Les migrants, au cœur des Semaines sociales de France
Paris Notre-Dame du 24 novembre 2010
La 85e session nationale des Semaines sociales de France, qui aura lieu du 26 au 28 novembre 2010 au Parc floral de Paris (12e), abordera un thème qui s’inscrit bien au-delà de la simple actualité : « Les migrants, un avenir à construire ensemble. » Éclairages de Charles Gazeau, diacre permanent délégué à la Pastorale des migrants pour le diocèse de Paris.
P.N.-D. : Pourquoi la session annuelle des Semaines sociales de France est-elle un rendez vous important ?
C. G. – A travers des thèmes forts, la session des Semaines sociales réunit chaque année des personnes – témoins, personnalités engagées, hommes politiques, etc. – qui ont une fibre sociale et, pour beaucoup, sont attentives à la mise en pratique de la doctrine sociale de l’Église. Les sujets abordés font l’objet de témoignages et de débats qui permettent de s’arrêter un peu pour réfléchir et échanger les points de vue. Cela encourage à aller au de là de la lucarne souvent réductrice de l’actualité pour chercher à traiter la question plus en profondeur et à plus long terme.
En quoi le thème des migrants est-il interpellant ?
C. G. – L’Église s’est toujours attachée à ce sujet. C’est une de ses missions universelles de se préoccuper des peuples au sens large, quelles que soient leurs origines ou leurs appartenances religieuses. Le thème des migrants a différentes facettes. Il est lié à des questions religieuses, économiques, politiques, sociales ou encore historiques. Aujourd’hui, le monde s’ouvre dans tous les domaines : pour ce qui est de l’humain, l’Église, experte en humanité, a un message à délivrer pour faciliter le « vivre ensemble », que ce soit au niveau de nos communautés, de notre pays, du continent ou du monde. C’est un enjeu essentiel : la planète devient un grand village et on a besoin de composer avec l’homme à travers ses différents visages et héritages qui, mis en commun, constituent une grande richesse. S’ouvrir aux autres, c’est élargir son humanité. Mieux se connaître, mieux se comprendre, c’est progresser dans la paix. Même si ce n’est pas toujours facile, il est important d’avancer dans cette voie.
Comment cette réflexion va-telle se poursuivre au sein du diocèse ?
C. G. – Au niveau du Vicariat à la solidarité, le groupe “migrants”, composé de représentants paroissiaux et associatifs est attentif à la question des migrants, afin d’encourager la réflexion sur ce thème et de sensibiliser les catholiques parisiens. Nous souhaitons profiter du tremplin que nous procurent les Semaines sociales. Ainsi, nous organisons un après-midi de conférences, d’ateliers et de tables rondes le 23 janvier 2011, de 14h à 18h, au Collège des Bernardins avec pour thème « Migrants, un Paris à vivre ensemble ». L’objectif est notamment de sensibiliser les paroisses à l’écoute et à l’accueil des migrants, ce qui n’est pas toujours le cas dans toutes les paroisses. Au-delà d’un soutien ponctuel, une prise en compte continue de cette question est très importante : c’est une démarche de fraternité qui s’inscrit au cœur du message et du vécu chrétiens. • Pierre-Louis Lensel
Trois journées au Parc Floral
Avec le concours de plusieurs partenaires, dont la Fondation Notre Dame, la 85e session nationale des Semaines sociales de France se déroulera en trois journées. Chacune développera un angle particulier de réflexion autour du thème général des migrants. Le 26 novembre : « Perceptions, constats, enjeux », le 27 : « L’intégration : entre réalités et modèles » et le 28 : « Des politiques migratoires au développement ». Cette dernière matinée sera notamment marquée à 9h par un grand rassemblement œcuménique, coprésidé par le cardinal André Vingt-Trois.
Programme et inscriptions sur www.ssf-fr.org
Portraits
Chemins de migrants, parcours d’hommesLamartine Valcin, Haïtien de 32 ans, et Déo Namujimbo, Congolais de 51 ans, ont tous deux trouvé asile en France. Le 26 novembre, lors des Semaines sociales de France, ils témoigneront de leur expérience de migrants, entre difficultés et espérance. Portraits.
