« Maintenir cette Église, à Paris, dans la joie, la paix, la confiance »
Paris Notre-Dame – 13 janvier 2022
Paris Notre-Dame du 11 janvier 2022
Ces derniers mois, le diocèse de Paris n’a pas été épargné. Il a reçu les révélations de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, vécu les dissensions créées par l’application du Motu Proprio Traditionis custodes, a fait face au départ mouvementé de Mgr Michel Aupetit…
Comment garder la paix et l’espérance en ce début d’année marquée par une reprise épidémique ? Sans nier le contexte éprouvant, Mgr Georges Pontier, administrateur apostolique du diocèse, invite à adopter « un regard qui voit le bien ».
Paris Notre-Dame – Que dire aujourd’hui, en cette année qui commence durement, aux fidèles et au clergé parisiens ?
Mgr Georges Pontier – Nous ne sommes en effet pas épargnés par les difficultés. Nous vivons une période qui révèle les fragilités des membres de l’Église à tous les échelons. Cela nous amène à considérer, avec humilité, notre réalité : nous sommes tous, vraiment tous, fragiles. La fragilité est notre condition humaine. Elle est ontologique. Mais nous partageons le sort du monde entier. Il y a tellement d’autres difficultés dans ce monde pour que nous succombions à la tentation de nous replier sur nous-mêmes en passant notre temps à nous plaindre. Nous avons aussi la joie que nous apporte notre foi. Nous venons de vivre la fête de Noël. Nous avons des ressources dans notre vie chrétienne pour traverser les difficultés. Nous croyons en celui qui nous accompagne. Ce n’est d’ailleurs pas par nous-mêmes, ni de nous-mêmes, que nous réussirons à traverser ces épreuves. La lumière ne viendra pas de notre seule intelligence mais bien de notre abandon et de notre confiance au Seigneur.
P. N.- D. – Benoit XVI annonçait que l’Église devait s’effondrer pour pouvoir renaître. Le pape François ne cesse d’appeler de ses vœux une Église de pauvres pour les pauvres… La crise que traverse l’Église de Paris actuellement n’est-elle pas aussi une opportunité ?
G. P. – Le chemin le plus solide dans notre vie humaine et ecclésiale est le chemin dans lequel l’humilité a sa place. Quand nous comptons sur nous-mêmes, sur ce que nous maitrisons, c’est là que nous devenons les plus fragiles. Les épreuves que nous traversons peuvent aboutir à du mieux. Elles peuvent aussi aboutir au pire. Il y a tout ce qu’il faut dans une épreuve pour la dramatiser, l’empirer. Et il y a tout ce qu’il faut, aussi, en nous, pour la traverser et en tirer des leçons. C’est tout ce travail que nous faisons dans ce que nous appelons la démarche synodale. Nous sommes en train de discerner, derrière ces épreuves, un fonctionnement ecclésial qui n’était peut-être pas ajusté, qui ne respectait pas la fraternité baptismale. Nous sommes d’abord des frères et des sœurs. Parce que nous sommes, tout premièrement, et essentiellement, des baptisés. Nous pouvons avoir d’autres missions, d’autres ministères, mais aucun ne prend le dessus sur notre condition première de baptisés. Il nous faut beaucoup parler, relire les choses ensemble, partager…
P. N. –D. – En tant qu’administrateur apostolique, vous avez choisi justement de rencontrer le clergé parisien. Pourquoi ?
G. P. – J’ai souhaité rencontrer les prêtres et diacres et ai pensé plus intelligent, étant donné leur nombre, de les rencontrer par petits groupes. Je m’aperçois que cette structure où nous sommes entre trente et cinquante, permet de vrais échanges où la parole n’est pas accaparée ni par moi-même, ni par certains, mais où chacun peut s’exprimer sur la façon dont il vit ce temps éprouvant, sur la façon dont nos communautés le vivent ; ce qui nous dynamise, nos ressources, nos aspirations…
P. N. –D. – Dans votre homélie de la messe de Noël, vous avez rappelé l’injonction de saint Paul à devenir « un peuple ardent à faire le bien ». Comment nourrir cette ardeur ?
