Maison Marguerite-Marie : poumon de fraternité en cœur de ville

Paris Notre-Dame du 16 novembre 2023

L’année 2024 devrait marquer le lancement des travaux de la Maison Marguerite-Marie, un vaste projet immobilier du diocèse de Paris qui a pour vocation d’être un lieu de fraternité et de rencontres au cœur du sixième arrondissement. Entretiens avec les différents porteurs du projet.

Les trois associations choisies n’attendent pas l’ouverture de la Maison Marguerite-Marie pour vivre en commun, grâce à des activités et repas partagés.
© Gilles Coulon - Tendance Floue pour la Fondation Bettencourt Schueller

Par Charlotte Reynaud

C’est un lopin de terre de près de 7 300 m² – dont plus de 4 000 m² de jardin – niché au cœur du sixième arrondissement de Paris entre la rue de Vaugirard et celle du Cherche-Midi. Autrefois pavillon de chasse, puis, à partir de 1810, couvent des Visitandines et pensionnat de jeunes filles (financé en grande partie par la comtesse de Ségur qui lui donne son nom), le terrain est cédé au diocèse de Paris en 2013, lorsque les sœurs de la Visitation, constatant un déclin des vocations, décident de se séparer de cette propriété. À l’acte d’apport est ajouté une condition d’inaliénabilité qui empêche le diocèse de vendre ce bien, tandis qu’une convention canonique est signée entre les deux parties pour définir un projet d’Église : ce lieu, qu’on appelle désormais Maison Marguerite-Marie – en référence à la visitandine sainte Marguerite-Marie Alacoque – sera un « poumon de fraternité », selon les mots de Maryse Lépée, coordinatrice pastorale de la Maison depuis 2021, et rattachée au pôle Solidarité du diocèse. Concrètement, le projet, qui devrait être achevé à l’horizon 2027, proposera un ensemble à vocation pastorale avec la chapelle, de grandes salles de réunion, des colocations confiées à trois associations spécialisées dans l’habitat partagé et solidaire et un immeuble de rapport, afin d’assurer une certaine forme de pérennité financière au site.

« La rencontre est au cœur de ce projet, souligne Maryse Lépée avec enthousiasme, et ce n’est pas anodin dans ce site chargé d’histoire, où les sœurs de la Visitation – en référence à la Visitation de Marie à sa cousine Élisabeth – ont travaillé, œuvré et prié pendant plus de deux siècles. C’est dire la tradition de charité de ce lieu ! » Premier cercle de la rencontre : le choix de confier des colocations à trois associations d’habitat partagé, à savoir Simon de Cyrène (qui occupera l’immeuble neuf, rue du Cherche-Midi, permettant de loger ensemble vingt et une personnes en situation de handicap et onze accompagnants), l’Association pour l’amitié (APA) (qui occupera, côté Vaugirard, trois colocations entre personnes qui ont connu la rue et jeunes professionnels, ainsi que huit studios) et la Maison de Marthe et Marie qui pourra loger, également côté Vaugirard, seize mamans entourées par douze bénévoles colocataires. « Un choix cohérent » pour Amélie Merle, directrice de la Maison de Marthe et Marie, qui souligne « une vision commune de la société » qui veut aller « au-delà des fractures », en opposant à l’isolement des liens d’amitié indéfectibles. « Nous nous connaissons bien, abonde Xavier Dupont, président du conseil d’administration de l’APA, et nous avons cette même conviction que l’habitat partagé permet de restaurer les personnes dans leur dignité et leur capacité d’agir. »

