Points d’attention pour l’accompagnement du ministère des prêtres et Repères pour les confesseurs
L’assemblée plénière des évêques de France, qui s’est tenue à Lourdes le 9 novembre 2024, a abouti à des décisions importantes concernant l’accompagnement du ministère des prêtres et les confesseurs.
Et les évêques se sont alors engagés à publier, au cours de l’année 2025, des repères utiles au sein de chaque diocèse. Aussi, après avoir entendu les conseils diocésains compétents, je publie ces Points d’attention pour l’accompagnement du ministère des prêtres et ces Repères pour les confesseurs comme documents de référence pour le diocèse de Paris.
Les besoins à prendre en compte dans les diocèses pour l’accompagnement du ministère des prêtres
Ce texte est une feuille de route à l’usage des diocèses [1]. Élaborée en collaboration avec les conseils presbytéraux et leurs évêques, sa mise en œuvre repose sur l’implication de tous. Elle ne peut en aucun cas remplacer l’indispensable vigilance fraternelle que tout prêtre et évêque doivent exercer au cas par cas pour chaque confrère en souffrance. Si les besoins en matière d’accompagnement des prêtres dans leur ministère semblent pouvoir être généralisés, la mise en œuvre concrète des moyens pour y répondre dépend grandement des situations et des possibilités propres de chaque diocèse. Nous voulons donc ici affirmer quelques besoins fondamentaux d’accompagnement pour les prêtres ainsi que différentes pistes à mettre en œuvre pour cela.
Vie fraternelle
Enjeu : la vie fraternelle manifeste de manière toute particulière la relation qui unit les prêtres dans un même corps presbytéral. Elle est également indispensable pour vivre le célibat ecclésiastique comme une solitude propice à la rencontre de son Seigneur et une liberté intérieure, et non comme un isolement mortifère.
- Offrir à ceux qui le désirent la possibilité de vivre avec d’autres, en préservant la nécessaire dimension privée.
- Organiser régulièrement des rencontres fraternelles à différentes échelles (secteur, diocèse, région, langue, origine... mais aussi par et entre générations).
- Proposer des lieux de repas « ouverts » pour les prêtres.
- Encourager et accompagner ceux qui le souhaitent dans la mise en place d’équipes de vie ou la participation à des associations sacerdotales.
Vie spirituelle
Enjeu : aider les prêtres à approfondir et à s’appuyer toujours davantage sur ce qui est au cœur de leur ministère : leur relation au Christ.
- Encourager et accompagner les prêtres dans le fait d’avoir un accompagnateur spirituel.
- Proposer une retraite annuelle pour chaque diocèse et aider les prêtres à y participer volontiers. Relayer d’autres retraites de prêtres pour permettre une souplesse dans les dates et les remplacements (création d’une liste nationale).
- Favoriser et encourager la lecture régulière et la parole de Dieu et d’ouvrages d’auteurs spirituels.
- Permettre la pratique d’une année de ressourcement spirituel ou des temps d’approfondissements théologique et scripturaire au cours de la vie du prêtre.
- Sensibiliser les prêtres à l’équilibre de vie comme élément essentiel de la vie spirituelle.
Nomination
Enjeu : que chaque prêtre qui reçoit une nomination comprenne, après un dialogue préalable avec son évêque (ou vicaire général), qu’elle est à la fois guidée par les besoins de la mission et par la prise en compte de sa personne et de son histoire.
- Prendre en compte les talents (d’où la nécessité de mettre en place des moyens pour mieux les préciser) et l’histoire personnelle de chacun.
- Respecter des durées de mandats adaptées pour mieux se projeter : annoncer une durée dès la nomination et éventuellement au renouvellement, trouver une durée épanouissante (ne pas changer les prêtres trop souvent).
- Rédiger des lettres de nomination ni trop floue ni trop détaillée, en dialogue avec le prêtre et en lien avec les personnes concernées : un prêtre doit savoir ce qu’on attend de lui dans sa nouvelle mission sans non plus être enfermé dans une feuille de route qui nierait toute réflexion pastorale.
Relecture / évaluation
Enjeu : permettre de vérifier régulièrement le bien-vécu de la mission, se sentir valorisé mais aussi accepter un regard extérieur sur son action pastorale.
- Rendre systématique des entretiens annuels avec l’évêque (ou le vicaire général, les vicaires épiscopaux), en établissant clairement les modalités, afin de ne pas se limiter « à la porte toujours ouverte », et en veillant à garder un compte-rendu des rencontres.
- Mettre en place des grilles de relecture pour ces entretiens, qui aideront à discerner les qualités, les talents, les charismes du prêtre, et ses réussites, afin de l’encourager et de mieux réfléchir aux nominations futures.
- Proposer des sessions de relecture et de formation lors d’un changement de ministère.
