« L’encyclique, un formidable message d’espérance »
Paris Notre-Dame du 23 juillet 2009
P. N.-D. – A quel type de public s’adresse cette encyclique ? Concernent-elle surtout les acteurs de l’économie ?
Cardinal André Vingt-Trois – Comme toutes les lettres encycliques récentes, Caritas in veritate est adressée aux évêques, aux pasteurs et aux fidèles, mais aussi à « tous les hommes de bonne volonté », c’est-à-dire à tous ceux qui sont intéressés par des réflexions inspirées par la foi chrétienne et qui sont disposés à les accueillir sans a priori négatif. Les lecteurs se rendront vite compte que la lecture de ce livre de plus de cent pages n’est pas aisée. Mais il ne faut pas chercher dans ce texte un catalogue de solutions pour les différents problèmes de la vie sociale. L’encyclique est une stimulation pour exercer le jugement moral et pour mettre en œuvre les critères de ce jugement. Pour cela, tous les moyens sont bons, et particulièrement les groupes de lecture de l’encyclique. Travailler le texte en commun doit permettre de développer une réflexion et de stimuler une action à tous les niveaux de la vie sociale.
P. N.-D. – Quelle est votre impression personnelle à la lecture de ce grand texte ?
Cardinal André Vingt-Trois – La troisième encyclique de Benoît XVI m’apparaît d’abord comme un formidable message d’espérance que le pape veut nous adresser : l’humanité a la mission et les moyens de maîtriser le monde dans lequel nous vivons. Non seulement elle n’est pas soumise à une fatalité, mais encore elle peut transformer ce monde en agissant sur les événements et faire progresser la justice et l’amour dans les relations humaines, y compris dans le domaine social et économique, et même dans une période de crise comme celle que nous connaissons.
Cette espérance se fonde sur une conviction : dans l’univers, l’être humain a une dimension particulière qui lui permet de n’être pas soumis à la domination mécanique des phénomènes, qu’ils soient naturels ou économiques et sociaux. Il assume cette dimension particulière dans la mesure où il reconnaît qu’il se reçoit dans une relation à un plus grand que lui, un Absolu, plus grand que chacune de nos existences. Tout homme, qu’il soit croyant ou non, doit bien prendre position sur la question d’un jugement moral qui dépasse ses intérêts particuliers et dont sa conscience est le témoin. Bien sûr, pour les croyants, cette référence à une transcendance a un nom, c’est Dieu.
P. N.-D. – Qu’est-ce qui peut unifier ce texte qui aborde des thèmes très divers de la vie sociale ?
Cardinal André Vingt-Trois – Cette encyclique, imposante par sa taille et la multiplicité des sujets qu’elle aborde, est cependant unifiée par une perspective générale sur la responsabilité dans l’action économique et sociale. C’est le service de l’homme qui est le critère ultime et définitif du projet social. Ce n’est pas l’homme qui est au service d’un projet social. Mais quel service de l’homme, quelle promotion de l’homme sont recherchés ? Autrement dit, quels sont les modèles d’humanité qui servent de référence pour établir une évaluation de l’action économique ? Comment est respectée l’unité de la personne humaine dans tous les domaines de sa vie ? Comment éviter de fractionner la perception de l’homme en fonction des critères de production ou en fonction des critères de consommation ? Comment reconnaître et servir l’unité de la personne humaine ? Un homme n’est jamais seulement un consommateur, jamais seulement un producteur, jamais seulement un esthète, jamais seulement un mystique. Il est tout à la fois un être de relation et de production, de consommation et d’échange gratuit, un être socialisé et acculturé. Cette encyclique est donc un commentaire d’une loi fondamentale de la doctrine sociale de l’Église : « pour tout l’homme et pour tous les hommes ».