Lettre pastorale du cardinal André Vingt-Trois “La famille et la jeunesse : une espérance !”
Septembre 2010
En cette rentrée, le cardinal André Vingt-Trois adresse une Lettre pastorale à tous les catholiques de Paris. C’est une contribution à la réflexion qu’il souhaite voir se faire dans tout le diocèse.
– Accéder au dossier “Paroisses en mission – Famille et Jeunesse”.
(1) Notre diocèse est engagé dans un programme pastoral : « Paroisses en mission » qui se déploie sur trois années. « Eucharistie et mission », « famille et jeunesse », « éthique et solidarité » rythment ce travail. Au cours de la première année nous nous sommes aidés mutuellement à entrer plus profondément dans le mystère de l’Eucharistie, dans le dynamisme du sacrifice du Christ qui fait de l’Église le « signe et le moyen de l’union avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Lumen Gentium 1). Ce travail est évidemment toujours à reprendre. Quelques rencontres, si heureuses soient-elles, ne suffisent pas à épuiser la richesse qui est remise entre nos mains quand nous célébrons l’Eucharistie. Toute notre vie ne sera pas de trop pour que nous laissions nos manières d’être, de penser et d’agir coïncider avec l’Eucharistie du Seigneur.
(2) Cette année, donc, nous entamons une réflexion sur la famille et la jeunesse. Il s’agit de développer les capacités de nos paroisses et communautés à porter vraiment les familles telles qu’elles sont et les aider à enfanter les jeunes à la liberté humaine et chrétienne. Par cette lettre, je voudrais nourrir la réflexion de tous et aussi fournir un support aux assemblées paroissiales.
(3) Je mesure combien le sujet est délicat : la famille n’est pas une réalité abstraite ; c’est le milieu vital dans lequel se déploie notre existence et où la jeunesse se développe. Pour chacun de nous, la famille évoque la somme des affections, des émotions et des douleurs vécues, l’ensemble des valeurs qui nous donnent le goût de vivre, le patrimoine, non tant matériel que moral et spirituel, légué par nos aïeux et nos parents, ce qui nous rapproche de nos frères et sœurs et ce qui nous en sépare lorsque nous l’interprétons différemment. La famille représente l’idéal du monde où nous aspirons à vivre et, parfois, symbolise l’échec de cet idéal ou notre difficulté à l’atteindre. Je ne peux ici que parler généralement. Vous me pardonnerez donc si je n’évoque pas toutes les situations particulières dans leurs détails. Je veux adresser à toutes les familles sans exception -quelles que soient leurs situations- un message d’encouragement et d’espérance. Je veux aussi souligner que la Révélation du Christ nous donne, à nous chrétiens, de comprendre en profondeur ce qui est en jeu dans la famille et de trouver des forces nouvelles pour en vivre, même au milieu de notre monde compliqué et abîmé.
INTRODUCTION : UN TABLEAU CONTRASTÉ
(4) La famille et la jeunesse sont à l’évidence intimement liées. Ensemble, elles sont au centre de l’engagement de toute société pour l’avenir. Elles portent la succession des générations et la transmission des modes de vie. Elles sont aussi dépendantes l’une de l’autre. Il n’y a pas de jeunesse pleinement heureuse et féconde sans famille. Et une famille sans jeunesse est amputée de son dynamisme et de son espérance. Pourtant dans notre société occidentale, nous constatons que la famille comme la jeunesse sont plus vécues comme des problèmes que comme une espérance.
(5) Certes la famille est l’objet de grandes attentes. Elle est plébiscitée comme une valeur refuge prioritaire dans tous les sondages, et ce quel que soit l’âge des personnes interrogées. Mais, en même temps, nous constatons que la famille est fortement contestée de toutes parts. Elle est contestée dans la vie pratique par l’instabilité des couples qui s’unissent et se désunissent ; par la constitution de foyers de fait entre des personnes qui ne souhaitent pas s’engager définitivement l’une envers l’autre ; par l’appartenance des jeunes à plusieurs foyers, dans ce que l’on appelle des « familles recomposées » ; par les offensives pour légitimer des unions homosexuelles ; par l’affaiblissement continu de la politique familiale, etc.
(6) De même, beaucoup de nos contemporains souhaitent avoir une descendance. On va jusqu’à dire que le désir d’enfant donne un « droit à l’enfant ». Mais on voit en même temps que cette attitude n’aide pas à assumer le fait que les enfants grandissent et deviennent des adolescents, avec leurs désirs et leur agressivité. On peine à formuler les repères éducatifs et à prendre les moyens d’assurer les conditions d’une éducation sereine : stabilité du couple parental, ouverture de la famille au service des autres, références morales, etc.
(7) Devant ce tableau contrasté que chacun de nous pourrait illustrer par d’autres exemples, les chrétiens sont souvent troublés. Ils risquent de succomber à l’impression qu’il n’y a rien à faire, comme si nous étions devant une fatalité. Ils se sentent pris dans l’alternative de se laisser emporter dans les mœurs que la société promeut sans vergogne ou de se réfugier dans un îlot de résistance voué à l’ignorance des autres ou à leur incompréhension. Faut-il que nous soyons simplement des gens qui font « comme tout le monde » ou les adeptes d’une contre-culture qui nous coupe de notre environnement ? La sagesse chrétienne est-elle seulement à notre usage ou est-elle destinée à toute l’humanité ?
1. DE PROFONDES MUTATIONS
(8) C’est pour tenter de réfléchir à ces questions et de nous aider à progresser dans nos réponses que j’ai souhaité faire de cette deuxième année de notre programme pastoral « Paroisses en mission » une année pour la famille et la jeunesse. Je voudrais que nos réflexions de cette année et les actions qui seront engagées nous rendent confiance dans notre avenir et fassent de nous des témoins d’une espérance pour nos contemporains : l’amour conjugal, la responsabilité parentale, l’expérience familiale, le temps de la croissance et de l’éducation ne sont pas fatalement voués à l’échec et à la souffrance. Ils peuvent véritablement être un chemin de bonheur et de joie.
(9) Trop souvent nous entendons des lamentations sur la famille, pas seulement pour exprimer des regrets, mais aussi pour exprimer des souffrances. Ces lamentations ne sont pas d’abord des accusations ; elles sont plutôt l’expression d’une douleur, la douleur de parents qui ont imaginé et souhaité transmettre à leurs enfants un certain patrimoine culturel et spirituel, et qui ont l’impression d’avoir échoué. On entend toutes sortes de choses, par exemple : « Qu’avons-nous manqué ? Qu’avons-nous mal fait ? A quels moments nous sommes-nous trompés ? Qu’aurait-il fallu faire autrement ? » Ce genre de questions est toujours plus ou moins l’expression d’un sentiment de culpabilité, il traduit la déception que la grande espérance que représente la famille ne se réalise pas.
(10) Arrêtons-nous quelques instants sur cette perspective de déclin et de désarroi. Nous connaissons aujourd’hui une crise culturelle grave qui dépasse de beaucoup la question de la famille. Je voudrais essayer simplement d’en évoquer et d’en évaluer avec vous quelques aspects.
