Mgr Claverie : « Nous avons noué une alliance avec le peuple algérien »
Paris Notre-Dame du 25 avril 1996
Le 18 avril [1996], Mgr Pierre Claverie, évêque d’Oran, répondait aux questions d’actualité dans l’émission “Bon esprit !” [sur Radio Notre Dame].
Quelle est la nature de votre livre Lettres et messages d’Algérie [1] ?
C’est un recueil d’éditoriaux et de différents textes que j’ai faits sur plusieurs années, et gui remontent au début de la crise en 1988. C’est une réflexion mois après mois sur l’évolution de la situation en Algérie et sur ses implications dans la vie de la communauté chrétienne.
Quelles en sont les idées-force ?
Dans une crise comme la nôtre, il s’agit d’abord d’essayer de voir clair. Il ne faut se laisser emporter ni par les slogans ni par la peur. Notre tâche est de garder notre sang-froid en nous référant aux valeurs fortes de la vie chrétienne : justice, vérité, ouverture à l’autre et amour. Je dis des choses simples mais elles prennent un poids particulier à cause des circonstances dans lesquelles nous nous trouvons. J’insiste là-dessus parce que dans les premiers échos qui ont été faits du livre à paraître, on dit que l’évêque d’Oran rompt le silence. En fait les évêques d’Algérie ont parlé dès le début de la crise, mais leur voix n’étaient pas très entendue.
Quel peut être aujourd’hui le rôle des chrétiens en Algérie ?
Leur rôle n’est pas différent de ceux des chrétiens partout dans le monde. Mais il y a une spécificité : les chrétiens sont une infime minorité dans un pays à immense majorité musulman. Ils ont, dès lors, une position et une vocation un peu particulières : nous avons noué une alliance avec ce peuple algérien et nous voulons vivre avec lui à la manière de Jésus.
La récente visite de Jean-Paul II en Tunisie a-t-elle été relayée en Algérie ?
Les médias n’ont pas beaucoup parlé de cette visite. Je ne sais pas si l’appel du Pape en faveur de la libération de nos frères trappistes, dont on est encore sans nouvelles, a eu un écho auprès des ravisseurs. Je l’espère, sans trop y croire.
lors de la venue de Jean-Paul II au Maroc, il y a dix ans, les médias marocains avait donné une large place à sa parole. Ce qui n’avait pas été le cas, déjà à l’époque, des médias algériens. Comme les évêques algériens, la communauté internationale fait ce qu’elle peut. Mais elle ne doit pas exercer des pressions trop fortes sur des pays comme les nôtres : ces pressions risqueraient soit de bloquer le pouvoir en place, soit de durcir les oppositions. Le maximum qu’on puisse faire,c’est appeler ou dialogue et à une plus grande démocratie ainsi qu’à continuer à sou tenir les économies défaillantes. En ce qui concerne la situation intérieure, le dialogue qui a débuté il y a une semaine laisse espérer que les forces politiques élu pays puissent enfin être associées au processus de règlement de l’ensemble de la crise.
Propos recueillis par Cyril Michaud
[1] À paraître le 25 avril [1996] aux éditions Karthala