Réflexion sur la première encyclique de Benoît XVI “Deus caritas est”

Paris Notre-Dame – 2 février 2006

Paris Notre-Dame du 2 février 2006

C’est un texte bref mais dense. Il appelle une lecture soigneuse. L’encyclique pose une affirmation très importante aujourd’hui dans le monde et pour les chrétiens.

L’affirmation importante pour le monde est que l’humanité ne peut pas se passer d’amour. Et l’affirmation importante pour les chrétiens est qu’ils ne peuvent être chrétiens sans que leur relation avec Dieu change leur manière d’être avec les hommes. Et sans que leurs relations avec les autres soient éclairées par leur relation avec Dieu.

L’encyclique commence par une très belle réflexion sur la dimension commune de l’existence humaine. Cette réflexion ne part donc pas immédiatement d’une affirmation de la foi, mais de l’expérience humaine et des réflexions philosophiques menées sur cette expérience. Le Pape montre comment ce que l’on appelle l’éros, le dynamisme du désir qui habite tout homme, est capable d’être élevé à un autre niveau de réalisation et donc à un autre type de relation. Cette expérience commune du désir de l’amour qui habite le cœur de l’homme peut aussi bien être dégradée en une relation qui utilise les autres comme des objets ou être élevée en entrant dans une relation d’amour respectueuse des autres. Une telle réflexion qui ne consiste pas à mettre en opposition une sorte d’amour charnel face à un amour mystique devrait aider les chrétiens à comprendre ce qu’ils vivent. Benoît XVI déploie son talent pédagogique pour préciser ce que l’on veut dire lorsque l’on parle d’amour, lorsque l’on parle de charité. Par là, il aide les hommes à reconnaître ce qu’ils vivent et ce à quoi ils aspirent, en même temps qu’il indique à ceux qui sont chrétiens comment vivre ces réalités dans l’unité des énergies et des capacités qui montent du fond de leur être d’hommes et de femmes.

La deuxième partie de l’encyclique veut attirer l’attention sur le fait que l’évolution des conditions de vie à travers le monde, la mondialisation économique, le développement des moyens de communication qui rapprochent de manière virtuelle toutes les réalités humaines à travers le monde, ouvre un champ nouveau de réflexion et d’action pour ceux qui veulent vivre une véritable solidarité humaine et a fortiori pour ceux qui veulent vivre une vraie charité chrétienne. L’approche du Pape situe avec beaucoup de clarté les différents niveaux de l’action des hommes en société les uns à l’égard des autres. L’encyclique détermine avec précision ce qui est de l’ordre de la responsabilité politique, de la responsabilité des collectivités civiles, que ce soit l’État, les communes, les régions, ou les organisations internationales ; il y a un ordre de responsabilité dans lequel l’Église n’a pas à se substituer aux autorités politiques, l’Église n’est pas là pour dire ce que devrait faire l’Onu ou tel gouvernement ou tel ministre ; elle est là pour rappeler des exigences éthiques qui concernent la dignité des hommes, elle est là pour réveiller des dynamismes humains au cœur des hommes. Elle remplit donc une fonction prophétique mais cela n’est pas le terrain propre de l’Église. A un autre niveau se situe l’engagement des chrétiens comme citoyens dans ces actions de justice économique, politique, sociale, civile... Il y a enfin ce que le Pape appelle « l’œuvre propre de l’Église », œuvre dans laquelle elle a une responsabilité directe. Cette œuvre propre ne consiste pas à compenser ce qui ne serait pas fait par les autorités civiles ou les organisations non confessionnelles. Elle consiste premièrement à faire face à toute nécessité : l’Évangile nous demande d’aller au devant de ceux qui ont faim, qui sont malades, qui sont nus, qui sont prisonniers, il ne nous demande pas si la structure hospitalière est ce qu’elle devrait être. Deuxièmement, nous, les chrétiens, avons à redire sans cesse qu’on ne peut passe contenter de bien faire notre travail, on ne peut passe contenter d’établir la justice, il faut encore l’amour qui est une qualité d’attention humaine qui dépasse les programmes d’aide. Au total, cette encyclique définit une ligne très claire et nous aurons à en tirer une profonde stimulation : elle rappelle aux chrétiens d’une part les fondamentaux de leur foi dans la relation avec Dieu, dans le contenu de la foi, ce à quoi nous croyons, et d’autre part la responsabilité qui en découle dans la manière de vivre dans la société. Le Pape présente son projet de tenir ensemble l’engagement dans l’aide et l’amour des frères et l’engagement dans l’amour de Dieu. C’est prendre au sérieux l’unité des deux commandements, affirmée par le Seigneur Jésus.

Mgr André Vingt-Trois,
archevêque de Paris

Article de Paris Notre-Dame – 2 février 2006

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