(11) Au cours des deux derniers siècles, nous avons assisté à une privatisation complète des comportements et des motivations. Quoi que l’on dise, cette privatisation déclenche un discrédit non seulement de la famille mais plus largement des organisations chargées de signifier et de transmettre un projet collectif de société. La crise culturelle que nous traversons n’est pas simplement un séisme qui bouleverse un modèle familial, c’est un ébranlement qui agite tous les domaines de la vie collective. Ce que nous désignons comme la crise de la famille, c’est aussi la crise de l’école, c’est aussi la crise d’une certaine forme de la société. Il y a là un « effet de banquise » : beaucoup d’éléments qui contribuaient à l’architecture de la vie collective se trouvent disjoints et ébranlés, et tous les domaines de la vie humaine sont touchés.
(12) Cette déstructuration est particulièrement sensible quand on parle de la famille. Il est assez significatif que dans le langage courant, où l’on parle beaucoup de la famille, on n’est plus tout à fait capable de savoir quelle réalité ce mot désigne. Quand on est obligé d’ajouter un adjectif, cela veut dire que le mot ne se suffit plus à lui-même. On ne dira pas qu’il s’agit d’une famille, on dira qu’il s’agit d’une famille stable, ce qui signifie qu’il y a des familles instables, on dira qu’il s’agit d’une famille traditionnelle, ce qui signifie qu’il y a des familles « nouveau modèle », on dira qu’il s’agit d’une famille dissociée ou éclatée, on dira qu’il s’agit d’une famille recomposée. On parlera même de famille « monoparentale », c’est-à-dire avec un seul parent. Je n’ai pas besoin d’expliquer les adjectifs - vous les connaissez tous -, mais vous entendez à coup sûr, quand je les énumère, que, chaque fois, le substantif, le mot « famille », prend un sens différent.
(13) Le crédit dont jouit la famille et les espérances qu’elle porte créent un désir de garder le nom, « la marque », et de l’appliquer sur des réalités humaines vécues qui ne sont pas du tout les mêmes. Pourquoi tient-on tellement à garder la marque ? Dirait-on encore aujourd’hui : « Familles je vous hais ! » ?
(14) Nous constatons la même chose à propos du mariage. Car si on entend par ce mot une union unique et définitive, il n’est pas très sûr que l’on parle du mariage de tout le monde. Le mariage tel que se le représente un certain nombre de nos contemporains inclut des valeurs qu’ils essayent de vivre, mais pas nécessairement avec l’idée que cela dure toute la vie. Le même mot désigne donc des réalités très différentes. Pourquoi tient-on à ce même mot alors ? Peut être parce qu’on espère confusément, inconsciemment, qu’il pourra quand même rester quelque chose de la réalité précédente. En tout cas, ce mot renvoie à une expérience connue.
2. QUE VOULONS-NOUS VIVRE ?
(15) À partir de la situation que je viens d’esquisser rapidement, il me semble que, si nous voulons avancer, notre première tâche est d’essayer d’exprimer d’une façon claire ce que nous mettons derrière le mot « famille ». Cet effort de formulation dans nos échanges doit nous permettre de mieux préciser ce à quoi nous tenons et dont nous voulons témoigner auprès de nos contemporains. Pour amorcer ce travail, je vais simplement énoncer des indices d’une famille : c’est un homme, une femme, des enfants, liés de manière stable pour réaliser de la manière la plus fructueuse possible l’éducation des enfants.
(16) Pour nous, le point sensible est évidemment celui qui tient ensemble l’union des époux et leurs responsabilités d’éducation. Pour en situer l’enjeu, il me paraît utile de porter notre regard au-delà des limites de notre ère géographique et historique et de nous demander si nous sommes simplement porteurs d’une tradition particulière, héritée du judéo-christianisme -comme beaucoup le pensent et le disent- ou bien si notre approche s’inscrit dans une expérience humaine plus large qui concerne aussi bien ceux qui ne partagent pas notre foi.
(17) Nous mesurons bien les différences considérables qui existent à travers le temps et l’espace entre la famille africaine, la famille asiatique, la famille sud-américaine ou la famille occidentale, européenne ou française. Mais nous percevons aussi, à travers les études qui ont été réalisées dans la période moderne, qu’il y a des éléments invariants qui traversent toutes les sociétés et toutes les cultures. L’invariant principal est le suivant : à travers ce que nous connaissons de l’histoire de l’humanité, dans toutes les cultures, toutes les religions, jamais une société n’a abandonné l’éducation des jeunes à un système non contrôlé, à un système qui ne soit pas codifié. L’enjeu, ce que vont devenir les garçons et les filles de la génération suivante, est trop important pour être abandonné au seul jugement de chacun. C’est pourquoi toutes les sociétés ont élaboré des protocoles d’éducation dont la famille est le pivot central autour duquel sont liés l’objectif de la stabilité des époux, l’objectif d’une certaine réussite de l’éducation de leurs enfants et l’objectif d’une vision prospective pour une société.
(18) Bien sûr, selon les époques et les cultures, la liaison entre ces trois objectifs a pu prendre des formes différentes. Mais quand ces trois éléments sont dissociés, quand ils ne fonctionnent pas ensemble, il y a une situation de crise. On doit aussi se poser une autre question : toutes les combinaisons possibles des trois objectifs évoqués, union des époux, éducation des enfants, transmission des valeurs communes, sont-elles équivalentes ? Pouvons-nous porter un jugement de valeur sur ces différents modèles ? Certains, dans le but de relativiser les contraintes morales du « carcan » familial, en appellent volontiers à d’autres modèles : sociétés antiques, mariages coutumiers, polygamie, etc. Nous devons évaluer comment la promotion de notre modèle de mariage représente un réel progrès pour les individus et pour la société. Qu’il soit difficile à mettre en œuvre et que certains n’y parviennent pas ne le rend pas obsolète ou inadapté à sa mission, voire périmé pour le XXIème siècle.
(19) Prenons l’exemple de la réussite personnelle des enfants sur le plan social. C’est évidemment un objectif tout à fait naturel et compréhensible. Que des parents veuillent aider leurs enfants à réussir leur vie, c’est vraiment la manifestation de leur amour, de la conscience qu’ils ont de leur responsabilité parentale. Mais peut-on atteindre cet objectif de réussite personnelle sans mettre en œuvre les moyens nécessaires de la stabilité familiale et de l’accompagnement de chaque enfant ? Peut-on aussi espérer réussir l’intégration des jeunes dans la société sans ouvrir leurs capacités à la vie sociale ? Je crois que l’on n’aide pas vraiment les jeunes à grandir et à atteindre leur maturité en leur assurant une formation particulière à l’abri de toutes les nuisances, mais au contraire en leur permettant de développer des relations dans leur environnement. On ne prépare pas à une vie sociale digne de ce nom en façonnant des spécimens isolés.
(20) Cette question ne se posait pas de la même façon il y a quarante ou cinquante ans ! Le phénomène de l’enfant unique était relativement rare. Même quand il arrivait qu’un enfant soit seul avec ses parents, il y avait autour de lui, dans la famille large, trois, quatre, cinq, dix jeunes de la même génération qui se retrouvaient de toutes sortes de façon. Il y avait une sorte de brassage par fratrie ou cousinage qui résultait de la taille des familles. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans ce cas de figure, les familles sont plus réduites. La socialisation ne va pas seulement découler du jeu normal de la vie familiale ; elle va devoir se construire, trouver des lieux d’exercice. Mais encore faut-il que les parents aient en vue une certaine intégration de chaque jeune dans la vie sociale !
