Doctrine Sociale de l’Église – L’Incarnation, l’unité du temporel et du spirituel

Conférence par le père Baudoin Roger, chapelain de la cathédrale, responsable du département Économie, Homme, Société au Collège des Bernardins le dimanche 6 décembre 2009 à Notre-Dame de Paris.

L’Incarnation, l’unité du temporel et du spirituel

Introduction

Après avoir évoqué le mystère de la Création la semaine dernière, nous parlerons aujourd’hui de l’Incarnation.

Rappelons tout d’abord que ces deux mystères sont fortement liés. Nous avions parlé la semaine dernière de la Création comme « épiphanie de Dieu ». Dans l’épître aux Romains, Paul affirme ainsi que l’homme peut reconnaître Dieu à travers la création : « Ce qu’il a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres » (Rm 1,20).

Si la création est une première forme de révélation de Dieu, l’Incarnation en est le sommet. Dans son évangile, Jean, évoque l’Incarnation du Fils, le Verbe de Dieu, en disant : « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie… Tout ceci, nous vous l’écrivons pour que notre joie soit complète » (1 Jn 1, 1-2.4). Création et Incarnation sont deux manifestations du même Verbe de Dieu. Cependant, l’Incarnation révèle de manière éminente le Dieu qui se donne à voir dès le commencement dans la création : le Verbe de Vie, dit Jean, nous l’avons vu de nos yeux, nos mains l’ont touché.

Comme la semaine dernière, après avoir évoqué le mystère de l’Incarnation, nous verrons comment il nourrit les fondements de la Doctrine Sociale.

Le mystère de l’Incarnation

Commençons par évoquer ce mystère central qu’est l’Incarnation du Verbe de Dieu.

Dans les Exercices spirituels, Saint Ignace nous invite à méditer ce mystère en entrant dans le regard que portent sur le monde les trois Personnes de la Trinité. Il évoque les trois Personnes divines en train de regarder le monde, la diversité des hommes : « les uns blancs, les autres noirs, les uns en paix et les autres en guerre, les uns pleurant et les autres riant, les uns bien portants et les autres malades, les uns naissant et les autres mourant ». Il évoque ensuite la destinée tragique des hommes : Dieu voyant les hommes converser, blasphémer, se battre et se tuer. C’est ainsi, suggère Ignace, que les trois Personnes divines, « voyant ceux-ci descendre en enfer, décrètent que la Seconde Personne se fera homme pour sauver le genre humain ». Cette méditation nous introduit « par le haut » dans le mystère de l’Incarnation et nous y fait découvrir une nouvelle manifestation de la bonté de Dieu qui décide : « faisons la rédemption du genre humain… ».

En écho à cette méditation, et pour en illustrer concrètement le sens, nous pouvons nous rendre avec Jésus, au tout début de son ministère, au bord du Jourdain. L’Évangile présente le premier épisode de la vie publique de Jésus : son baptême par Jean-Baptiste. Cette scène n’est pas anodine. Elle éclaire d’emblée le sens et la portée de l’Incarnation ; elle nous en donne une vision « par le bas », qui complète la méditation proposée par saint Ignace.

Cette scène se passe donc au bord du Jourdain, un lieu dont il importe de noter les particularités : A trois cent quatre-vingt douze mètres en dessous du niveau de la mer, il n’y a pas d’endroit plus profond sur toute la terre. Notons encore qu’en ce lieu se conjoignent les eaux vives du Jourdain et celles de la mer Morte, dont le nom montre qu’aucune vie n’y est possible. Ainsi, en se rendant au bord du Jourdain, c’est comme si Jésus descendait au plus bas, pénétrait au plus profond de la création, là où la vie s’achève dans la mort. Au bord de cette rivière, Jésus rejoint une foule d’hommes, des hommes qui sont donc, pourrait-on dire, « au fond du trou ». A l’appel de Jean-Baptiste, ils se sont reconnus pécheurs et sont venus le retrouver pour se convertir, dans l’espérance d’être libérés du péché qui les enferme. Les Évangiles nous disent aussi qu’après avoir été plongé dans l’eau, l’Esprit descend du ciel et manifeste son amour pour son Fils : « celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé, en qui j’ai mis toute ma faveur » (Mt 3,17).

