Catéchèses du cardinal André Vingt-Trois aux JMJ de Sydney : Appelés à vivre dans l’Esprit-Saint

Sydney – juillet 2008

Catéchèses prononcées par le Cardinal André Vingt-Trois aux JMJ de Sydney.

Catéchèse n°1 : Appelés à vivre dans l’Esprit-Saint.

1. « Nul ne peut dire que Jésus est Seigneur, s’il n’est animé par l’Esprit-Saint. » (I Cor. 12, 3)

Nous sommes chrétiens, nous essayons de l’être Mais qu’est-ce que cela veut dire ? D’abord que nous croyons au Christ mort et ressuscité. Est-ce que nous mesurons toujours la portée de ces mots que nous utilisons comme s’ils allaient de soi ? Mort-Résurrection.

Cela ne va pas de soi. Si nous écoutons un peu ce qui se dit du Christ autour de nous et si nous examinons sérieusement ce que nous pensons du Christ, nous nous apercevons que beaucoup de nos contemporains croient certaines choses sur lui, comme nous croyons certaines choses sur lui. Mais au fond, est-il pour nous quelqu’un de vivant aujourd’hui ?

A la rigueur, on veut bien admettre qu’il a vécu en Judée et en Galilée au premier siècle. Si l’on est croyant, on veut bien lire et écouter des paroles des évangiles comme des paroles intéressantes, ou parfois séduisantes, mais tout cela relève de l’histoire passée. Il a vécu. Il a dit. Mais pour aucun de nous il n’y a une expérience directe, sensible, concrète de Jésus. Est-il plus pour nous que les grands personnages de l’histoire ou même que les grand fondateurs de religions comme Bouddha ou Mahomet ?

Depuis le jour où les disciples nous disent qu’il l’ont vu remonter auprès de son Père, personne n’a plus de lui aucune expérience directe, partageable, communicable. La vie et le message du Christ risquent de n’être que des témoignages historiques, intéressants, mais datés, irrémédiablement datés.

Telle n’est pas notre foi, la foi de l’Église. Pour nous le départ du Christ n’est pas le commencement de son absence et l’ouverture du temps du souvenir. Elle est la condition pour que sa présence à l’humanité ne soit plus limitée à un lieu et à un temps, mais devienne vraiment universelle, pour tous les lieux et tous les temps. Ainsi, dans l’évangile selon saint Jean, il dit aux disciples en leur annonçant son départ : « Il est bon pour vous que je m’en aille ; en effet, si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; si, au contraire, je pars, je vous l’enverrai. » (Jean, 16, 7).

C’est par l’envoi de son Esprit que Jésus continue sa mission et assure sa présence à l’humanité entière. C’est par le don de son Esprit qu’il est présent à l’histoire des hommes, comme à l’histoire de chacune de nos vies, comme il est présent en chacun d’entre nous, si nous le désirons et si nous l’accueillons.

Sans l’Esprit-Saint, Jésus reste pour nous un grand personnage de l’histoire, peut-être admirable, mais situé dans un seul lieu et un seul temps. Par l’Esprit-Saint, il devient présent à chacune de nos vies.

2. « Nul ne connaît qui est le Fils, si ce n’est le Père, ni qui est le Père si ce n’est le Fils et celui auquel le Fils veut bien le révéler. » (Luc 10, 22).

Mais l’Esprit-Saint ne fait pas que nous assurer la présence invisible du Christ à l’humanité et à notre propre vie. Il nous permet aussi de connaître le Christ comme Fils unique de Dieu.

Nous pouvons et nous devons avoir la meilleure connaissance possible de Jésus de Nazareth, des événements de sa vie, des signes qu’il a produit, de ses discours et de ses enseignements. Mieux encore, nous devons nous efforcer de bien connaître l’histoire d’Israël et de son alliance avec Dieu, sans quoi nous ne comprendrons jamais la venue du Messie annoncé par les prophètes. Nous devons encore connaître le mieux possible le contexte historique de la vie de Jésus, l’occupation romaine en Palestine et la civilisation du bassin méditerranéen. Mais tout cela ne nous donnera pas la foi au Christ, Fils du Dieu Vivant.

Ce sont sans doute des études sérieuses et parfois difficiles, mais notre foi ne repose pas sur ces études nécessaires. Elle vient de la connaissance intérieure de la personne de Jésus qui nous est donnée par l’Esprit-Saint. Nous avons du mal à comprendre comment fonctionnent cette présence et cette action de l’Esprit-Saint. Il y a à cela une bonne raison : c’est que l’Esprit-Saint est esprit et non matière.