(21) Une autre difficulté apparaît lorsqu’on dissocie l’union du père et de la mère de l’éducation des enfants. Il y a déjà la question de savoir si les parents sont bien le père ou la mère biologique. Ce n’est plus une certitude acquise puisque l’on a maintenant des moyens de reproduction déconnectés de la relation charnelle de l’homme et de la femme. La paternité et la maternité génétiques ne sont plus nécessairement liées à la vie d’une famille constituée. Il est vrai que cette situation n’est pas encore statistiquement représentative, et ne correspond pas à la manière de vivre du plus grand nombre. Mais si l’union du père et de la mère n’est pas étroitement articulée avec la croissance personnelle des enfants, comment ce développement va-t-il trouver son harmonie et sa stabilité ? Je sais bien qu’on nous explique abondamment que les enfants de familles séparées ou de familles recomposées sont bien plus heureux que ceux qui sont dans des familles maintenues unies mais où on se dispute tout le temps... C’est à voir. Mais que sait-on des souffrances secrètes de ces enfants et de chacun de leurs parents ? Quelles sont les conséquences de ces situations, à moyen ou à long terme ? Quels sont les liens entre le nombre de familles brisées et l’échec scolaire, voire même la délinquance juvénile ? Ces chiffres sont trop rarement publiés. Est-ce pour nous donner bonne conscience ?
(22) Comme vous le savez, pour nous chrétiens, l’union de l’homme et de la femme dans un mariage unique et définitif n’est pas une simple réponse à un besoin social d’éducation. Elle a une dimension infiniment plus belle et plus riche : elle manifeste la fidélité de Dieu à son Alliance au cœur de l’expérience humaine la plus intime. L’approfondissement de la foi chrétienne a permis de mettre en lumière la profondeur exceptionnelle de la relation amoureuse des époux. Ils se donnent tout entiers l’un à l’autre dans une union que seule la mort peut dénouer. Ce don qu’ils se font de tout leur être, corps et âme, actualise dans les conditions de la vie humaine un aspect de la relation de Dieu avec le monde : Dieu est don, Il se donne tout entier, sans revenir sur son don initial.
(23) Cette alliance, la Bible en situe les prémisses dans les récits de la Création aux premiers chapitres du livre de la Genèse. Nous y découvrons que le statut particulier de l’homme et de la femme en fait des créatures singulières dans la multitude des espèces vivantes. Non seulement l’identité propre d’Adam et d’Eve est précisée par leur création « à l’image de Dieu », mais encore leur existence comme couple est établie dès ce moment originel. Ils sont créés l’un pour l’autre. C’est dire à quel point l’expérience humaine de la différenciation sexuelle et de l’union des deux sexes dans une relation amoureuse est vue comme le chemin d’accomplissement personnel et commun. La différence sexuelle du masculin et du féminin est bien réelle. Elle interdit tout rêve de fusion. Mais cette séparation du masculin et du féminin fonde une mission propre à chacun des sexes. L’union des époux permet que cette différence devienne communion dans l’union des corps et des âmes.
(24) L’accomplissement de cette union se réalise dans le don que chacun des époux fait de lui-même à son conjoint, don définitif et total que saint Paul met en relation directe avec le don que Jésus a fait de sa propre vie pour son Église. Paul développe cette comparaison dans l’épître aux Éphésiens en expliquant comment le don des époux est un « mystère » comparable au don du Christ : « Vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même à Dieu pour nous… » (Éph. 1, 2). On pourra aussi relire et méditer ce que Paul dit du mari et de l’épouse, aux versets 21 à 33. Ce serait une erreur de ne voir dans cette méditation que la trace d’une conception datée et dépassée des relations conjugales. Pour Paul, il s’agit bien d’un don mutuel total : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne seront qu’une seule chair. Ce mystère est grand, je déclare qu’il concerne le Christ et l’Église. » (Éph. 5, 31-32).
(25) Cette vision très positive de l’union de l’homme et de la femme fait de leur mariage un des sept sacrements, par lesquels le don de Dieu rend visible et efficace sa présence dans l’histoire des hommes. Si bien que le mariage n’est pas seulement un mode de vie particulier au seul bénéfice des époux. Il a aussi une dimension missionnaire. Il signifie, d’une manière concrète, que, avec la grâce de Dieu, l’amour est possible, la fidélité est possible, le pardon est possible et qu’ils sont signes de l’amour, de la fidélité et du pardon de Dieu. Quand l’Église appelle ceux qui veulent s’aimer à s’unir dans le mariage, ce n’est donc pas d’abord pour des raisons morales. C’est aussi parce que le mariage des baptisés est un aspect constitutif de la mission de l’Église dans le temps des hommes.
(26) De la même manière que l’alliance de l’homme et de la femme, fondatrice de la famille, trouve son origine dans l’alliance de Dieu et de l’humanité, il nous faut apprendre à devenir fils et filles. En effet, aucun d’entre nous ne se donne à lui-même la vie. Pour grandir, chacun doit entrer dans une filiation, c’est-à-dire apprendre à se recevoir d’autrui. Nous devenons un être singulier en nous recevant d’un père et d’une mère. La filiation fondée sur un parent unique risque de nous faire entrer dans une relation fusionnelle où l’identité peine à se déployer. Ce fut le cas dans les sociétés matriarcales du temps jadis et aujourd’hui c’est un risque et une difficulté que doivent surmonter les foyers monoparentaux. Apprendre à être fils et filles pour trouver son identité propre, nous permet de nous saisir nous-mêmes plus profondément que dans la simple expression biologique de l’existence.
(27) Or, pour un chrétien, la filiation charnelle est le symbole de la filiation divine offerte par le baptême. Apprendre à « être enfant de Dieu dans le Fils éternellement engendré », c’est se recevoir du Tout-Autre, c’est-à-dire du Père créateur de la vie. Cette attitude permet d’accueillir notre filiation charnelle et de dépasser ce qu’elle a toujours d’imparfait et d’inachevé. Cette dignité suréminente d’être fils et fille dans le Fils unique, est un don, pas un droit. Elle nous enseigne l’humilité puisqu’elle ne vient pas de nous. Elle nous apprend l’accueil, qui est l’attitude fondamentale du chrétien : accueil de Dieu et de ses dons, accueil de l’autre (conjoint, enfants) avec ses richesses et ses différences.
(28) Les enfants qui naissent, fruits de l’amour de l’homme et de la femme, ne sont pas d’abord une réponse à « un désir d’enfant », moins encore à un « droit à l’enfant », qui transformerait ces enfants en objet de satisfaction pour leurs parents. Ils sont un don gratuit de l’amour qui donne toute sa dimension à l’engagement des époux. C’est l’émerveillement devant ce don gratuit qui donne sa structure fondamentale à la responsabilité éducative. Celle-ci ne consiste pas à modeler une copie de ce que sont les parents, ou de ce qu’ils auraient voulu être, mais à se mettre au service de la personnalité unique de chaque enfant pour lui permettre de trouver son chemin particulier.