G. P. – En faisant le bien. Il n’y a pas d’autres manières. Ce n’est pas dans notre tête que nous allons fortifier cette ardeur mais dans nos actes. J’ai apprécié la façon dont on m’a parlé d’initiatives comme Hiver solidaire, de l’accompagnement des catéchumènes, de la vie fraternelle des séminaristes… Nous avons mille occasions de faire le bien et de l’observer. Il nous faut « avoir les yeux pour voir le bien » qui se fait, et aussi hors de nos communautés chrétiennes. Comment ? En le décidant. Nous pouvons, quotidiennement, dans notre prière, décider de ne pas nous coucher sans avoir rendu grâce pour le bien que nous avons vu au cours de la journée : dans telle parole, tel geste, telle lecture, tel coup de fil. Il nous est malheureusement davantage naturel de voir le mal. Mais voir l’Esprit à l’œuvre fait partie de notre dynamique chrétienne. Nous nous devons d’être capables de le reconnaître, dans la vie de tout homme. Il y a ce texte tiré des Actes des Apôtres qui me parle beaucoup. C’est ce moment où, saint Pierre, après la Pentecôte, dit : « Il est passé parmi nous en faisant le bien ». Regardons ce qui passe parmi nous en faisant le bien.
P. N. –D. – Comment, vous, en tant qu’administrateur apostolique, voudriez-vous passer à Paris, en faisant le bien ?
G. P. – Ma mission, ici, à Paris, pour quelques mois, est de centrer nos regards sur ce Salut qui nous vient du Christ. De maintenir cette Église, à Paris, dans la joie, la paix, la confiance. En quelque sorte, il s’agit de soutenir notre foi, d’aider les hommes, les femmes, à ne pas se laisser écraser par le regard qui ne ferait qu’observer, voire amplifier, ce qui est douloureux et décevant, mais de garder les yeux ouverts sur ce qui est beau. Je vois une dimension de soutien, d’encouragement et d’action de grâce. Je n’ai pas d’autre feuille de route que celle qu’on me prête : celle de l’administrateur. Je ne suis pas l’archevêque de Paris. Je n’ai pas à me prendre pour lui. Je n’ai pas d’autre volonté que de me rendre présent, d’être ce catalyseur qui porte par son ministère l’unité et la communion ; tenir ce rôle, qui, sacramentellement, rappelle que nous ne sommes pas abandonnés, que le Seigneur est là, avec nous.
P. N. –D. – Aujourd’hui, les chrétiens, à Paris comme ailleurs, paraissent divisés. Et la crise ecclésiale et sanitaire, accentue ces dissensions. Comment rester unis ?
G. P. – Vous pourriez ajouter à tout ceci un contexte culturel lui-aussi marqué par la division. Nous avons énormément de mal à vivre aujourd’hui la diversité. Celle-ci se vit avec violence, dans les propos, les attitudes, les analyses. Notre société est accusatrice. Elle est même souvent mordante. Nous avons tout ce qu’il faut pour nous déchirer. Mais, si cette division est actuellement accentuée par les moyens de communication, elle ne date pas d’hier. Dans ses premiers textes, saint Paul explique bien aux chrétiens que s’ils continent à se déchirer, ils vont disparaitre. Nous avons cette responsabilité de prendre position. Choisis-je d’être contre ou avec ? Ceux qui ne pensent pas comme moi sont aussi des frères aimés de Dieu. Il n’y a qu’une réponse à cette tentation de la division : la rencontre et le dialogue. Choisissons des lieux, des moments, où nous pouvons vivre la diversité. Si nous nous retrouvons entre semblables, nous arriverons à la consanguinité. Et la consanguinité amène à enfanter des fragilités encore plus grandes. Dimanche dernier, nous avons prié pour celles et ceux qui vivent à Paris, en particulier pour ceux qui sont traversés par la souffrance et les difficultés de la vie. Nous l’avons fait en pensant à sainte Geneviève (fêtée le 3 janvier, NDLR) qui, de son temps, a pensé à tous les Parisiens, avant même le baptême de Clovis, avant même que le Christ ait pénétré le cœur de ces habitants de Paris. Nous sommes invités à vivre un monde fraternel et non pas un monde séparé, un monde où on s’oppose. C’est ensemble, et ensemble seulement, que nous nous en sortirons.
Propos recueillis par Isabelle Demangeat @LaZaab