Tout se qui est de l’ordre de la matière, nous le voyons, nous le sentons, nous l’éprouvons, nous pouvons le situer et le mesurer. Ce qui est esprit, par définition est invisible, insaisissable, impalpable. Jésus nous dit dans l’évangile selon saint Jean : « Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. » (Jean 3, 8)

On ne voit pas un souffle, on ne le saisit pas, on ne l’enferme pas et pourtant, il agit avec une grande force. Il fait bouger le monde. Non seulement il pousse les nuages dans les cieux, mais il déclenche aussi les tempêtes et les ouragans. C’est une force active non visible en elle-même mais visible par ses effets. Ainsi l’Esprit de Dieu n’est vu par personne, il n’est enfermé en aucun lieu de la terre, ni en aucune maison, il n’est pas représentable et il n’est représenté par rien. Il est en nous d’une façon imperceptible, localisé en aucun espace de notre être, ni dans le cœur, ni dans la tête, ni dans les lobes cérébraux, ni dans le système nerveux.

Et pourtant, c’est lui, que nous ne voyons pas, que nous ne sentons pas, qui est nous fait connaître le Christ de l’intérieur, qui met en mouvement nos sentiments et nos pensées pour nous tourner vers le Christ. C’est lui que le Père envoie pour nous permettre de dire avec Pierre : « Tu le Christ, le Fils du Dieu Vivant. » Quand nous lisons les évangiles, l’histoire de la Promesse faite à Israël, l’histoire de la mission des Apôtres, de Pierre et de Paul et des autres, si ces histoire nous disent quelque chose aujourd’hui et quelque chose qui peut changer notre vision du monde et notre manière de vivre, c’est par la puissance agissante de l’Esprit.

C’est lui qui nous fait connaître vraiment le Christ. Jésus nous dit dans l’évangile selon saint Jean : « Je vous ai dit ces choses tandis que je demeurais auprès de vous ; le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit. » (Jean 14, 25-26). Et encore : « Lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière. » (Jean 16, 13).

3. « Laissons-nous conduire par l’Esprit » (Gal. 5, 25).

J’espère que nous comprenons mieux que si nous souhaitons avoir une véritable relation personnelle avec le Christ, nous ne pouvons pas nous contenter de nous renseigner à son sujet, nous devons aussi accueillir le don de l’Esprit et nous laisser guider par lui. Soit, mais comment fait-on pour accueillir l’Esprit et se laisser conduire par lui ?

Je voudrais simplement vous proposer quelques pistes pour nous aider à progresser dans cette direction.

Demander le don de l’Esprit. Appeler la venue du Saint-Esprit, non pas parce que Dieu hésiterait à se donner lui-même ou parce qu’il ne se donnerait que si on le lui demande, mais parce que notre demande creuse en nous le désir de sa venue. Nous demandons la venue de l’Esprit-Saint dans notre prière personnelle parce qu’à mesure que nous implorons sa venue, notre foi en la personne de l’Esprit-Saint grandit. Il devient notre interlocuteur quand nous nous situons comme son interlocuteur et quand nous nous adressons à lui. Mais nous demandons aussi la venue de l’Esprit dans la prière commune de l’Église, dans nos célébrations liturgiques comme dans nos groupes de prière. Comment oublier les chants que nous prenons si souvent ? « Viens Esprit de sainteté, viens Esprit de lumière… » et le chant de Taizé : « Veni sancte Spiritus… »

Reconnaître l’Esprit de Dieu. Il ne suffit pas d’appeler l’Esprit, il nous faut encore le reconnaître dans notre vie. En effet, l’Esprit de Dieu « se joint à notre esprit » comme nous dit saint Paul. Mais dans notre esprit, il y a bien d’autres mouvements que le mouvement de l’Esprit-Saint. Comment faire la différence entre les mouvements qui viennent de Dieu et les mouvements qui viennent seulement de nos désirs ? Cela s’appelle le discernement des esprits. Si nous désirons vraiment vivre dans la fidélité à Dieu et à sa Parole, nous avons le moyen de reconnaître ce qui vient de lui et ce qui ne vient pas de lui. Nous les reconnaissons aux signes de l’Esprit et aux fruits de l’Esprit dont saint Paul nous donne des exemples très clairs : « Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi… » (Gal. 5, 22-23). Les signes contraires : « Libertinage, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haines, discordes, jalousie, emportements, rivalités dissensions, factions, envie, beuveries, ripailles et autres choses semblables… » (Gal. 5, 19-20). Est-il besoin de détailler ces signes ? Nous les connaissons tellement bien…