(29) Sur ces relations entre les parents et les enfants, nous pourrions utilement méditer le pèlerinage de la Sainte Famille à Jérusalem (évangile de saint Luc 2, 41-52). Le récit n’a évidemment pas pour premier objectif de fournir un « guide pour l’éducation des adolescents ». Son but est apparemment tout autre : dire d’une manière renouvelée, après les récits de l’Annonciation et de la Nativité que, au-delà des apparences ordinaires de la famille de Nazareth, Jésus n’est pas simplement le fils de Marie et de Joseph. Il « doit être chez son Père », dont le Temple symbolise la présence au cœur du Peuple élu. C’est affirmer l’origine et l’identité divine de Jésus. Ce qui n’empêcha pas Luc de dire que Jésus était soumis à Marie et à Joseph, mais ce qui met en lumière l’originalité personnelle de Jésus dans sa famille. La véritable éducation est précisément celle qui se met au service du développement de cette personnalité. D’une certaine façon, chaque enfant devient vraiment lui-même quand il découvre sa propre relation avec Dieu qui déborde celle qu’il vit avec ses parents.
(30) Je voudrais ici m’adresser plus directement aux enfants et aux jeunes. Vous grandissez au sein d’une famille, celle constituée par les parents qui vous ont donné la vie ou qui vous ont accueillis et des frères et sœurs qui vous précèdent ou vous suivent. Vous dessinez progressivement ce que sera votre vie. Que l’Evangile du Christ guide vos choix et vos actes ! A mesure que vous grandissez, vous découvrez ce que vous avez d’unique, ce qui vous fait différents et de vos frères et sœurs et de vos parents, et cette originalité ressortira d’autant mieux que vous serez davantage unis.
(31) Vos parents accompagnent cette croissance. Ils vous donnent beaucoup pour qu’elle puisse se faire au mieux, beaucoup de ce qu’ils ont et surtout beaucoup de ce qu’ils sont. En vous donnant la vie, ils vous ont donné beaucoup plus d’eux-mêmes que vous ne pouvez le mesurer et ils continuent à le faire sur le chemin, pas toujours simple, de votre éducation. Tout cela, Dieu vous demande de le reconnaître en rendant à vos parents l’honneur que vous leur devez. Le commandement de Dieu : « Honore ton père et ta mère » et la promesse qui l’accompagne : « afin que se prolonge tes jours sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu » (Ex 20, 12) s’adresse à tous les hommes, parce que tout homme a des parents.
(32) Faites confiance à vos parents et méritez leur confiance à votre tour en vous gardant du mensonge et de la dissimulation, en prenant au sérieux les conseils qu’ils vous donnent. Par votre affection, par votre découverte de la vie et du monde, vous êtes pour vos parents un rayon de soleil. Au milieu de leurs responsabilités et de leurs charges professionnelles ou sociales, votre présence et ce qu’ils peuvent vivre avec vous les réconfortent, les renouvellent dans le goût de vivre, leur ouvre des projets nouveaux.
(33) Si vous avez la chance de vivre dans une famille unie et paisible, sachez que c’est un don formidable. Efforcez-vous de contribuer vous aussi à l’unité et à la paix de votre famille. L’unité entre frères et sœurs est vrai trésor. Les liens de la chair et du sang, d’une éducation et d’une histoire communes, peuvent devenir peu à peu des liens de charité. Avec vos frères et vos sœurs, vous apprenez à partager, vous renoncez à être le centre du monde et vous découvrez qu’« il y a plus de joie à donner qu’à recevoir ». Si votre famille traverse des moments de tension, si vos parents se sont séparés, sachez que vous êtes pour eux un gage d’espérance : que vous soyez là est le signe qu’ils se sont aimés et cet amour, même s’ils n’ont pas su ou pas pu le développer vraiment au long des années, n’est pas vain puisqu’il a permis que vous soyez là. Un jour, dans la gloire de Dieu en tout cas, nous l’espérons, mais peut-être ici-bas aussi, ils se retrouveront, ils se pardonneront, ils pourront reconnaître leurs torts et se réjouir pleinement de l’amour qu’ils s’étaient donnés. Dans ce qui vous rend unique, dans ce que vous apportez au milieu des hommes, ils trouveront toujours un motif de joie et la promesse qu’ils valent mieux que les déchirements qu’ils ont pu connaître.
(34) Quant à vous les jeunes et les étudiants, vous vous préparez à fonder une famille. Notre monde, et en particulier toute l’industrie du divertissement, vous incite facilement à jouir de la vie, à vous amuser, à vous « éclater ». Il vous fait miroiter les plaisirs de la vie sexuelle et les saisons de la vie affective. Il vous attire par l’alcool, la drogue et la pornographie, vous donnant l’illusion de rendre votre vie excitante. Vous êtes dans des temps d’études et de formation ; ceux-ci sont souvent arides, c’est certain, même s’il est merveilleux d’apprendre, de découvrir ses capacités et d’acquérir des compétences qui vous permettront de tenir votre place en cette vie. Vous avez donc normalement besoin de détente. Mais la grande aventure de la vie humaine, la seule qui compte, c’est de devenir capable de se donner et de trouver celui ou celle à qui unir sa vie, à qui vous « attacher » et avec qui « devenir une seule chair » (Gn 2, 24). Pour vous préparer à cette aventure, apprenez à nouer des amitiés réelles, solides et sincères, tant masculines que féminines. Faites de grandes et belles choses entre amis. Ne vous contentez pas de fêtes sans lendemain. Donnez de votre temps ; partagez ce que vous avez ; mettez-vous au service de plus jeunes ou de plus pauvres ou de personnes âgées : les personnes qui ont besoin de votre force, de votre énergie, de votre enthousiasme, de votre capacité de créer, ne manquent pas.
(35) Certains d’entre vous, sans doute, « tombent » facilement amoureux ; d’autres sont plus stables ou plus sages : ne vous enfermez pas dans vos émois amoureux, ne vous laissez pas prendre à l’illusion que toute attirance doit nécessairement déboucher sur une relation sexuelle, ne vous laissez pas imposer des flirts sans amour vrai pour faire comme tout le monde. Votre corps vous est donné pour être l’expression de votre cœur, et votre cœur n’est pas votre sentimentalité fluctuante, mais votre liberté profonde. Soyez fidèles dès aujourd’hui à celui ou à celle qui sera un jour votre époux, même si vous ne le connaissez pas encore. Que ces années de jeunesse soient un temps d’élargissement et de fortification de cette liberté. Un jour, vous ferez entrer votre futur conjoint dans votre famille. Vous donnerez ainsi à tous les vôtres la joie de voir que vous prenez la vie au sérieux et que vous croyez suffisamment en vous-mêmes et dans les autres pour engager votre vie sans réserve. Au milieu d’un monde agité et souvent dur, fonder une famille revient à proclamer que notre vie nous est donnée par amour et que notre plus grande tâche terrestre est d’apprendre à aimer en vérité, à travers nos forces et aussi nos faiblesses.
(36) Il se peut que le conjoint espéré tarde à se présenter. C’est, je le sais, pour pas mal de jeunes gens et de jeunes filles aujourd’hui, une souffrance et une angoisse. Ces années d’attente ne sont pourtant pas des années vides : au-delà de votre engagement dans la vie professionnelle et ce qui peut parfois s’y réaliser de grand et de beau, vous avez une énergie et une créativité dont des milliers de causes diverses au service de l’humanité ont besoin et votre apport y est indispensable.