Lamartine Valcin
C’est après avoir participé à des manifestations, à une époque de fortes turbulences politiques à Haïti, en 2004, que Lamartine Valcin, se sentant menacé par les Chimères – un groupe armé ultra-violent –, prend la décision difficile de quitter son pays et sa famille. Le jeune étudiant doit alors faire appel à des passeurs, qui lui font franchir la frontière vers Saint-Domingue. C’est le début d’un périple qui le conduit à la Dominique, en Guadeloupe, puis en région parisienne. Accueilli un temps par un oncle, il multiplie les demandes de régularisation mais essuie échec sur échec : « Je suis devenu un “sans-papiers”, comme on dit, raconte-t-il, le début de la galère totale : j’étais isolé, j’avais constamment peur de me faire arrêter et j’épuisais les recours possibles. Ça a duré plusieurs années, il m’est arrivé de perdre espoir. » Baptisé mais peu pratiquant, Lamartine ressent alors le besoin de fréquenter à nouveau une église. « Un jour, quand je suis allé à St-Hippolyte (13e), j’ai été accueilli avec beaucoup de chaleur, se souvient-il. Jusque-là, il avait été difficile pour moi de rencontrer des gens. Me faire des amis a tout changé, cela m’a soutenu et m’a aidé à m’insérer. » Par l’intermédiaire de la paroisse, Lamartine trouve un logement. Poursuivant ses études tout en vivant de « petits boulots », il obtient finalement une promesse d’embauche en tant qu’aide comptable – sésame pour débloquer son dossier de régularisation. S’il veut partager son expérience aujourd’hui, un an après avoir obtenu sa carte de séjour, c’est surtout, explique-t-il, pour « donner espoir aux autres migrants et témoigner de l’importance de rompre cet isolement très dur à vivre ». •P.-L. L.
Lamartine Valcin (dit Mariental) est l’auteur d’Haïti, balade à travers son histoire, Éd. Edilivre.
Déo Namujimbo
« D’une certaine façon, j’ai de la chance. » La première chose qui frappe chez Déo Namujimbo, c’est sa volonté de garder espoir malgré les moments très difficiles qu’il a vécus. Journaliste de presse écrite et de radio, il couvre, à partir des années 90, les lourds conflits auxquels est confronté son pays, la République démocratique du Congo (RDC). Une activité qui le pousse à dénoncer violences et exactions, suscitant la colère de dirigeants politiques et militaires qui, rapidement, lancent des campagnes de menace contre lui. Loin de se laisser impressionner, Déo entend bien poursuivre sa mission au service de l’information : « Pour moi, c’était essentiel de dire ce qui se passait, de parler de la politique de la terreur dans l’est de la RDC », insiste-t-il. Correspondant de plusieurs journaux européens, il parvient, en se cachant lorsque les menaces se font plus précises, à exercer son métier, jusqu’à ce que la tragédie le frappe au plus près : « En novembre 2008, mon frère, lui aussi journaliste, a été assassiné. Et, même en plein deuil, les menaces à mon en contre se sont poursuivies. » Invité à Paris par un sénateur, quelques mois plus tard, dans le cadre d’un concours de maîtrise de la langue française, on lui conseille de rester en France et de demander l’asile. Régularisé et soutenu par plusieurs associations, dont Reporters sans frontières, la Cimade et La maison des journalistes, Déo souhaite aujourd’hui être un témoin de ce qui se passe dans son pays et rendre hommage à ceux qui lui sont venus en aide, en tant que migrant. « Ce que je souhaiterais, c’est que ma femme et mes enfants, réfugiés au Burundi, puissent me rejoindre. Ça n’est pas simple mais je ne désespère pas. » •P.-L. L.
Déo Namujimbo est notamment l’auteur de Merde in Congo, recueil d’articles publiés de 2001 à 2009, Éd. Edilivre.