- Encourager la relecture du ministère au sein de groupes de prêtres et de laïcs
Formation continue
Enjeu : le renouvellement dans la durée passe aussi par une formation continue.
Proposer des formations pour les jeunes prêtres. Différentes questions ne peuvent pas être abordées au Séminaire de la même façon que lorsque l’on vit pleinement le ministère.
- Proposer régulièrement des formations bibliques mais aussi d’approfondissements théologique, pastoral et sacramentel ainsi que sur la gestion humaine de réunions et le management des personnes.
- Proposer des formations spécifiques sur le sacrement de la confession et sur l’accompagnement spirituel.
Services / soutiens proposés
Enjeu : apporter à chaque prêtre des moyens concrets pour favoriser la fécondité de son ministère et l’aider dans les différentes fragilités qui pourraient se manifester mais également lors des changements forts de mission.
- Permettre d’avoir un référent prêtre en proximité (doyen, vicaire épiscopal, autres...).
- Mettre à disposition des accompagnateurs formés pour les situations de fragilité (RH, assistante sociale, psychologue...) en veillant à bien intégrer la spécificité du ministère presbytéral (attention au modèle calqué de l’entreprise de certaines propositions).
- Offrir des lieux d’écoute et de parole (prêtres et laïcs).
- Proposer des accompagnements personnalisés lors de nouvelles étapes ou de difficultés : accompagnement des jeunes prêtres, des nouveaux curés ; accompagnement lors de difficultés temporaires.
- Créer un accompagnement spécifique des prêtres qui arrivent à 75 ans et vivent un tournant dans leur vie personnelle et pastorale.
- Veiller aux conditions matérielles et économiques des prêtres.
- Disposer d’instances de médiation pour régler les conflits (le conseil diocésain de médiation est à ce titre une instance à redécouvrir et à faire vivre).
- Mieux faire connaître les parcours Vitalité, Chemins d’humanité, etc.
Accueil de prêtres d’autres diocèses
Enjeu : permettre une meilleure collaboration et une meilleure vie fraternelle entre prêtres de cultures et d’histoires différentes (Fidei donum, prêtres étudiants, associations cléricales...).
- Mener une réflexion spécifique sur l’accueil des prêtres Fidei donum et leur accompagnement. Veiller aussi à leur « atterrissage » et à leur « inculturation » (découverte de l’histoire de l’Église en France et sa dimension missionnaire, des grandes figures de sainteté locales, et des enjeux pastoraux actuels dans une société sécularisée …).
- Mener des vrais projets pour faciliter l’intégration dans la vie du presbyterium.
- Proposer des formations spécifiques et un accompagnement (familles d’accueil, référent...).
- Associer le clergé « autochtone » aux réflexions et relectures d’expériences.
Repères pour les confesseurs
Les principes
Confesser l’amour de Dieu en même temps que notre péché
Le sacrement de réconciliation permet aux fidèles de se laisser renouveler dans leur vie baptismale. Le confesseur veille à ne pas focaliser excessivement le regard sur l’aveu mais à rappeler la bonté et la miséricorde de Dieu en toutes circonstances. Il invite le pénitent à renouveler sa confiance en l’action de l’Esprit Saint qui soutient sa demande de pardon, ouvre un chemin de conversion et de satisfaction (réparation) et invite à s’émerveiller devant la grandeur de l’amour de Dieu.
Le confesseur invite le pénitent à se mettre à l’écoute de la parole de Dieu « qui annonce la réconciliation en même temps qu’elle invite à la conversion et à la pénitence » (Rituel Célébrer la pénitence et la réconciliation ; Orientations doctrinales et pastorales, p. 16). Il ne revient pas au prêtre de scruter les cœurs et les âmes ; c’est l’œuvre même de la parole de Dieu (RR 17). C’est elle qui éclaire la conscience humaine et appelle le pénitent à confesser ses péchés face à la miséricorde du Père révélée par le Christ.
Distinction for interne et for externe
Le sacrement de réconciliation est le lieu même du for interne absolu parce que sacramentel : le confesseur entend le pénitent qui, dans la foi, désire parler à son Dieu. La célébration du sacrement s’inscrit dans ce qu’il est convenu d’appeler le « for interne » qui concerne la relation personnelle et intime avec Dieu. Cela demande au ministre du sacrement une prudence particulière afin de ne pas interférer dans cette relation à laquelle il est « extérieur ». La distinction entre for interne et for externe doit être bien présente à l’esprit du ministre comme du fidèle pour être absolument respectée.
Secret absolu de la confession
Le secret est indispensable en ce qu’il permet au pénitent de s’adresser à son Seigneur, le prêtre n’étant qu’un instrument, signe de la présence agissante de Dieu. Ce secret rend possible une parole difficile, aussi lourde de conséquences soit-elle. Le secret incombe au confesseur et permet au pénitent de vivre un dévoilement, sans redouter que ce qui est confié sera utilisé contre lui, ni contre personne. Le confesseur est serviteur de ce lien entre le pénitent et Dieu.