(37) A l’autre bout de la vie, le grand âge est désormais accessible au grand nombre. Il a sa beauté : il est un temps de sagesse, de purification, de contemplation. Il a aussi ses douleurs. De plus en plus les familles vont avoir à accompagner et à porter tel ou tel de leurs membres, des parents, des personnes seules, dans ces années qui peuvent sembler vides ou inutiles. Nous savons, nous chrétiens, que tout sert à celui qui aime Dieu. Des forces d’attention, de délicatesse, de persévérance et d’espérance vont devoir être mobilisées par beaucoup. Entre frères et sœurs, ce devrait être l’occasion de s’unir pour apporter aux parents la gratitude qu’on leur doit. Accompagner un être aimé dans le progressif dépouillement qui conduit à la mort est éprouvant, sans doute, mais ce peut être une provocation à aimer et aussi une source d’approfondissement de notre sens de la vie. C’est dans la vie éternelle, et elle seule, que nos vies trouvent leur couronnement.
3. QUE POUVONS-NOUS FAIRE ?
(38) Une fois mieux éclairés sur les enjeux de la famille, peut-être vous demanderez-vous : « Que nous faut-il donc faire ? », comme les auditeurs de Pierre à Jérusalem, lors de la Pentecôte, lorsqu’il leur annonce la Résurrection de Jésus. En effet, il n’est pas très difficile de se mettre d’accord sur un certain nombre de valeurs de la vie familiale, quitte d’ailleurs à s’en affranchir quand l’épreuve se présente. Il est plus difficile sans doute de mettre en œuvre ces valeurs.
(39) Avant toute chose, je voudrais à nouveau insister sur le fait qu’il y a quelque chose à faire. Nous rencontrons trop de gens qui sont aliénés dans leur liberté, comme s’ils étaient submergés par une vague de comportements et de manières de vivre contre lesquels ils ne pourraient rien. Prenons quelques exemples pour nous éclairer. Actuellement dans la Région d’Ile-de-France, on estime que plus de 40% des mariages aboutissent à un divorce. C’est un nombre tellement considérable que, tous, nous connaissons des familles, peut-être même les nôtres, qui sont frappées par ce fléau. La pensée commune est qu’il n’y a rien à faire et que, fatalement, un mariage sur deux va se terminer par un divorce. Mais pensez-vous sérieusement que les 60% de mariages qui tiennent sont composés de gens anormaux, qui ne vivent aucune crise conjugale et qui n’ont aucune raison de se séparer ? Plutôt que de nous laisser fasciner par ces 40% d’échec, pourquoi ne pas nous appuyer sur les 60% de succès et essayer de comprendre comment il est possible de vivre la fidélité ?
(40) De même, le « modèle télévisé » de la vie affective, comme les cours d’éducation sexuelle dispensés dans les collèges et les lycées, fonctionnent sur un principe qui n’est jamais contesté, et pas même discuté : la continence sexuelle serait impossible. Une fois ce principe admis, il n’est pas difficile de dissocier la relation sexuelle de l’engagement personnel des partenaires. L’éducation affective est du coup ramenée à une prophylaxie dont les objectifs sont d’éviter les deux grands dangers que sont les maladies sexuellement transmissibles et la maternité. Ainsi ce qui peut être une belle expérience humaine se transforme en « zone dangereuse ». Comment pouvons-nous accepter que l’on réduise à ce point la liberté humaine, qu’on la juge incapable de surmonter les désirs sexuels ?
(41) J’ai choisi délibérément ces deux exemples parce qu’ils nous font sentir à quel point nous sommes entraînés dans une logique de fatalité. Il en est beaucoup d’autres qui sont moins graves et moins dramatiques. Mais en tout cela, c’est la liberté humaine qui est en jeu. C’est notre dignité que d’être bien plus qu’une somme de désirs et de pulsions, c’est notre grandeur que d’apprendre à les maitriser.
(42) Si vous avez accepté de considérer qu’il y a quelque chose à faire et que vous pouvez faire quelque chose, je vous propose quelques pistes de réflexion pour progresser.
(43) La force du lien entre les époux. Comment pouvons-nous aider au renforcement de ce lien ? Regardons une journée ordinaire de la vie d’une famille et plus particulièrement des époux : nous sommes frappés par les éléments dispersants, les éléments distrayants. Une fois retiré le temps du travail, le temps des repas, du soin des enfants et du sommeil, le temps réel matériellement disponible pour l’échange et l’union du couple est réduit à très peu de choses. En outre, les contraintes de la vie professionnelle, les différences de situation des uns et des autres et la simple différence homme/femme font qu’il ne suffit pas de mettre un homme et une femme dans un même appartement pour qu’ils deviennent un couple. La négation de ces différences peut produire des distorsions ruineuses.
(44) Comment faire pour que l’amour des conjoints se développe réellement en intégrant ces différences, et non pas en dépit ou à côté d’elles, ou seulement pendant les week-ends et pendant les vacances, comme dans une vie à tiroirs ? La croissance dans l’amour, le renforcement de l’amour en intégrant les éléments de dispersion demandent du temps et du « travail ». Il peut paraître incongru de parler de travail pour une relation d’amour. Pourtant je vous invite à y réfléchir. Combien de couples se dissolvent d’abord par manque de temps passé véritablement ensemble, par manque de dialogue et de partage sur les événements quotidiens de la vie ? On trouve normal de s’investir à fond, parfois au-delà du raisonnable, pour mener à bien un projet ou tout simplement réussir sa carrière professionnelle, ou satisfaire sa passion pour telle ou telle activité, et on ne trouverait pas normal de passer du temps et d’investir son attention pour progresser dans la communion conjugale ?
(45) Le succès de cet investissement repose sur le fait qu’un homme et une femme ont un amour suffisamment fort et décidé pour s’engager définitivement. On peut raconter beaucoup de choses édifiantes sur le mariage mais sans tenir vraiment compte des réalités. Dans les années ou les décennies qui viennent, les chrétiens vont être amenés à rendre un témoignage direct sur ces questions, en faisant le nécessaire pour vivre en vérité l’engagement qu’ils ont pris. Quand on prépare un mariage, on pose aux futurs époux la question : « Êtes-vous décidés à vous engager pour toujours ? » Bien souvent ils répondent : « Mais je ne peux pas vous dire ce que je ferai s’il survient des événements que je ne connais pas ». Alors on leur dit : « Personne n’est capable d’un engagement « aveugle », mais aujourd’hui je vous demande à vous deux qui êtes là devant moi : « Êtes-vous décidés à vous engager réellement pour toujours ? » Forcément l’un de vous mourra un jour, puis l’autre, mais cela ne vous empêche pas aujourd’hui de dire que vous voulez vivre ensemble. Il pourra arriver des accidents qui rendent la vie impossible. Il est statistiquement inévitable que cela arrive. Mais pourquoi voulez-vous que ce soit forcément à vous que cela arrive ? » Ce n’est pas exactement la même chose de se marier en incluant l’échec comme une règle ordinaire ou bien de se marier en disant : nous voulons vraiment réussir. Quand vous mettez des enfants au monde, ce n’est pas pour qu’ils tombent malades, et pourtant ils seront tous malades à un moment ou à un autre ! Mais Dieu ne nous demande pas de prendre une assurance tous risques sur la santé, pas plus qu’il ne nous demande de prendre une assurance tous risques sur la fidélité. Il nous demande de savoir ce que nous voulons pour nous-mêmes, quel est le choix de notre liberté.