En venant au bord du Jourdain, Jésus ne descend pas seulement au plus profond de la terre, il y rejoint les hommes pécheurs, là où ils sont le plus loin du ciel, le plus éloignés de Dieu. Lorsque l’Esprit descend sur lui, c’est l’amour de Dieu qui traverse toute la création pour irradier les hommes, tous les pécheurs, de sorte que cet amour ouvre à la vie ceux qui sont enfermés dans la mort.

Je vous propose d’évoquer maintenant quelques éléments de l’Incarnation qui sont fondamentaux pour la Doctrine Sociale. Nous verrons d’abord comment la présence vivante de Dieu au milieu des hommes manifeste la proximité de Dieu, et donc l’union intime, indissociable, du temporel et du spirituel. Puis comment cette unité ordonne l’activité de l’homme à la croissance du Royaume de Dieu au cœur du monde. Enfin comment il en résulte des exigences incontournables pour les chrétiens.

Proximité de Dieu

Une des premières conséquences de l’Incarnation porte sur la perception par l’homme de la transcendance divine et de la proximité de Dieu. En se rendant présent en son Fils, le Dieu créateur se fait proche des hommes, et cela d’une manière totalement inimaginable par les hommes, au point de paraître scandaleuse aux contemporains de Jésus. C’est d’ailleurs là le motif de sa mise à mort : « il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu » (Jn 19, 7).

Cette proximité de Dieu à sa création et à son peuple n’est pas étrangère au judaïsme. Elle est cependant tempérée par une conscience forte de la transcendance divine. Les noms de Dieu témoignent de cette tension : Elohim, le Très-Haut, est le Dieu du premier récit de la création, un Dieu souverain du cosmos, dont la transcendance est soulignée. L’autre nom de Dieu, Adonaï, dessine une figure différente de Dieu : celle du Dieu proche, celui du second récit de la création qui façonne l’homme de ses mains et qui se révèle à Abram. De même, dans le livre de la Genèse, Jacob, voit en songe une échelle reliant la terre au ciel et les anges de Dieu y monter et descendre, avant que Dieu lui dise « je suis avec toi ». Aussi le lendemain matin, Jacob dit-il : « Adonaï est en ce lieu et je ne le savais pas ! » (Gn 28,16). La tension entre ces deux figures de Dieu explique comment cette proximité de Dieu est toujours éprouvée dans un mélange d’émerveillement et de terreur.

L’Incarnation ouvre l’homme à la conscience d’une proximité d’un tout autre ordre. L’union en Jésus des deux natures humaines et divines nous rappelle d’abord que la création, œuvre de Dieu, est accueillante à Dieu. Elle est si accueillante à Dieu que son Fils prenant une nature humaine peut venir partager la vie des hommes. Le lien qui unit la création à Dieu n’est pas seulement un lien d’origine, une trace de l’action initiale de Dieu. Dieu y est chez lui, pourrait-on dire, et il y est effectivement présent. Pour le chrétien la parole de Jacob « Dieu est en ce lieu » prend une profondeur sans égal : Dieu est infiniment proche de l’homme, « au-dedans de moi, plus intime que l’intime de moi-même » dit Saint Augustin (Les confessions L. III, ch.6).

Dignité du temporel, unité temporel-spirituel

La Révélation chrétienne est ainsi à l’opposé de tout dualisme qui séparerait le divin et l’humain, le temporel et le spirituel. En venant dans le monde, Jésus a eu part à chacune des réalités du monde. Il donne au temporel une dignité éminente, parce qu’il en manifeste la portée spirituelle.

Cette unité entre le temporel et le spirituel, le catholicisme la manifeste de manière éminente dans les sacrements. L’action de Dieu à travers les sacrements ne passe-t-elle pas par la matière, l’eau du baptême, le pain et le vin de l’Eucharistie ? Ce lien n’est cependant pas limité aux sacrements. Il est aussi affirmé pour le corps de l’homme, lorsque saint Paul dit aux Corinthiens : « ne savez-vous pas que votre corps est un temple du Saint Esprit, (1Cor 6, 19) ou encore « le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous » (1Cor 3, 16). Enfin et de manière plus générale, l’Évangile nous rappelle que le Royaume de Dieu est présent au cœur de ce monde (cf. Gaudium et spes §39).

