Ouvrir des espaces de débat
Paris Notre-Dame du 24 février 2022
Comment les catholiques contribuent-ils au débat politique et comment les paroisses et les baptisés à Paris, peuvent-ils se saisir de la prochaine échéance électorale pour favoriser des lieux de réflexion et de formation ? Échos du terrain, qui placent la notion de fraternité dans la campagne.
« Heureux de trouver un lieu de débat. » C’est, en substance, la réaction de divers participants au colloque Comment réfléchir à un monde plus juste et plus fraternel ?, organisé au Collège des Bernardins le 29 janvier 2022. L’objectif de ce colloque conclusif d’un séminaire de deux ans, étant de réfléchir à des mises en œuvre concrètes détaillées dans la publication, Votez fraternité ! Trente propositions pour une société plus juste – sous la direction d’Antoine Arjakovsky et du P. Jean-Baptiste Arnaud, organisateurs du colloque. « C’est ce que peuvent apporter les catholiques en vue des prochaines élections, assure le P. Arnaud, théologien et curé de St-Louis-en-l’Île (4e ) : la culture ecclésiale du débat de fond, sur un terrain rationnel, anthropologique. » Les trente propositions ont d’ailleurs été envoyées aux candidats à l’élection présidentielle. Et d’expliquer : « Nous avons axé notre recherche sur la notion de justice, concept théologique, social et anthropologique. En abordant par exemple, la place des plus pauvres, pour que ces derniers ne soient pas seulement assistés, mais qu’ils puissent contribuer aussi à l’élaboration de la loi. » Un point parmi d’autres (éducation, fin de vie, dignité de la personne), alors que les trente propositions encouragent aussi l’organisation des consultations de terrain, afin d’associer davantage les citoyens au processus législatif. « La fraternité n’est pas seulement un bon sentiment, poursuit le P. Arnaud. Elle a une dimension politique qui engendre une manière d’exercer le pouvoir. La fraternité (dont la définition chrétienne ouvre à une transcendance, puisqu’elle a pour origine la paternité de Dieu et pour conséquence la fraternité humaine) permet de rééquilibrer les notions de liberté et d’égalité. Sans elle, le travers serait d’exercer la liberté de manière seulement individuelle ; et l’égalité deviendrait un peu abstraite ou “uniformisante”. »
Autre exemple d’espace de réflexion : à Paris, ces trois groupes de la Fraternité politique du Chemin Neuf, regroupant une vingtaine de jeunes. Ce qui les caractérise ? « Une grande diversité de profils, de type d’engagements, y compris de jeunes élus, explique Hugues Dubois, consacré de la Communauté du Chemin Neuf et responsable de cette mission créée en 2014. Ou encore des associatifs engagés localement. » « L’objectif est d’encourager des jeunes à se lancer au service du Bien commun, poursuit Hugues Dubois. À travers nos activités, nous approfondissons certains sujets du débat politique contemporain (prochainement, la notion médiatisée de « grand remplacement »), et surtout, nous partageons le trésor de notre spi ritualité ignacienne, qui offre de précieux outils de discernement : trouver Dieu en toute chose, suivre l’Esprit du Christ dans le monde. Dans leurs fraternités, ces jeunes trouvent un espace pour partager en vérité, être eux-mêmes, confronter leurs opinions, qui restent diverses, tout en cheminant avec le Christ. »
« Il faut ouvrir ces espaces de gratuité et de débat entre chrétiens et au-delà, abonde le P. Laurent Stalla-Bourdillon, ancien aumônier des parlementaires à Paris et actuel directeur du Service pour les professionnels de l’information (SPI). Dans le débat public, l’expression “les catholiques” participe d’un regard communautariste. Or, avant tout, les catholiques sont des citoyens français habités par l’espérance chrétienne. Ce dont les chrétiens sont dépositaires, c’est la très haute conscience de la commune nature humaine, de la commune humanité de la famille humaine. C’est cela, la racine de la capacité de penser la fraternité. Étudier ensemble en quoi consiste la nature humaine est une clé de compréhension pour définir une politique au service de l’être humain. II faut remettre l’humain au cœur de la pensée politique actuelle et des enjeux électoraux, pour édifier une société à la mesure de l’homme. »
• Laurence Faure
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