(46) Si nous n’acceptons pas cet acte de vérité nous sommes dans une hypocrisie dévastatrice, dans un jeu autodestructeur. Cela ne veut pas dire que ne peuvent se marier devant le Seigneur que des saints, mais que le mariage suppose l’orientation du cœur, le dynamisme de la liberté soient tournés vers l’objectif de cette vérité. Et si nous sommes authentiques dans notre liberté, si nous prenons les moyens de notre liberté, alors nous sommes à même d’assumer les difficultés lorsqu’elles surviennent. Mais si nous avons inscrit dès le départ que la difficulté signifiera l’échec, alors il n’y a pas d’engagement. Nous sommes dans une situation culturelle et sociale dans laquelle l’équivalence entre mariage et engagement définitif ne fait plus partie du bagage commun. Cela ne signifie pas que les chrétiens ont un modèle de mariage particulier, mais bien plutôt que, quand ils se marient, ils se marient vraiment. Il faut donc que nous aidions le plus que nous le pouvons ceux qui préparent leur mariage, qui le célèbrent et qui le vivent à assumer réellement les différences que j’évoquais : la différence sexuelle, la différence sociale, la différence culturelle, non pas comme des obstacles à la réussite mais comme le moyen de la réussite de leur amour.
(47) Je viens d’évoquer les moyens de mettre en œuvre notre liberté. Je voudrais y revenir quelques instants et attirer votre attention sur quelques-uns de ces moyens.
– (48) Puisque le mariage sacramentel est une des mises en œuvre de notre vie de baptisés, les premiers moyens à prendre sont les moyens habituels de la vie chrétienne : la prière, les sacrements et la charité. Dans l’accompagnement de la préparation au mariage, c’est une dimension capitale à ne jamais oublier. La fécondité de la grâce des sacrements dépend de notre manière d’y répondre. Un mariage sacramentel n’est pas terminé quand la cérémonie s’achève. Sa vitalité et sa force dépendront de la régularité de la vie sacramentelle des époux et de leur engagement commun dans la prière, comme ils se sont engagés ensemble devant Dieu. Un couple qui ne participe pas à la messe du dimanche, ou les couples qui ne trouvent jamais le temps de prier ensemble ou de méditer ensemble la parole de Dieu passent à côté des moyens ordinaires de leur fidélité au sacrement.
– (49) De même, le dialogue habituel entre les époux est un moyen très nécessaire pour renforcer leur union et lui donner sa pleine dimension. Comme il est normal, chacun des membres du couple a sa propre évolution et son propre rythme. La croissance de l’amour des époux et de leur communion passe par un véritable partage de ce que chacun vit. Ce partage demande du temps et de la disponibilité d’esprit. De manière semblable, les deux époux sont aussi invités à passer du temps avec leurs enfants. C’est à ce prix que les incidents ou les crises habituelles de la vie peuvent être affrontés dans la confiance et l’amour.
(50) L’obéissance des parents. On se lamente beaucoup sur le manque de respect des jeunes envers l’autorité des adultes. Mais, au risque de vous surprendre, je voudrais d’abord que nous réfléchissions sur l’obéissance des parents. Il ne s’agit évidemment pas d’inverser les rôles et de faire obéir les parents à leurs enfants. Il s’agit de l’obéissance à une autorité plus haute qui définit la mission des parents au-delà de leur situation personnelle. Nous avons été inondés pendant cinquante ans de travaux de psychopédagogie, depuis : « Comment j’attends un bébé » jusqu’à : « Comment je regarde mon adolescent devenir adulte ». Tous les âges de la vie depuis le biberon jusqu’à l’université ont été passés au crible. Et tout cet effort a certainement porté du fruit. Il a aussi terriblement insécurisé les parents. Ils ont été convaincus qu’ils ne savaient pas ce qu’il fallait faire. Il faut aussi reconnaître que tout un apprentissage de l’éducation des plus jeunes se faisait jadis dans les familles par la transmission d’un savoir-faire des aînés de la fratrie à l’égard des plus jeunes. Toujours est-il qu’aujourd’hui on se trouve donc avec des gens qui sont troublés et inquiets : ne va-t-on pas rater quelque chose ? A-t-on fait tout ce qu’il faut faire ? etc. Ce sentiment qu’ont les parents de leur faillibilité, de leurs faiblesses, de leurs doutes, de leur fragilité, de leur manque de qualification, ne doit pas engendrer une espèce d’inhibition. Il est normal que des parents aient des doutes sur ce qu’il faut faire : nul n’est infaillible ni omni-compétent. Nul n’a toutes les qualifications. Des parents peuvent être désorientés par les manières de vivre de leurs enfants, leurs études, leurs loisirs, leur vie chrétienne, etc.
(51) La responsabilité des parents et leur autorité ne se fondent pas sur une suprématie de compétences mais reposent sur le lien qui les unit à leurs enfants. Cette qualification est une mission reçue, et non quelque chose que l’on décide par soi-même : on est parent parce que l’on a reçu la vie et qu’on l’a transmise. On peut dire que les parents se font obéissants dans la mesure où ils prennent conscience qu’ils sont au service d’une entreprise qui les dépasse, mais qui dépasse aussi leurs difficultés personnelles. L’éducation n’est pas la simple transmission des mœurs de la famille ou du milieu, ni même le seul apprentissage d’un certain nombre de règles de conduite. Elle est l’éveil d’une liberté qui ne peut se construire que si elle se développe dans une relation d’amour dans laquelle la loi et les règles ne sont pas le fruit d’un arbitraire particulier. Les adultes, et spécialement les parents, ont eux-mêmes à accueillir et à mettre en pratique des règles de vie auxquelles ils se soumettent dans l’obéissance de la foi.
(52) La liberté des parents par rapport à leurs enfants. Cette liberté est la condition de la liberté des enfants. On voit un nombre relativement important de personnes qui décident de se marier en lien avec la décision d’avoir un enfant. Qu’ils se marient parce qu’ils viennent d’avoir un enfant ou bien qu’ils se marient parce qu’ils veulent avoir un enfant, leur engagement personnel dans le mariage est principalement un engagement de parents. Comme si l’enfant né ou à naître était la seule raison d’être du mariage, alors que l’amour mutuel de l’homme et de la femme se réaliserait aussi bien sans cet engagement. Mais la famille, ce n’est pas simplement une organisation qui repose sur les enfants, elle repose sur les parents d’abord.
(53) Il faut essayer de comprendre jusqu’à quel point des parents peuvent être instrumentalisés par l’idée qu’ils se font de leurs enfants. Il y a des époux qui ne savent pas exister sans la référence à leurs enfants. Il me semble que ce comportement est peut-être aussi dans une certaine mesure la conséquence de l’idée qu’un enfant est le fruit d’un « projet » de ses parents, qu’il est porté par le désir des parents, ou encore qu’il correspond à un droit des parents. C’est un des effets de l’instrumentalisation complète de la reproduction humaine. Quelle liberté laissons-nous aux époux d’être eux-mêmes avant d’être parents parfaits ? Comment peut-on les aider à ne pas être complètement dépendants de leurs enfants, à avoir leur vie de couple ?
