« Réhumaniser, à notre échelle, le monde du travail »
Paris Notre-Dame du 21 novembre 2024
Après Reims, le 12 octobre, la 98e rencontre des Semaines sociales de France (SSF) se tient sur le thème Pourquoi allons-nous travailler ?, les 23 et 24 novembre à l’Institut catholique de Paris. Une question chère à la jeune génération comme le souligne Philippe Garabiol, président de l’antenne parisienne des SSF.
Paris Notre-Dame – Pour quelles raisons avoir choisi ce thème ?
Philippe Garabiol – Pendant des années, et jusqu’à récemment, la question du sens du travail ne se posait pas. Mais depuis quelque temps, les nouvelles générations qui arrivent sur le marché du travail portent en elles ces questionnements relatifs à l’éthique de leurs choix de vie et, de ce fait, de leur responsabilité sociale à l’égard de la société. Contrairement à une époque, désormais révolue, où les gens travaillaient parce qu’ils le devaient, sans s’interroger sur le sens de leur travail, les jeunes professionnels actuels, au-delà de la nécessité de gagner leur vie, se posent la question de la correspondance entre leurs valeurs éthiques et leurs choix professionnels. Cette question des raisons pour lesquelles nous allons au travail concerne plus largement l’ensemble de la société dans un univers professionnel en constante mutation. Nous sommes tous invités à nous poser ou reposer la question de la relation que nous entretenons avec les emplois que nous avons choisis ou, du moins, que nous occupons, au regard de notre engagement chrétien et social.
P. N.-D. – Quelles sont les principales transformations du travail observées ces dernières années et comment les Semaines sociales les abordent-elles ?
P. G. – Le travail a profondément évolué en un quart de siècle. L’organisation du travail a été soumise à une triple révolution : révolution du numérique, révolution de la mondialisation, révolution du management. Dans cette nouvelle organisation du travail, le temps imparti au dialogue entre collègues ou avec la hiérarchie – formel ou informel – a tendance à disparaître au profit d’une intensification du travail. Ainsi, même si le pointage n’est plus la norme, ce qu’on appelle le reporting – la nécessité de rendre compte – est plus fort que jamais et s’impose tant aux « cols blancs » qu’aux « cols bleus ». La relative autonomie gagnée dans certains secteurs a, en réalité, été rattrapée par la nécessité d’être toujours plus productifs et performants. Cette course aux résultats, qui s’accompagne d’une sorte de tension permanente, explique d’ailleurs un certain mal-être pour nombre de salariés. Le sentiment de désenchantement prédomine, lié à l’impression que le travail aliène au lieu de libérer ou d’émanciper. Nous sommes donc tous bousculés par les aspirations de la nouvelle génération qui, bien que totalement à l’aise avec cette révolution numérique dans laquelle elle a grandi, cherche à s’en dégager par des valeurs éthiques fortes.
P. N.-D. – Comment les réflexions menées lors de ces rencontres peuvent-elles influencer concrètement le monde du travail en France ?
P. G. – C’est toujours un pari, dans le sens où nous n’avons aucune certitude quant à l’influence directe que nous pouvons avoir, du moins à court terme, sur le travail en France. Mais nous y contribuons, à notre manière, par la profusion et la diffusion des idées que nous portons. Dans notre champ qu’est le christianisme social, nous atteignons aussi bien des représentants du monde syndical que professionnel, associatif ou politique, et apportons ainsi notre pierre à l’édifice. De fait, nous ne sommes pas seuls et nous évoluons aux côtés d’alliés, ce qui n’est pas à négliger. Dans une société pleine de failles, qu’elles soient géopolitiques bien sûr mais aussi sociales et morales, l’instinct humain nous conduit à écouter davantage les propositions qui visent à donner sens à l’humanité. C’est là notre objectif : réhumaniser, à notre échelle, le monde du travail en lui redonnant un sens politique et spirituel.
Propos recueillis par Mathilde Rambaud
Informations pratiques
98e rencontre des Semaines sociales de France
Pourquoi allons-nous travailler ?
Les 23 et 24 novembre à l’Institut catholique de Paris (ICP) ; 74, rue de Vaugirard, 6e.
Tarifs : 18€ la demi-journée ; 65 € les deux jours ; gratuit - de 26 ans.
Possibilité de suivre l’événement en ligne et en replay ; tarifs : 40 € ; réduit – de 26 ans : 15€.
Programme et inscriptions sur ssf-fr.org
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