Voyage en Italie

Roberto Rossellini

Paris Notre-Dame du 2 mars 2023

Chaque semaine, une œuvre cinématographique est présentée par le P. Denis Dupont-Fauville, afin de prolonger la réflexion et adopter une autre perspective sur le thème choisi et abordé par Mgr Bernard Podvin le dimanche qui suit.

Dieu fait du neuf aujourd’hui – Ouvrons les yeux !

« Ouvrons les yeux » nous invitent, cette année, les Conférences de Carême… Proposer un autre regard, voilà la démarche suivie par Paris Notre-Dame tout ce temps de Carême. Chaque semaine, une œuvre cinématographique est présentée par le P. Denis Dupont-Fauville, afin de prolonger la réflexion et adopter une autre perspective sur le thème choisi et abordé par Mgr Bernard Podvin le dimanche qui suit.

Les chemins du premier amour

Voyage en Italie [1]. Deux époux britanniques, d’âge déjà mûr [2], roulent vers le Sud. Conversation tendue, regards sévères, chacun désirant tenir le volant, agacés par les buffles qui peuvent surgir, aveugles aux publicités pour des crèmes glacées qui les surplombent, indifférents à une croix qui sépare en deux le chemin... Ayant hérité une maison près de Naples, ils doivent la revendre : ultime prétexte pour voyager ensemble avant une probable séparation.

Sur place, les voici contraints à une semaine d’attente dans un cadre enchanteur. Elle méprise son mari “insensible”, rêve à des amours adolescentes et visite méthodiquement le secteur ; il lui reproche ses infidélités et s’enfuit vers les plaisirs de Capri. Or, voici qu’un charme étrange opère : l’Antiquité livre un monde de passions et de légendes, la nature frémit, l’art déroute, le ventre arrondi des femmes et les ossements des catacombes renvoient aux questions fondamentales. Les fêlures intimes s’exacerbent à contrecœur, culminant à l’instant bouleversant où, assistant par chance [3] à la découverte de l’empreinte d’un couple antique enlacé dans la mort à Pompéi, la femme éclate en sanglots et le mari renonce à la comprendre. Jusqu’à ce que, au détour d’une procession célébrant les miracles de saint Janvier…

Jamais sans doute une caméra tout en mouvement n’aura si subtilement saisi l’étouffement et les immobilités d’un couple, de jour et de nuit, d’extérieur et d’intérieur, en ville et dans la nature, côte à côte et séparés, en société et dans la chambre à coucher. Mais rarement aussi l’appel de l’amour à se renouveler n’aura rendu une note si haute et cristalline, capable de percer nos endurcissements pour déboucher sur une imprévisible fidélité. Un Voyage pour découvrir le mystère de la rencontre entre l’homme et la femme, en une unité dont seul Dieu connaît tous les secrets.

Père Denis Dupont-Fauville


Lire le Texte de la conférence de carême de Notre-Dame de Paris du 5 mars 2023.

[1Film de Roberto Rossellini, 1954. Le film existe en deux versions, anglaise et italienne. Paradoxalement, c’est l’anglaise qu’il faut regarder, pour avoir à la fois la voix originale des acteurs et les bruits d’ambiance.

[2Et quel couple : Ingrid Bergman dans le rôle de Katherine, George Sanders dans celui d’Alexander. Le tournage lui-même se fit sans continuité apparente, déstabilisant sciemment les acteurs, avec confiance dans le cas de Bergman (épouse de Rossellini) et exaspération dans celui de Sanders.

[3Cette découverte eut réellement lieu durant le tournage, Rossellini ayant le génie de l’intégrer à son histoire !

Cinéma