(54) De ce point de vue, la vie des couples qui ne peuvent pas avoir d’enfants est un signe précieux. À travers l’adoption ou l’engagement dans telle ou telle cause au service de leurs frères, ils manifestent aussi la fécondité de leur amour conjugal, au-delà de l’épreuve si douloureuse de l’infécondité.
(55) Affronter les conflits. Nous sommes dans une société du consensus mou. On préfère qu’il n’y ait pas de conflit, on préfère les éviter, pas nécessairement par lâcheté mais surtout parce que l’on a autre chose à faire et pas toujours la disponibilité nerveuse pour supporter les crises. Pour éviter tout cela on préfère se taire, enfouir, échapper. Comment accepte-t-on d’entrer dans le conflit et d’y faire face autrement que par une séparation inéluctable ? Doit-on se laisser enfermer dans le « tout ou rien » ?
(56) Quand on examine les itinéraires de crise on voit que celles-ci partent de peu de choses et s’enveniment de beaucoup de silence, de beaucoup d’échappatoires, de beaucoup de tentatives de ne pas affronter la difficulté ou de l’escamoter. On pourrait dire la même chose pour l’éducation des enfants : où, quand, comment et jusqu’à quelle hauteur faut-il provoquer le conflit ? Je dis bien « provoquer ». Ou bien au contraire comment se débrouiller, avec la grâce de Dieu et beaucoup de chance, pour avoir des enfants qui grandissent bien sans que l’on ait trop à combattre ? Dans la même famille, vous avez des personnalités complètement différentes et des enfants à qui il faut s’affronter : où, quand, comment et jusqu’à quel point ?
(57) C’est un point sur lequel les communautés chrétiennes pourraient aider les parents, non parce qu’elles auraient des solutions particulières, mais parce qu’elles pourraient offrir un palliatif à ce qui a disparu dans le mode de vie contemporain : les lieux de parole informels. Dans beaucoup de familles, ces lieux n’existent plus, on ne se dit plus rien. Nos communautés chrétiennes peuvent aider à mettre en place des lieux de parole, des lieux de rencontres, des lieux où il y a une certaine confiance et où il y a aussi une certaine distance par rapport à la famille. Entendons par là des lieux où, à l’occasion, on peut dire quelque chose, parler de quelque chose. J’ai été témoin de crises qui se dénouaient dans la parole. On peut le faire en s’achetant les heures d’écoute d’un psychologue, mais on peut aussi le faire en ayant un réseau de relations réelles.
(58) L’expérience de la miséricorde. Je pense que la vie familiale est indissociable de la capacité de miséricorde. Or cette capacité de miséricorde n’est pas spontanée. La faiblesse et la lâcheté le sont, mais pas la miséricorde, car elle se construit. Pour la construire il faut soi-même bénéficier de la miséricorde, de la capacité de recommencer, de repartir, de faire confiance après un échec, de pardonner. Toutes ces formes d’amour mutuel permettent que chacun sente qu’il n’est pas réduit à ses erreurs, à ses difficultés mais qu’il est aimé au-delà de ses fautes et de ses insuffisances. Je crois que le témoignage des chrétiens dans ce domaine peut approfondir et développer l’expérience de la miséricorde et aider les couples à vivre.
(59) Nous risquons trop souvent d’oublier que notre expérience de l’amour de Dieu est d’abord l’expérience de son pardon. Toute notre vie chrétienne depuis notre baptême est une expérience de pardon reçu et d’appel à pardonner. Notre pratique du sacrement de la Réconciliation est le passage incontournable de notre capacité à pardonner. Mais il nous faut aller encore plus loin. Le pardon dont il s’agit ici n’est pas simplement un général et vague pardon des offenses. C’est le pardon très particulier de l’amour blessé ou de l’amour trahi.
CONCLUSION : QUELLE MISSION POUR NOS PAROISSES ?
(60) Si j’ai souhaité que la famille et la jeunesse constituent un des trois thèmes de « Paroisses en mission », c’est parce que je pense que chacune de nos paroisses doit agir dans ces deux domaines et que chacune, au cours de cette année, doit revoir clairement les actions déjà entreprises pour les améliorer et celles qui restent à entreprendre, en fonction de l’évolution de la population à laquelle nous sommes envoyés.
(61) Les pistes que je vais évoquer maintenant ne sont donc que des orientations pour nourrir votre réflexion et éclairer les décisions qui seront prises par les paroisses et les communautés au cours de cette année, notamment par les conseils pastoraux et dans les assemblées paroissiales.
– (62) L’assemblée dominicale. Dans la suite de notre cheminement de l’année dernière, elle doit être le premier lieu d’accueil des familles. Nous devons nous efforcer d’accueillir les couples qui se présentent à l’Église dans le déroulement de leur parcours familial : préparation au mariage, préparation des baptêmes d’enfant, catéchèse, etc. C’est un chantier dans lequel notre Église a investi beaucoup de forces, depuis des années. Mais il me semble que le moment est venu de vérifier comment ce travail est vraiment rendu présent dans nos assemblées dominicales, au-delà de quelques intentions de prière universelle épisodiques. Trop souvent cet accueil repose exclusivement sur le prêtre ou le diacre, ou quelques laïcs très motivés, mais sans que la communauté dans son ensemble y soit associée.
(63) Ceux qui bénéficient de cet accueil ecclésial en sont souvent très heureux, mais peuvent-ils trouver leur place dans l’ensemble de la communauté ou n’en connaissent-ils que quelques groupes spécialisés ? Les messes dites « familiales » ont permis de progresser dans la visibilité de la réalité familiale, mais sans doute pourrait-on encore progresser dans le développement de véritables relations avec ces familles plus ou moins éloignées de l’Église, dans l’accueil des familles en situations difficiles (parents isolés, personnes divorcées et personnes divorcées et remariées, personnes frappées par le chômage, la maladie, etc.). Ces situations sont souvent connues dans le quartier. Trouvent-elles un meilleur accueil à l’Église ? Comment celles et ceux qui ne sont pas ou pas encore actuellement en situation de partager la communion eucharistique sont-ils reçus parmi nous ? De même, nous pouvons progresser dans la place faite aux jeunes, enfants et adolescents, dans la célébration dominicale : servantes d’assemblée, servants d’autel, lecteurs, chorales, etc. C’est dans la mesure où ils ont quelque chose à y faire que des jeunes se sentent participants d’un événement, non en les laissant éparpillés dans une foule d’adultes. Des groupes de partage sur les évangiles du dimanche sont aussi une bonne manière de susciter des relations entre les participants de l’Eucharistie dominicale. Bref, mettre en œuvre des moyens qui prolongent la relation sacramentelle dans une réelle convivialité.
– (64) Le soutien éducatif. Beaucoup de parents souhaitent donner à leurs enfants la meilleure éducation possible, y compris dans le domaine de la foi. Ils n’en ont pas toujours les moyens. Certains sont débordés par les différentes contraintes de leur existence et ne peuvent pas en trouver le temps. Certains se sentent eux-mêmes trop hésitants dans leur foi chrétienne pour en assurer la transmission ou pour aller contre des usages dont ils perçoivent la faiblesse, mais qu’il se savent pas affronter (usage des jeux vidéos, certaines formes de loisirs des enfants et des jeunes, désir d’émancipation des adolescents, vie sexuelle des jeunes, etc.) Sans qu’elles se substituent à la responsabilité des parents, c’est une mission capitale de nos paroisses d’assumer le mieux possible cette dimension éducative. Elles le font par le catéchisme qui demande un effort permanent de formation pour que des laïcs y prennent toute leur part. Elles doivent aussi le faire en mettant en œuvre des propositions pour atteindre le maximum d’enfants et de jeunes.
