Saints et bienheureux, « trésor de grâces » pour l’Église

Alors que l’Église de Paris s’apprête à honorer les cinq nouveaux bienheureux parisiens, Mgr Jean-Marie Dubois, responsable du Promotorat des causes des saints pour le diocèse de Paris, revient sur le sens du martyre, de la communion des saints et sur les procédures de canonisation.

© Isabelle Demangeat

Paris Notre-Dame – Que nous disent aujourd’hui ces bienheureux, morts en martyrs il y a près de 150 ans ?

Mgr Jean-Marie Dubois – Le premier sens du mot « martyr », c’est « témoin ». Je crois que cela dit déjà quelque chose sur la force d’un témoignage de foi. Par ailleurs, il faut savoir qu’est déclaré martyr celui qui est tué en haine de la foi et qui accepte de faire offrande de sa vie, et cette double condition est très importante. En reconnaissant le martyre de ces cinq religieux et en les déclarant bienheureux, l’Église donne aux chrétiens d’aujourd’hui le modèle d’hommes qui sont restés fidèles au Christ jusqu’au bout, témoignant, par leur vie donnée, combien la foi n’est pas qu’une opinion ou quelque chose d’accessoire, mais un véritable don de Dieu. On dit parfois que le sang des martyrs est semence des chrétiens. C’est aussi vrai pour tous les saints, qui prient, intercèdent pour nous, nous entraînent à leur suite. Pour eux, la canonisation ou la béatification ne changent pas grand-chose, ils ne vont pas changer de case au Ciel ! Mais pour nous, pour l’Église, c’est l’attestation d’une force extraordinaire, d’un trésor de grâces. C’est le principe de la communion des saints, que nous professons en récitant le Credo.

P. N.-D. – Quelles sont les procédures qui conduisent à une béatification ou à une canonisation ?

J.-M. D. – Il y a de très bons chrétiens qui ne seront jamais reconnus saints ou bienheureux par l’Église. De fait, une procédure n’est lancée qu’à condition de réunir deux critères importants, à savoir la réputation de sainteté d’une part (signe de l’élan du peuple de Dieu) et le souci de proposer un modèle de vie chrétienne qui puisse toucher les gens. Si ces deux conditions sont établies, alors l’évêque, après avoir recueilli l’avis de ses frères évêques et obtenu le Nihil obstat de Rome, peut décider d’ouvrir une cause en la confiant à un postulateur qui représente le diocèse, l’association ou encore la congrégation religieuse qui porte cette cause. La procédure se déroule en trois temps : une enquête diocésaine, une enquête romaine et enfin la décision, aboutissement du discernement du pape.

P. N.-D. – Comment se présente l’enquête diocésaine ?

J.-M. D. – L’enquête diocésaine a pour objectif de recueillir les preuves historiques et les différents témoignages d’une vie conforme à l’Évangile. L’évêque nomme une commission d’enquête, composée d’un président, d’un promoteur de justice et d’un notaire qui a charge de dresser tous les procès-verbaux des comparutions des témoins. Parallèlement, l’évêque nomme aussi un groupe de censeurs théologiens – qui ont la charge de lire tous les écrits produits par le défunt – et une commission d’historiens – ils doivent être au moins trois et reconnus par leurs pairs – afin de produire un rapport historique. Tout ce travail, confidentiel, qui dure souvent plusieurs années, est ensuite adressé à la commission d’enquête diocésaine qui clôture cette phase de la procédure et envoie le tout (ordonné, numéroté et paraphé) à Rome, au dicastère pour la cause des saints.

P. N.-D. – Que se passe-t-il ensuite ?

J.-M. D. – Une fois le dossier étudié, un décret de conformité est édité, qui lance la seconde phase de procédure, confiée cette fois à un postulateur romain et à un rapporteur, chargé d’élaborer la Positio, qui est une sorte de thèse avec des contraintes très fortes, nécessitant plusieurs années de travail. Cette Positio est ensuite éditée pour passer devant de nombreuses commissions composées d’experts en histoire, en théologie mais aussi en médecine pour les reconnaissances de miracles. Mais c’est bien au pape que reviendra la décision de béatifier ou de canoniser telle ou telle figure, engageant d’ailleurs l’infaillibilité de l’Église pour une canonisation, signe de l’importance des modèles donnés au peuple de Dieu, appelé lui aussi à la sainteté.

Propos recueillis par Charlotte Reynaud

Béatification des pères Henri Planchat, Ladislas Radigue, Polycarpe Tuffier, Marcellin Rouchouze et Frézal Tardieu, martyrs en 1871