Une proximité spirituelle et désormais géographique qui permettra une véritable vie fraternelle entre chaque association : « Une vie fraternelle qui a commencé, précise Amélie Merle, car nous organisons déjà des activités ou des déjeuners partagés. La configuration des lieux, avec le jardin et ces grandes salles, permettra cette vie en commun ! » Une vie « en commun » qui sera à inventer avec les autres habitants du site, mais aussi, plus largement, avec ceux du quartier. Car « ce lieu n’a de sens que s’il rayonne vers l’extérieur », précise Maryse Lépée : « La rencontre, encore et toujours ! » Un rayonnement qui sera possible par le projet architectural – qui prévoit, en plus d’une crèche rue de Vaugirard, d’ouvrir un passage, grâce à une venelle ouverte permettant aux piétons de traverser le jardin en journée pour joindre les deux rues, désenclavant ainsi le quartier – mais aussi par les différentes activités fraternelles, solidaires et spirituelles qui seront proposées dans ce lieu. Un directeur, un intendant ainsi qu’un aumônier, seront d’ailleurs nommés par le diocèse de Paris avec pour responsabilité, entre autres, de coordonner et d’animer la vie collective. Quant aux associations, elles ont l’habitude, dans leur fonctionnement, de proposer des activités à leurs voisins, afin de tisser, encore et toujours, du lien. « On a plus que jamais besoin, aujourd’hui, de pouvoir renouer avec la confiance, confie de son côté Laurent de Cherisey, fondateur de Simon de Cyrène. Notre société, disait Jean-Paul II, est forte de la place qu’elle donne au plus fragile ; le plus fragile, en ayant besoin d’aide, nous met dans une relation de confiance. Cette maison commune est un phare d’espérance, un projet prophétique par sa manière de réinventer un art de vivre ensemble. »

Plan Masse projeté. On distingue la venelle ouverte aux riverains en journée, grâce à l’allée plantée d’arbres, joignant la rue de Vaugirard (à gauche) à la rue du Cherche-Midi (à droite).
© Agence duthilleul

Trois questions à… Stéphane Bazin
Chef de projet

Paris Notre-Dame – Où en est le projet de la Maison Marguerite-Marie ?

Stéphane Bazin – Le permis de construire est délivré et les différents recours juridiques sont épuisés, ce qui souligne à quel point le dossier, conçu par l’agence d’architecture Duthilleul, a été mûrement réfléchi avec et par toutes les autorités concernées : la Ville de Paris et ses différents services, dont sa direction du Patrimoine et la Commission du vieux Paris, l’État et les architectes des bâtiments de France... Désormais, nous sommes dans la phase de poursuite des études de qualification des projets, afin de pouvoir démarrer les travaux en 2024. Il s’agit, pour le secteur immobilier, d’une assez petite opération, mais magnifique dans ce qu’elle porte, à la fois pour son intérêt patrimonial et le sens des activités qu’elle propose. Pour donner quelques chiffres, il s’agit de 3 200 m2 à réhabiliter, 6 100 m2 d’immeubles neufs à construire ou reconstruire et 4 000 m2 de jardin à aménager.

P. N.-D. – Vous évoquez les divers recours juridiques. Parmi les critiques à l’encontre du projet, on a évoqué la destruction de bâtiments ayant un intérêt patrimonial. Qu’en est-il ?

S. B. – Les bâtiments qui, selon les différents experts, ont un véritable intérêt patrimonial – comme, par exemple, l’hôtel Clermont-Tonnerre, le pensionnat Ségur ou la chapelle – ne seront non seulement pas détruits, mais totalement rénovés et réhabilités. Les immeubles neufs seront érigés en lieu et place de petits bâtiments. Dans un projet de cette envergure, ce sont des experts en patrimoine des bâtiments de France de la Commission du vieux Paris qui donnent l’accord de la démolition. J’aimerais aussi souligner le grand soin apporté à la qualité de la construction des deux immeubles neufs, rue du Cherche-Midi et rue de Vaugirard, dont les façades s’harmoniseront avec le paysage urbain avoisinant.

P. N.-D. – Et concernant le jardin ? Allez-vous le sacrifier pour construire ces logements neufs ?

S. B. – Bien au contraire, le jardin est l’élément fédérateur de tout le projet ! Aujourd’hui à l’abandon et très pollué par le plomb, sans qu’on sache très bien l’expliquer, nous allons totalement le réhabiliter et l’aménager. En terme d’emprise au sol, la répartition entre surface non bâtie et bâtie reste quasiment la même. Si quelques arbres seront abattus, 144 seront replantés ; le sol sera totalement dépollué et un potager sera créé. Autre avantage : nous ouvrons ce jardin aux habitants du quartier, avec la venelle qui traversera le terrain. Les riverains pourront désormais traverser un îlot aujourd’hui enclavé avec le bénéfice de ce passage de verdure entièrement restauré ; nous y aménagerons un petit square le long du passage, soit en tout de bout en bout, plus de 1 000 m² non strictement privatifs. Ce projet devient un lieu arboré dont tout le quartier pourra profiter d’une manière ou d’une autre !

 En savoir plus sur la Maison Marguerite-Marie.

Maison de la Visitation Vaugirard