En révélant l’unité du temporel et du spirituel, l’Incarnation transforme profondément la manière dont nous percevons notre existence sur terre, et notre rapport à la création et donc aussi à la vie sociale, au travail, etc. Le ciel ou la vie éternelle ne sont pas un au-delà qui commencerait après la mort, et qui n’aurait que peu de rapport avec notre vie terrestre. Lorsque Jésus annonce, tout au long de son ministère, que « le Royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous » (Mt 18,28), « il est au milieu de vous » (Lc 17,21), il nous dit que notre vie sur terre n’est pas étrangère à la vie éternelle ; elle en porte au contraire les prémisses. La foi en la résurrection des corps est un autre aspect de cette unité : si les corps ressuscitent, toutes les réalités dans lesquelles nos corps sont engagées seront, elles aussi, assumées dans l’éternité.

Selon le mot de Péguy, « le spirituel est lui-même charnel ». L’homme est un être spirituel, sa vie en société est elle aussi « une réalité d’ordre spirituel » (Jean XXIII, Pacem in terris §36). Toutes les réalités mondaines sont porteuses d’enjeux spirituels, parce qu’aucune n’est étrangère à Dieu, et à la communion des hommes avec Lui.

Activité de l’homme et sanctification du monde

Ce lien entre le temporel et du spirituel, qui est révélé par l’Incarnation, a des conséquences importantes au plan de la vie de l’homme. Il unifie toutes les activités humaines et toutes les dimensions de nos existences, en leur donnant une profondeur spirituelle que nous ne percevons pas spontanément.

Jésus, celui en qui nous reconnaissons le Fils de Dieu, est un homme comme les autres : un habitant de Nazareth, né d’une femme, il a grandi comme tous les enfants de son village, il est ensuite devenu charpentier comme son père. On peut l’imaginer dans toutes les situations d’un homme comme un autre, mangeant, jouant, priant, conversant, travaillant, se reposant… Parce qu’il a eu part à toutes ces activités terrestres et les a assumé saintement, nous pouvons reconnaître les enjeux spirituels qui leurs sont liés. Travail, repas en famille, conversation amicale ou professionnelle, etc. tous les éléments de notre vie quotidienne peuvent et doivent devenir des lieux où l’homme vit et grandit en sainteté. Chacune, en effet, peut être le lieu d’une croissance des hommes et de leur communion. En offrant dans l’Eucharistie le pain et le vin, fruits du travail des hommes, c’est toute notre vie que nous offrons à Dieu pour la réalisation de la communion. Notre relation à Dieu n’est donc pas limitée au dimanche et aux temps de prière, comme nous tendons parfois à le penser. L’Incarnation nous fait découvrir qu’elle englobe l’ensemble des dimensions de notre vie, que chacune des activités de l’homme peut être ordonnée à Dieu et devenir comme un chant de louange à la gloire de Dieu.

Il appartient donc à l’homme de se sanctifier et de sanctifier le monde par son activité. Le chrétien est invité à s’engager dans le monde pour vivre concrètement sa foi à la suite du Christ. Pour y vivre, dirait Benoît XVI, non pas l’amour dans l’abstraction, mais l’amour dans la vérité. Ainsi, comme le disent les Pères du Concile Vatican II, « le message chrétien ne détourne pas les hommes de la construction du monde et ne les incite pas à se détourner du sort de leurs semblables : il leur en fait au contraire un devoir plus pressant » (GS §34).

C’est pourquoi la réflexion de l’Église sur les réalités temporelles, qui est l’objet de sa Doctrine sociale, fait partie de sa mission spirituelle, elle est une « composante essentielle de l’évangélisation » (Benoît XVI, Caritas in veritate §15).