Le sceau sacramentel de la confession a un caractère absolu (CIC 983 et 984, CEC 1467). Il s’impose au confesseur, que l’absolution soit donnée ou non. Personne ne peut relever le confesseur de cette obligation, pas même le pénitent. S’il advient qu’un prêtre entende, dans le cadre de la confession, une personne victime de délit ou crime sexuel, mineure, vulnérable ou même adulte, il déploiera – tout en gardant sauf le secret absolu – sa délicatesse pastorale pour savoir si le pénitent a déjà pu confier ces faits à une autre personne en qui il a confiance. Si ce n’est pas le cas, le confesseur l’incitera fortement à le faire. En prévision de telles confessions, il se munira des ressources utiles (numéro d’aide aux mineurs : 119 ; aux adultes : 3919, etc.) afin de donner au pénitent les secours dont il a besoin. Dans son écoute et dans sa parole, le confesseur sera très attentif à la propension des personnes victimes à se sentir indûment coupables.
Absolution sans condition
L’absolution « sous condition » n’existe pas, quelle que soit la nature de cette « condition ». L’absolution dépend de la contrition et de l’aveu manifestés au cours de l’entretien sacramentel. « Au pécheur qui manifeste sa conversion au ministre de l’Église, Dieu accorde son pardon par le signe de l’absolution » (RR 6).
L’absolution n’exonère pas le pénitent de répondre de ses actes et de leurs conséquences. « Si le pénitent a causé du dommage ou du scandale, le confesseur l’amènera à la résolution de réparer comme il se doit. Ensuite le prêtre donne au pénitent une satisfaction qui ne doit pas être seulement une compensation pour le passé, mais encore une aide pour renouveler sa vie et un remède à sa faiblesse ; c’est pourquoi elle doit correspondre autant que possible à la gravité et à la nature de ses péchés » (RR 18). Dans certains cas et sans refuser de donner l’absolution, le confesseur rappelle que son efficacité exige un acte de réparation auprès des victimes qui normalement l’engage. Il peut proposer au pénitent, comme acte de réparation, de se dénoncer lui-même aux autorités civiles ou ecclésiastiques.
Le cadre ordinaire requis pour la confession
Le lieu
Les lieux favorables à la célébration du sacrement de la réconciliation sont d’abord les lieux de culte (église, chapelle, oratoire), avec des espaces spécialement aménagés à cet effet (confessionnal ou local spécifique) à la symbolique religieuse claire (canon 964, RR 12), sauf pour la confession d’une personne malade qui doit tenir compte de l’état de santé du pénitent. Le sacrement, même dans des situations particulières (pèlerinage, veillée de prière, camp scout, rassemblement, etc.), doit être célébré de manière visible de tous et dans un cadre adapté à la démarche sacramentelle.
Le sacrement de la réconciliation ne sera pas célébré dans le lieu privé ou d’intimité du prêtre (domicile, chambre ou autre).
Les temps et horaires
La célébration du sacrement se fait habituellement durant la journée et non durant la nuit, sauf circonstances particulières (célébrations communautaires, pèlerinages, personnes malades, veillées d’adoration, veillées scoutes…). On veille à ce que les confessions ne soient pas proposées dans un contexte émotif trop fort – principalement vis à vis des jeunes.
Le confesseur veille à ce que la confession ne se prolonge pas de manière excessive et ne devienne pas le lieu d’un accompagnement.
Le ministre doit être revêtu des signes vestimentaires de sa fonction (RR 14)
Le confesseur revêt au minimum l’étole sacerdotale pour recevoir la confession.
La juste attitude du confesseur
Une qualité d’écoute chaste Le pénitent qui fait œuvre d’ouverture de cœur en venant puiser à la source de la miséricorde de Dieu, se rend d’une certaine manière vulnérable. À cette attitude, doit répondre la qualité d’écoute du confesseur mêlée d’infinie délicatesse. Ainsi, le confesseur prend soin de prier avant de confesser.
Le confesseur s’en tient strictement à une relation sacramentelle, sans aucune familiarité, ni intrusion dans la conscience morale du pénitent. Il accueille les paroles du pénitent dans une attitude d’écoute chaste, libérée de toute complaisance ou de curiosité malsaine.
Il n’est pas non plus demandé au confesseur de vérifier la véracité de ce qui a été dit. Il accepte de ne pas tout savoir, donc de ne pas poser un jugement définitif sur les actes du pénitent : cela appartient à Dieu. Si nécessaire, il peut inviter, avec tact, le pénitent à reformuler ou à clarifier ses propos.
