Cardinal André Vingt-Trois : « Voulez-vous être prêtre aujourd’hui à Paris ? »
Paris Notre-Dame – 27 mai 2010
Paris Notre-Dame du 27 mai 2010
Aujourd’hui, je voudrais dessiner quelques caractéristiques des prêtres dont l’Église a besoin.
Je cherche d’abord des hommes qui ont un certain goût pour l’aventure.
Lorsque Jésus rencontre ses premiers disciples au bord du lac, ceux-ci ont une vie organisée. Ce serait une erreur de les imaginer comme des miséreux qui traînaient leurs filets sans aucun espoir. La rencontre du Christ va les arracher à ce qui était pour eux une certaine sécurité. L’Évangile nous dit : « Laissant là leur barque et leur père, ils le suivirent ». Mais on ne nous dit pas vers où ! Ils connaissent, ils voient et ils entendent Celui qui les appelle, mais pour l’instant ils n’ont rien d’autre.
Il me faut trouver des hommes qui acceptent d’assumer cette forme d’insécurité de ne pas savoir d’avance comment les choses vont se passer. Pour que cet engagement leur apporte un réel épanouissement et une véritable joie, ils doivent s’y engager dans la confiance en la parole de Celui qui appelle, et non pas pour réaliser leurs plans et leurs projets sur l’avenir.
Ensuite, je cherche des hommes de foi
L’acte de foi est un des éléments constitutifs du ministère sacerdotal dans la société et le temps qui sont les nôtres. Beaucoup de nos contemporains et même de chrétiens dans nos communautés ont une connaissance, un attrait et un intérêt pour le Christ qui n’est pas encore l’aboutissement de la foi. Pour que la foi puisse se développer et atteindre sa pleine dimension, il faut des témoins. Tous les baptisés et confirmés sont appelés à l’être, mais on attend du prêtre qu’il ne se contente pas de jouer un rôle. Il doit être un croyant plein de foi, qui vit réellement de la présence du Dieu vivant. Ceci suppose de prendre le temps d’être avec Lui, de méditer Sa parole, bref, de prier.
Les prêtres dont l’Église a besoin doivent aussi être des hommes libres, libres à l’égard d’eux-mêmes, de leurs relations et des biens de ce monde.
Indépendamment de notre attitude personnelle, nous sommes les membres d’une société de richesse. Ceci provoque des « adhérences ». Il faut donc que nous soyons vigilants à garder notre liberté par rapport aux biens de ce monde.
Ensuite, être libre à l’égard de ses relations demande de discerner dans ses relations entre celles qui s’appuient sur un lien profond et fort et les autres. Etre libre à l’égard de son affectivité demande aussi de se connaître, de connaître sa manière affective de réagir.
Enfin, libre à l’égard de soi-même signifie apprendre à ne pas être trop dépendant de l’image que l’on donne et des rêves que l’on pourrait avoir sur son avenir.
Finalement, je cherche des hommes qui aiment et qui servent l’Église, passionnément, avec beaucoup de conviction et d’attachement, en ayant conscience, non pas de la perfection de l’Église, mais de la fécondité de notre relation avec elle. Aimer l’Église, c’est se mettre à son service. Se mettre concrètement au service des gens, ce n’est pas déchoir ni empiéter sur le terrain des laïcs. C’est simplement être un homme. C’est une question-vérité, parce que notre service pastoral de la communauté est quelque chose de très grand et de très beau, mais il peut insensiblement se spiritualiser au point de faire de nous des serviteurs qui ne servent pas réellement dans les services les plus humbles de la communauté.
Ces quelques éléments pourront éclairer ceux qui se sont posé, se posent ou se poseront la question du sacerdoce. Ils nous aideront tous à prier pour ceux que le Seigneur appelle dans nos communautés et nos familles, afin qu’ils deviennent des prêtres « selon Son cœur ».
D’après la conférence donnée le samedi 13 mars 2010, à St-Germain des Prés, devant des jeunes et séminaristes de Paris.