Se laisser conduire par l’Esprit de Dieu. Cette personne dont nous reconnaissons la présence aux signes que je viens de rappeler ne vient pas en nous simplement pour nous réchauffer. Il vient pour nous éclairer et nous donner la force de vivre en fidélité à la Parole de Dieu. Notre premier objectif est de laisser notre liberté s’ouvrir à son action, de nous laisser conduire par lui. Nous devons apprendre à devenir attentifs à ses mouvements et à y répondre par notre manière de vivre. Ceux qui suivent vraiment les mouvements de l’Esprit sont ceux qui se laissent convertir par lui et qui ajustent leurs actions à l’amour qui vient de Dieu. Le meilleur fruit de cette conduite par l’Esprit est évidemment notre connaissance de Jésus-Christ, notre attachement à sa personne, notre amour pour lui.

Catéchèse n°2 : L’Esprit Saint, âme de l’Eglise

1. L’Esprit Saint dans l’Église.
Hier, nous avons réfléchi sur la présence de l’Esprit-Saint dans le cœur des croyants et sur la connaissance qu’il nous donne de Jésus-Christ. Vous avez aussi sans doute évoqué les moyens de discerner entre les esprits qui habitent nos cœurs et nos esprits. Mais nous devons aller plus loin dans la reconnaissance objective de la présence de l’Esprit. En effet, cette attention et cette interprétation de signes de l’Esprit peut nous donner l’impression que nous sommes livrés à notre seul jugement et que ce jugement peut être erroné. Avons-nous des moyens objectifs de reconnaître l’Esprit-Saint ?

Une deuxième question se pose. Tout ce que nous avons pu dire sur l’Esprit-Saint se rapporte finalement à des passages des Écritures et, en particulier, des paroles du Christ dans les évangiles, spécialement l’évangile selon saint Jean. Mais ces paroles du Christ ont une dimension essentiellement prophétique. Il annonce à ses disciples ce qui va se passer pour les préparer à affronter les événements et à assumer leur solitude après son départ. Mais les choses se sont-elles bien passées comme Jésus l’avait annoncé ?

Nous voici donc deux bonnes raisons de poursuivre notre réflexion : l’Esprit-Saint est-il venu comme le Christ l’avait annoncé ? Est-ce ce même Esprit dont j’éprouve la présence au secret de mon cœur ? Pour répondre à ces deux questions, nous devons scruter avec attention ce que nous disent les Écritures sur la période qui a suivi le départ du Christ.

Nous avons un récit très détaillé dans le livre des Actes des Apôtres et je voudrais retenir votre attention sur deux événements qui vont être déterminants pour l’histoire de l’Église : l’élection de Matthias et la Pentecôte.

Après avoir livré Jésus, Judas s’est pendu nous dit l’évangile selon saint Matthieu. Dès après l’Ascension du Christ le groupe des Onze se trouve confronté à une situation imprévue. Jésus avait choisi douze apôtres, un par un, chacun par son nom, y compris Judas. Que fallait-il garder du choix de Jésus : le nombre de douze ou le choix qu’il avait fait ? Si on pensait que rien ne devait être changé à la décision de Jésus, il fallait accepter que le groupe apostolique soit réduit à onze membres au lieu de douze.

Or, ce qui apparaît c’est que Pierre « se leva au milieu des frères » (Act. 1, 15) et enclencha le processus de désignation d’un nouvel apôtre. Est-ce qu’il s’arrogeait le pouvoir de Jésus lui-même de choisir les apôtres ? Non, car il ne va pas désigner lui-même l’homme qui va prendre la place de Judas. Il va simplement rappeler les conditions nécessaires : « Des hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a marché à notre tête, à commencer par le baptême de Jean jusqu’au jour où il a été enlevé… » (Ac 1, 21-22) et faire une sorte d’appel à candidature. Puis ils invoquent le Seigneur avant de tirer au sort entre les deux possibles, si bien que c’est le Seigneur lui-même qui choisit Matthias. Nous sommes ainsi conduits à comprendre qui mène l’Église. C’est Dieu lui-même et non pas Pierre ni aucun autre des apôtres.

Mais comment Dieu mène-t-il son Église ? Est-ce seulement par le tirage au sort, ou a-t-il d’autres moyens ? Le récit des Actes continue par l’évocation de la Pentecôte. Vous connaissez bien cette histoire au chapitre 2 des Actes des Apôtres. Ecoutons encore une fois le début : « Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Tout à coup survint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent : la maison où ils se tenaient en fut toute remplie ; alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s’en posa sur chacun d’eux. Ils furent tous remplis d’Esprit-Saint et se mirent à parler d’autres langues, comme l’esprit leur donnait de s’exprimer » (Ac 2, 1-4). Nous reviendrons plus loin sur les effets de cette venue de l’Esprit. Pour l’instant, il nous suffit de découvrir et de comprendre que l’acte de naissance de l’Église est constitué par cette venue de l’Esprit-Saint : souffle de vent et langues de feu.