L’option préférentielle pour les pauvres

Le souci de nos semblables évoqué par les Pères du Concile est spécialement exprimé dans la Doctrine sociale de l’Église par ce qu’on appelle « l’option préférentielle pour les pauvres ». Ce principe trouve son origine dans la théologie de la libération et a été repris maintes fois par Jean-Paul II (cf. Centesimus annus §11, 57). En nous invitant à évaluer nos actions en fonction de leurs conséquences sur le plus pauvre, ce principe nous donne un critère de discernement. Le pauvre, c’est d’abord celui qui est démuni, ou celui dont les capacités sont amoindries par une maladie, un handicap, etc. Mais c’est aussi celui qui, comme chacun de nous, peut avoir une difficulté ou une faiblesse temporaire : un voisin ou un collègue qui a des difficultés familiales, un passage dépressif, une fatigue… qui le rendent plus vulnérable ou moins performant. Plus généralement, chacun d’entre nous est un pauvre au sens où nous ne disposons pas de tous moyens nécessaires pour croître, pour mettre en œuvre toutes nos capacités et accomplir notre vocation.

Dans cette perspective, l’option préférentielle pour les pauvres nous invite à voir comment nous pouvons contribuer au développement personnel de chacun, en commençant par les plus pauvres : dans nos entreprises, dans notre société, et plus largement dans le monde.

Portée spirituelle des exigences de la justice et de l’amour

Notons enfin que l’option préférentielle pour les pauvres est fondamentalement ancrée dans l’Incarnation : le pauvre, c’est aussi Jésus, qui s’est fait pauvre pour être avec les plus pauvres.

L’Incarnation révèle ainsi la profondeur des enjeux spirituels qui sont associés à cette exigence à l’égard du pauvre et, plus généralement, à l’égard des autres. Par rapport au judaïsme, elle en redouble la force.

Dans le Premier Testament, les devoirs envers le pauvre et, plus généralement, les préceptes relatifs à l’ordre social sont extrêmement présents : devoir de payer le salaire à l’ouvrier, souci de la veuve, de l’étranger, etc. Leur fondement, il se trouve dans la justice de Dieu : Dieu est le juste par excellence. Parce que Dieu est le juste, l’homme, pour être ajusté à Dieu, doit lui aussi faire siennes les exigences de la justice. Ainsi, dans le Premier Testament, la réflexion en matière sociale est-elle fondée sur la justice de Dieu. Les prophètes rappellent ainsi à loisir la nécessaire cohérence entre le comportement social et le culte ; le premier est la condition de la vérité de l’autre.

Jésus redouble l’importance du respect de ces exigences. En liant l’amour de Dieu et l’amour du prochain, Jésus montre que le comportement social n’est pas seulement la condition de la relation à Dieu, il en est la manifestation concrète. Plus encore, nos relations au prochain touchent directement Dieu en son Fils : « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40), nous dit Jésus. Il y a là une affirmation lourde de conséquences : nos rapports aux autres n’ont pas seulement une portée sociale, négative ou positive. En les rapportant à sa propre personne, Jésus nous montre qu’ils sont des péchés, au sens où ils blessent notre relation à Dieu, ou des lieux de croissance spirituelle, au sens où ils nourrissent notre relation à Dieu, contribuent à la croissance des hommes et à leur communion.

Ainsi, l’Incarnation révèle la dimension spirituelle qui est en jeu dans les questions touchant à la morale sociale. Plus encore que le judaïsme, le christianisme en dévoile la profondeur et la portée.

Individualisme et sens de la communauté

En guise de conclusion, et pour ouvrir au thème que nous évoquerons la semaine prochaine, évoquons un dernier aspect lié à l’Incarnation : Le christianisme contribue au développement d’une conscience individuelle, là où la conscience collective prédominait. Cet affaiblissement de la conscience collective rend d’autant plus nécessaire la réflexion qui est l’objet de la morale sociale.

