Scouts en route !
Paris Notre-Dame du 30 août 2012
Du fin fond de l’Afrique, de la côte ouest française, des sentiers sinueux du Puy-de-Dôme ou encore de Czestochowa (Pologne), les jeunes aînés (17-22 ans) des mouvements scouts catholiques à Paris rentrent de leurs « routes » d’été, forts de différentes expériences du service. Objectif : fonder leur vie d’adulte.
Soleil radieux, 30° à l’ombre, plage, pétanque, batailles d’eau à gogo… Ces mots sont classiques dans la bouche de jeunes vacanciers au teint halé. Pourtant, les protagonistes portent un uniforme vert et beige plutôt qu’une chemise Hawaï et ils ont ajouté deux mots supplémentaires à leur vocabulaire estival : la prière et le service. On les appelle les « Compagnons » : les « aînés » du mouvement des Scouts et Guides de France, qui ont entre 17 et 21 ans. Cet été, onze d’entre eux, rattachés à St-François de Sales (17e), sont partis sac au dos, pour deux semaines sur la côte Ouest. Au programme des six premiers jours : une « rando » en Vendée pour les cinq filles, un camp-vélo itinérant pour les six garçons dans la même région. Les deux équipes se sont ensuite retrouvées à la Tranche-sur-Mer (Charente Maritime) pour une semaine de service dans un centre accueillant dix familles défavorisées venues de toute la France. Objectif : suivre leur devise, « compagnons pour servir ». Un verbe clé dans la pédagogie scoute initiée par Baden Powell et reprise en France par le P. Jacques Sévin, fondateur du scoutisme catholique français, déclaré récemment vénérable par Benoît XVI. Si les trois principaux mouvements [1] se différencient par leurs méthodes, les six petites lettres restent une base commune, notamment pour les branches aînées (appelées « Compagnons », « Guides aînées » et « Routiers » selon les mouvements), qui mettent la charité au cœur de leur engagement. Une expérience forte pour la plupart des jeunes, qui la découvrent autrement, loin de la connotation fastidieuse qu’on lui prête parfois.
Regarder près de chez soi
« Au début, je n’avais pas très envie d’y aller », raconte Marie, 17 ans. Pour elle, quand on parlait de « service », c’était soit un passage obligé peu réjouissant, soit partir loin, « faire de l’humanitaire ». « Je me suis rendu compte à La Tranche, qu’il était indispensable d’aller voir à côté de chez soi avant de s’envoler vers l’étranger, explique la jeune scoute. « J’ai découvert ici des situations de détresse – familles monoparentales très démunies – jamais côtoyées jusque-là, poursuit-elle. Construire un boulodrome, jouer avec les enfants et écouter les parents, leur proposer d’aller à la messe ensemble… c’était simple et pourtant très utile. » Pour Hilaire, 18 ans, du même groupe, le service a pris une autre tournure que pendant les activités d’année. « Nous n’étions pas qu’entre nous – même si cela a aussi du bon ! – on a vécu avec les familles et j’ai beaucoup appris à écouter par exemple. » Et d’ajouter : « J’ai expérimenté concrètement des valeurs dont tout le monde parle beaucoup – “il faut faire le bien” – sans toujours savoir les appliquer réellement et les vivre. Je sais que cela peut conditionner mes choix d’adulte plus tard. »
Révélations
Partis un mois pour le Burkina Faso et rentrés le 23 août à Paris, quatre autres Compagnons de St-François de Sales (17e) – en deuxième année de Compagnons et dernière de scoutisme – reviennent, quant à eux, riches de révélations… sur eux-mêmes. Leur socle ? L’unité dans un projet commun : formation informatique, soutien scolaire et construction d’une école à Fada N’Gourma. « Notre devise était “Un seul cœur, une seule âme” (Ac 4, 32), explique Thomas, 19 ans, car c’est l’union qui fait de nous des Compagnons : chacun d’entre nous est responsable de tous les autres. Notre équipe a été un moyen pour nous de grandir individuellement. » Forts de cette communion et débarrassés de l’ombre de la corvée qui planait sur le mot « service », ils ont fait l’expérience « de la joie de se donner », « accomplissement de notre vie scoute », raconte Thomas. « Grâce au dépaysement des rencontres, nous nous sommes aussi découverts nous-mêmes, poursuit- il. Dans nos études, l’objectif est d’acquérir des compétences et de les perfectionner. Or en apportant son aide, on donne simplement ce que l’on est. Cela nous a permis, à un âge où l’on se cherche, de nous définir et nous rendre compte de nos propres richesses. » • Laurence Faure
Ils sont partis cet été, ils témoignent
Tiphaine, 22 ans, cheftaine de Guides aînées SUF à St-Augustin (8e).
Servir, une histoire d’arrosoir
« Cet été, nous sommes allées en Pologne aider dans un orphelinat de Czestochowa. En tant que cheftaine, mon premier service était d’accompagner “mes” neuf guides de 17 à 20 ans : écoute,motivation, enseignement pendant nos temps “spi”... Elles attendaient beaucoup de moi pour répondre à leurs questions, notamment sur la foi et la vie affective.
Ces deux rôles, – cheftaine et orphelinat –, ont été une expérience formidable de don aux autres et de vraie joie. La grande (re)découverte a été d’accrocher mes actes à ma vie spirituelle. La prière à l’Esprit Saint a pris un nouveau sens pour moi. Relier la messe (quasi quotidienne) à notre présence auprès des jeunes handicapées de l’orphelinat s’est aussi révélé essentiel. J’ai eu le sentiment d’être apôtre dans le monde. C’est devenu une certitude que ma présence répondait à ma mission de baptisée. Dans notre pédagogie, pour notre dernière étape d’engagement, la Parole de Feu, nous devons choisir un symbole qui caractérise notre recherche et nous aide dans notre vie quotidienne. J’ai choisi l’arrosoir : pour me laisser remplir par Dieu afin d’arroser les autres. » • Propos recueillis par L. F.Pierre-Nicolas, 18 ans, routier aux Guides et Scouts d’Europe, clan Bienheureux Frédéric Ozanam de Paris
La charité, une disposition intérieure
« Nous avons marché pendant une semaine, de l’abbaye Notre-Dame de Randol (Puy-de-Dôme), au Puy-en-Velay (Haute-Loire). Il n’y avait donc pas de service concret comme nous en faisons pendant l’année auprès de différentes institutions (maisons de retraite, associations...). J’ai plutôt fait l’expérience d’une charité simple qui a trouvé tout naturellement sa place entre nous, à commencer par la prière du chapelet les uns pour les autres. J’ai aussi expérimenté la bienveillance dont chacun faisait preuve pendant la route. Cette disposition s’est largement ancrée dans la messe quotidienne et les temps “spi” que nous avions. La journée “désert”, pendant laquelle on marche seul, a été une expérience incroyable. C’est un moment où il est plus facile d’apprendre à connaître Dieu, où on se découvre plus profondément. » • Propos recueillis par L. F.
[1] Guides et Scouts d’Europe, Scouts Unitaires de France (SUF), Scouts et Guides de France