésus quand il écrit aux grecs de Corinthe, en donnant toutes les preuves et en citant tous les témoins de sa résurrection.

Aujourd’hui, beaucoup de nos contemporains considèrent leur corps comme un instrument à leur disposition. Ils en prennent soin comme on prend soin de sa voiture, ils s’en servent pour séduire, pour se mouvoir et ils sont dans la mentalité de ceux qui disent : « J’ai un corps. » A la mort, ils s’en débarrassent en le brûlant comme s’il s’agissait d’un vieux vêtement. En réalité, nous sommes ce corps, nous ne sommes pas un esprit indépendant du corps : « Je suis mon corps. » Notre esprit est né de ce corps et sans lui et il n’y a pas d’esprit.

Le principe de vie qui nous habite et qu’on appelle l’âme naît en même temps que ce corps. Ce principe d’animation est capable de Dieu. Voilà pourquoi chez l’homme, on l’appelle « âme spirituelle ». Tout être vivant possède une âme, mais l’âme spirituelle est propre à l’humanité en tant qu’elle est en lien avec Dieu. Elle est directement créée par Dieu. Au moment de la mort cette âme spirituelle persiste au-delà de la mort pour rejoindre son Créateur. Nos corps inhumés, mis au tombeau comme celui de Jésus, ressusciteront au retour du Christ qu’on appelle la Parousie.

Voilà pourquoi notre corps est aussi important que notre âme puisqu’à la résurrection de la chair ce corps échappera aux limites terrestres du temps et de l’espace comme celui de Jésus.

Il accomplira pleinement la vocation humaine d’être habité par Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. En attendant, ce sont bien nos corps qui sont habités de la présence de Dieu quand nous recevons le corps de Jésus à la messe pour que son amour vienne brûler notre âme, notre esprit, et nous illuminer de sa présence divine. Nous avons entendu les Écritures qui nous ont ouvert l’intelligence comme le Christ le fit pour ses disciples.

Laissons-nous maintenant habiter le cœur par son amour incandescent en vivant de sa résurrection.

+Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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