Dans le Premier Testament, la conscience collective tend à primer par rapport à la conscience individuelle. L’identité est d’abord liée au peuple. Elle trouve son fondement ultime dans la mémoire de la libération d’Égypte, donc dans une identité communautaire : c’est un peuple que le Seigneur a choisi parmi toutes nations, qu’il s’est consacré et qu’il a sauvé. L’alliance établit une relation entre Dieu et son peuple en tant que peuple, et la Bible rappelle à maintes reprises « je serai votre Dieu et vous serez mon peuple » (Gn 17,8 ; Ex 6,7 ; 29,45 ; Lv 26,12 ; Jr 7,23 ; 11,4 ; 24,7 ; 30,22 ; 31,1.33 ; 32,38 ; Ez 11,20 ; 14,11 ; 34,24 ; 36,28 ; 37,23.27 ; Za 8,8). De même le Premier Testament souligne la dimension collective du péché.

Le christianisme introduit une perspective différente et contribue fortement au développement de la conscience individuelle. Avec l’Incarnation, la relation de l’homme avec Dieu est vécue de manière éminente à travers la personne de Jésus-Christ ; elle s’individualise en prenant la forme d’une relation personnelle. Au cours de son ministère, Jésus établit des relations personnelles, avec des individus. Il appelle individuellement ses disciples, guérit des personnes singulières, et recommande de s’isoler pour prier le Père (Mt 6,6)… Il interpelle personnellement Pilate à propos de sa royauté : « le dis-tu de toi-même ? » (Jn 18,34), et s’invite chez Zachée : « il me faut aujourd’hui demeurer chez toi » (Lc 19, 5). L’agir moral, le péché, le jugement et le salut, prennent une dimension individuelle dans la tradition chrétienne : ils engagent la responsabilité individuelle de chacun. De même, on devient chrétien par une décision personnelle, pas par naissance ; chacun est jugé selon ses œuvres (Rm 2,6) et comme le dit Paul VI, chacun demeure « responsable de sa croissance, comme de son salut » (Paul VI, Populorum progressio §15). Tous ces éléments vont dans le sens d’une conscience individuelle et d’une responsabilité personnelle accrues.

Cette insistance chrétienne sur l’individu n’abolit cependant pas la dimension collective. La communauté ne disparaît pas ; au contraire, elle est et demeure centrale. Dans la perspective chrétienne la vocation de l’homme l’appelle à la communion, communion des hommes, et communion avec Dieu. Cependant cette communion n’est pas un fait, elle est une œuvre à construire* : réunir les hommes en une communauté fraternelle, le corps du Christ. On voit donc que, si la perspective chrétienne souligne l’importance de l’individu et sa responsabilité, elle reste à l’opposé de l’individualisme.

Dans un tel contexte, la réflexion en matière de morale sociale est d’autant plus nécessaire. En effet, dans une mentalité plus individualiste, l’homme prend moins spontanément en compte la dimension communautaire dans ses comportements et ses choix. Face à cette forme d’aveuglement, la Doctrine sociale est une aide importante : elle éclaire la conscience de l’homme et son jugement moral pour l’aider à percevoir la dimension sociale de son action, dimension qu’il ne perçoit pas spontanément.

Nous reviendrons sur cette dimension sociale de l’homme la semaine prochaine, en partant du mystère de la Trinité. Nous verrons comment le christianisme conçoit l’homme non pas comme un individu, mais comme une personne, un être social, ouvert et constitué par la relation avec les autres. Nous verrons comment le péché est le fait d’individus, mais a aussi une portée sociale, à travers ce qu’on appelle les « structures de péché ». Nous verrons aussi comment l’homme comme personne s’accomplit dans le don par lequel il prend part à la communion.

C’est ce que nous allons vivre dans quelques instants, en célébrant l’Eucharistie.

Je vous souhaite une bonne soirée.

Baudoin ROGER
Chapelain à la Cathédrale Notre Dame
Collège des Bernardins – Département Économie, Homme, Société

* Comme le disent les Pères du Concile Vatican II : « Dieu a créé les hommes non pour vivre en solitaires, mais pour qu’ils s’unissent en société, de même il lui a plu aussi "de sanctifier et de sauver les hommes non pas isolément, hors de tout lien mutuel ; il a voulu au contraire en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté ». (Gaudium et spes §32).

La Doctrine Sociale de l’Église