(65) Les évolutions incertaines du temps scolaire au gré des années et des réformes rendent de plus en plus difficile de trouver un temps assez long et vraiment propice pour regrouper les enfants et leur permettre de découvrir la richesse d’une vie sociale et ecclésiale. Il faut que nous progressions encore dans la prise en charge des enfants pendant les temps périscolaires. Avec les mouvements de jeunes, le scoutisme catholique et la F.A.C.E.L. (Fédération des Associations de Culture et de Loisirs), un nombre croissant de paroisses profite des moyens mis en œuvre par le diocèse pour accueillir des jeunes le mercredi, le samedi, le dimanche et durant les vacances. Cet effort éducatif et catéchétique ne doit pas, lui non plus, rester l’affaire de quelques-uns. Toute la communauté paroissiale est concernée par l’investissement nécessaire à l’éducation des jeunes, écoliers, collégiens et lycéens.
– (66) Rencontres entre couples. Depuis des décennies, des groupes de foyers se constituent et se rencontrent régulièrement, par exemple selon les modèles proposés notamment dans les Equipes Notre-Dame, les équipes « Tandem », « Elle et lui » ou d’autres encore. Ceux qui pourraient en bénéficier sont sans doute beaucoup plus nombreux. Ils pourraient rejoindre des mouvements existants, ou des initiatives locales. La grande mobilité des jeunes couples rend particulièrement urgent l’objectif de susciter des groupes de rencontre, de dialogue et de partage entre chrétiens. Faute de les développer, nous risquons de voir l’investissement important qui est fait dans la préparation au mariage se perdre dans les quelques années qui suivent. C’est au cours de la préparation au mariage que peuvent se nouer des relations qui se développeront ultérieurement.
– (67) L’art de la retraite. Pour diverses raisons, la proportion des retraités est importante dans nos communautés et ils sont nombreux à mettre généreusement leur disponibilité au service de tous. Cependant nous devons veiller à ce que leurs services ne soient pas simplement une manière de les utiliser, sans qu’ils trouvent un fruit spirituel à leur engagement paroissial. Nous avons aussi à réfléchir sur leur place dans le dispositif éducatif. Ils sont souvent de bons témoins de la foi et de la vie chrétienne. Ils apportent beaucoup à leurs petits-enfants. Ils représentent pour eux des modèles de vie humaine, plus paisibles souvent, plus disponibles, que les parents, parfois, ne peuvent l’être. N’étant pas chargés de les élever, ils peuvent les écouter et les conseiller davantage. La vie paroissiale devrait les nourrir et les fortifier pour qu’ils puissent accompagner leurs petits-enfants avec le détachement nécessaire mais aussi la clarté et l’espérance qui pourront permettre à ceux-ci de progresser.
(68) Il y a encore beaucoup d’autres champs à explorer selon les circonstances particulières de chaque communauté. Par ces quelques exemples, j’ai simplement voulu attirer votre attention sur les possibilités qui s’offrent à nous. Tout n’est pas réalisable partout. Mais partout on peut faire un pas supplémentaire dans la prise en charge de la mission par la communauté eucharistique.
(69) Rien de tout cela ne serait possible si nous continuions à faire tout dépendre de l’initiative et de la présence physique des prêtres et des diacres. L’effort auquel je vous invite est précisément le moyen nécessaire pour que davantage de catholiques prennent en charge la vie et la mission de leur Église. Le chemin parcouru depuis plus d’un siècle nous montre que cela est possible et je ne doute pas que la charité de Dieu à l’œuvre ne suscite les réponses nécessaires.
(70) L’idée chrétienne de la famille n’est pas un « modèle ringard ». Nous pouvons affirmer paisiblement qu’elle a de beaux jours devant elle. Que la société peine à reconnaître qu’elle en a besoin pour se renouveler, accueillir et former de nouvelles générations capables de s’investir dans la construction de l’avenir avec force et liberté, est bien certain mais n’enlève rien au fait : ce qui permet à l’homme de grandir paisiblement et droitement, c’est l’amour de ses parents ; l’amour qu’ils lui portent bien-sûr, mais aussi l’amour qu’ils se donnent l’un à l’autre, amour toujours à faire jaillir et à ajuster, par lequel aussi il faut se laisser conduire « là où l’on n’avait pas prévu ». L’amour des époux n’est pas seulement une série d’émotions, il est source de vie et il construit ce monde, il y introduit la seule vraie nouveauté : celle de chaque nouvel être humain, il solidifie la société en unissant des lignées, il porte la promesse que, par la puissance de Dieu, l’amour est en ce monde la force principale.
(71) Nous avons, nous chrétiens, à incarner aux yeux de tous cette espérance formidable. Nous devons le faire en ayant clairement en vue ce que nous voulons vivre, et cela exige de notre part des choix parfois exigeants. Nous devons le faire aussi en ayant le cœur large, parce que nous sommes porteurs de la miséricorde de Dieu pour ce monde, étant nous-mêmes, dans notre baptême et dans la vie sacramentelle, les premiers bénéficiaires de cette miséricorde. Dans nos communautés, nous devons apprendre de plus en plus à nous porter les uns les autres, sans nous juger, sans nous mesurer, sans nous enfermer dans des schémas mondains, mais en nous soutenant les uns les autres, dans les réussites et les échecs, dans les joies et les malheurs, avec une fraternité nouée par la célébration commune de l’Eucharistie dominicale.
(72) Le monde a besoin de témoins. Il a besoin que certains lui donnent de voir la beauté de la vie humaine toute simple vécue en sa plénitude. Parfois il réagit devant ce spectacle avec agressivité ; celle-ci est en elle-même souvent la confession d’un idéal déçu, d’un rêve que l’on croit inaccessible parce qu’on ne connaît pas la force de conversion du Christ. C’est pourquoi je vous fais confiance, vous, chrétiens laïcs, époux, pères et mères de famille, à qui il revient au premier chef de porter cette espérance devant les autres et, déjà, d’y initier vos enfants et petits-enfants. Soyez aussi témoins de ce que la sexualité peut être vécue chastement. Je vous encourage, vous, jeunes gens et jeunes filles, pour que vous sachiez orienter votre vie en avançant sur ce chemin de l’amour en acte et en vérité. Et vous, religieux et religieuses, vierges consacrées, membres des instituts séculiers et participants de toute forme de vie consacrée, je sais que vous voulez rayonner par votre chasteté parfaite de la joie de l’amour donné au Seigneur en anticipation de la charité éternelle. Quant à vous, prêtres et vous, diacres célibataires des paroisses de Paris, témoins de l’amour du Christ pour son Église par votre célibat et par la célébration des sacrements, je suis témoin de votre générosité pour aider vos frères et vos sœurs à vivre avec confiance et espérance la belle réalité de la famille.
Le 12 juillet 2010,
En la fête des bienheureux Louis et Zélie Martin.
André cardinal Vingt-Trois,
archevêque de Paris