Rendre une famille aux migrants
Paris Notre-Dame du 12 mars 2015
L’association « Marthe, Marie, Lazare et les autres » vient spécifiquement en aide aux personnes sans-papiers en les aidant à obtenir un titre de séjour. Reportage à Ménilmontant, au pied de N.-D. de la Croix (20e).
La devanture ne paie pas de mine. Mais derrière la porte règne une bonne odeur de café. Cinq personnes sont assises autour d’une table, les paumes tournées vers le ciel. À 9h passées, des migrants les attendent déjà dans la pièce adjacente, et pourtant, les bénévoles se préparent d’abord ensemble à « accueillir chaque personne comme s’ils accueillaient le Christ lui-même ». « Cela change tout », témoigne Laurent Ruyssen, diacre de la paroisse et actif dans l’association depuis des années.
Dans une autre pièce, trois hommes à la peau noire prennent le café autour d’une table où trônent gobelets, chouquettes et petits gâteaux. Ils ont sur leurs genoux des serviettes pleines à craquer de documents. « Ceux qui viennent nous voir arrivent d’Afrique, du Sri Lanka, du Pakistan ou du Moyen- Orient », souligne Laurent Ruyssen.
Un soutien amical
Sofia, bénévole depuis deux ans, s’assied près d’eux : « Je fais un classement chronologique du dossier de régularisation. Et je vérifie qu’à chaque photocopie correspond un original », explique-t-elle posément, en souriant. Sr Thérèse-Agnès, religieuse en civil, cheveux courts et pleine d’énergie, se charge, quant à elle, d’accompagner les migrants au guichet de la préfecture. « Mais auparavant, nous proposons aux personnes sans-papiers un jeu de rôle qui sert de répétition générale avant le grand jour », explique Guy, homme jovial aux cheveux blancs. Les migrants, musulmans pour la plupart, connaissent le français mais pas suffisamment pour suivre une conversation courante. Alors pour affronter le guichet… L’épreuve de la demande de papier a en effet tout d’un parcours d’obstacles. Fofana, jeune Malien, a déposé sa demande il y a huit mois et n’a pas encore reçu de réponse. Il est venu jusqu’à Ménilmontant pour y trouver un soutien amical qui le réconforte. « À Bobigny, il faut arriver à une heure du matin » pour avoir une chance de passer au guichet, témoigne-t-il. Abdenour est algérien. Ce dessinateur sans domicile fixe vient à l’association depuis 2007. Il vit en France depuis 2000, et n’est toujours pas régularisé, car ses papiers pour constituer un dossier (dix ans de longue et patiente accumulation de preuves) lui ont été dérobés deux fois. Fofana, quant à lui, est bloqué en France, où il ne s’imaginait pas avoir une vie aussi dure. « Au village, on m’a dit, n’y va pas ! C’est difficile ! Je ne les ai pas crus. J’ai tout perdu », témoigne-t-il. Beaucoup comme lui font vivre tout un village et ne sont pas heureux.
« Ici, la taille de l’association est très humaine. Les gens y trouvent une famille, et ils peuvent parler avec des Français, ce qui n’est pas si fréquent », développe Laurent Ruyssen. Leur démarche n’est pas politique. Elle est seulement humaine. Pour Guy, « ce sont des personnes maltraitées, en situation de rejet. Elles ont besoin d’être accueillies sans jugement ». • Par Pauline Quillon
UNE PRÉOCCUPATION DIOCÉSAINE
À la demande du cardinal André Vingt-Trois, un Comité diocésain d’orientation pastorale s’est tenu, samedi 14 novembre, sur l’accueil intégral des migrants et des réfugiés dans les paroisses. « Si l’accueil des migrants est le plus souvent réalisé avec cœur et compétence par de nombreuses associations, dont le Secours catholique, il revient aux chrétiens de leur donner une place de choix au sein de leur communauté paroissiale », estime Brigitte Staub, chargée de mission Migrants au Vicariat pour la solidarité qui « œuvre pour que les chrétiens partagent la joie de la rencontre avec leurs frères venus d’ailleurs ».