Lors de l’absolution sacramentelle, le confesseur étend les mains vers le pénitent, sans le toucher.
Un dialogue pastoral sobre et adapté à la personne
Le confesseur ne cherche pas à résoudre par lui-même l’ensemble de ce qu’il perçoit des difficultés du pénitent. Avec tact, et si le pénitent paraît en mesure de mieux comprendre la portée de ses actes, le confesseur pourra l’aider à prendre conscience de leur gravité ou non.
Le sacrement se vit dans la foi. Il ne s’agit pas d’un exercice psychothérapeutique. Dans certains cas, il peut être opportun de renvoyer le pénitent à des appuis extérieurs.
Accompagnement et sacrement de la réconciliation
La logique du sacrement de la réconciliation et celle de l’accompagnement spirituel sont différentes et il est nécessaire de les distinguer. Si l’accompagnateur est aussi le confesseur, il est important d’envisager un changement de lieu ou un déplacement dans le même espace, le confesseur revêtant, a minima l’étole.
Il n’y a aucune nécessité à ce que l’accompagnateur spirituel soit aussi confesseur.
Une nécessité de formation
Formation initiale indispensable
La formation des futurs prêtres et la vérification de l’aptitude pour la concession de la faculté d’entendre les confessions sont assurées par les instances responsables (Séminaires, Maisons de formation dans la vie consacrée).
La faculté d’entendre les confessions n’est pas obligatoirement donnée le jour de l’ordination sacerdotale. Elle doit être donnée par écrit et mentionnée sur le celebret remis à chaque prêtre. Elle requiert une formation initiale sérieuse et une supervision adéquate. Le Code de droit canonique précise que « la faculté d’entendre les confessions ne sera concédée qu’à des prêtres qui auront été reconnus idoines par un examen, ou dont l’idonéité est par ailleurs établie » (canon 970).
Formation continue des confesseurs
Il est nécessaire que soient organisées régulièrement des formations pour les confesseurs (théologie, psychologie, droit canonique et droit civil, cas pratiques…). Il est important que les prêtres puissent relire et approfondir leur pratique du sacrement de la réconciliation dans ses divers aspects, et se réapproprier la richesse du rituel de la pénitence et de la réconciliation.
Les prêtres, dans les premières années de leur ministère de la réconciliation, ainsi que les prêtres venant d’autres ères culturelles, doivent suivre une formation adaptée à l’exercice de la confession et être accompagnés plus particulièrement.
La faculté de confesser sera restreinte, suspendue ou même totalement retirée en cas de manquements graves ou répétés du confesseur.
Information et formation des fidèles
Il importe que les fidèles soient bien informés et préparés à vivre avec justesse le sacrement de la réconciliation, par des formations régulières en paroisse ou dans d’autres lieux pastoraux. La prédication qui ouvre au sens de Dieu et à sa miséricorde, est également un lieu important de formation des fidèles.
Il est bon de doter les lieux de célébration du sacrement de brefs documents rappelant le sens du sacrement et les règles essentielles.
Il est important que les fidèles soient rendus conscients qu’il est légitime de signaler certains écarts (familiarité, gestes inappropriés, intrusion dans la liberté…) à l’autorité ecclésiale, pour le bien tant des fidèles que du ministre.
Le secret de la confession lie le confesseur et non le pénitent. Le fidèle n’est jamais tenu au secret de la confession. Il est cependant souhaitable que le pénitent reste discret par rapport au contenu de la confession.
Une attention particulière est requise pour l’accompagnement des jeunes en veillant à une initiation adaptée dans la catéchèse des enfants et adolescents ou la formation des jeunes adultes.
La pénitencerie diocésaine
Les évêques nomment une équipe diocésaine ou interdiocésaine sous la coordination d’un prêtre pénitencier (can. 508). Cette équipe :
- A la préoccupation de la formation et de l’accompagnement des confesseurs en matière pastorale et morale dans les cas complexes.
- Intervient lors de la formation initiale et permanente des ministres et des fidèles et veille également à la formation continue des ministres venant d’autres ères culturelles.
- Conseille l’évêque pour les difficultés rencontrées et pour le discernement des pratiques nouvelles connexes à la confession.
- Assure un rôle de conseil auprès des fidèles en cas d’attitudes problématiques d’un confesseur.
- Veille à l’information des fidèles et s’assure qu’un document puisse être disponible dans les paroisses pour accompagner au mieux à vivre ce sacrement.
Laurent Ulrich
Archevêque de Paris
Document publié dans Paris Notre-Dame du 2 octobre 2025.
[1] Cette feuille de route a une dimension très pratique. Sa mise en œuvre s’appuiera sur les grands documents du magistère de l’Église concernant le ministère et la vie des prêtres, comme Presbyterorum ordinis (Vatican II).