Ainsi, nous découvrons dans l’Église deux niveaux de réalité : elle est un groupe humain : là, celui constitué par les douze apôtres. Aujourd’hui, vue la taille qu’elle a prise, nous dirions qu’elle est un corps social dans le monde. Mais ce corps reçoit sa vitalité et sa mission de Dieu lui-même qui vient reposer sur la maison et chacun de ses occupants. La vie de l’Église, c’est l’Esprit de Dieu répandu sur les apôtres.

2. L’Esprit Saint dans les sacrements. Baptême, Confirmation, Eucharistie.
Comment avons-nous accès à ce don de l’Esprit qui constitue l’Église et qui la vivifie ? L’Église est un signe humain visible de la présence de l’Esprit en ce monde. Elle est comme un sacrement qui nous donne un signe et un moyen. Non seulement elle représente la réalité de l’Esprit, mais encore elle nous donne accès à sa vie en déployant cette présence et cette action par les sacrements dont elle vit et par lesquels elle nous fait vivre.

Pour avoir part à sa vie, nous devons devenir membre de cette Église, et pas seulement un membre passif, par défaut, mais un membre volontaire et actif. Notre agrégation à l’Église, peuple de Dieu, commence par notre baptême. Comme le baptême de Jésus, il fait de nous des fils de Dieu, des enfants de Dieu. La plongée dans l’eau baptismale nous fait passer symboliquement avec le Christ par la mort et la résurrection. L’onction avec l’huile sainte, le saint Chrême, nous marque de la présence de l’Esprit-Saint qui vient en nous et nous fait devenir comme le Christ, fils bien-aimé du Père. Par le baptême, nous entrons dans la communion qui unit le Père, le Fils et l’Esprit, la communion trinitaire. Etre baptisé, c’est être conformé au Christ.

Pour beaucoup d’entre nous encore, ce sacrement du baptême a été reçu dans la petite enfance. Il doit prendre sa pleine dimension par notre formation à la vie chrétienne et la démarche personnelle par laquelle nous répondons positivement au don initial qui nous a été fait par Dieu. Cette réponse est confirmée par le don que Dieu nous fait de la plénitude des dons de l’Esprit-Saint dans la confirmation. Cette nouvelle onction avec le saint Chrême nous marque de la marque de Dieu lui-même et nous constitue comme membre à part entière de l’Église. Tant que cette démarche n’est pas ainsi confirmée par Dieu et ratifiée par notre réponse personnelle, le baptême n’atteint pas la plénitude de ses possibilités. Il est comme inachevé. Beaucoup trop de chrétiens en restent à l’étape du baptême de l’enfance sans atteindre la plénitude des dons de l’Esprit. Ils ne devraient pas s’étonner que leur vie chrétienne soit incomplète et sans grand effet sur leur existence. Peut-être un certain nombre d’entre vous sont-ils encore dans cet état d’inachèvement. Ils ne doivent pas juger le rôle et la puissance de l’Esprit par rapport à leur état présent. Ils doivent se demander sérieusement s’ils veulent oui ou non devenir pleinement chrétiens.

Enfin, le baptême et la confirmation qui nous unissent au Christ trouvent leur expression et leur renouvellement dans la célébration de l’Eucharistie où l’Esprit-Saint couvre de sa puissance les dons que nous présentons pour les unir au don que Jésus a fait de sa vie sur la croix en offrande d’amour à son Père pour les hommes. C’est l’Esprit-Saint, appelé par le prêtre sur le pain et le vin qui représentent nos propres vies, qui rend présent le sacrifice du Christ et qui nous permet d’y communier.

Ainsi ces trois sacrements : le baptême, la confirmation et l’Eucharistie, sont les sacrements qui fondent l’Église et qui la font vivre. Ce sont eux qui nous donnent accès à la plénitude des dons de Dieu, non seulement en une fois, comme le baptême et la confirmation, mais encore à tout moment, comme chaque fois que nous participons à la Messe. Il n’y a pas de vrai chrétien sans baptême, sans confirmation et sans eucharistie. Ce sont les sacrements de l’initiation chrétienne. Si nous désirons vivre de la vie du Christ, il faut que nous en prenions les moyens qu’il nous a lui-même donnés et que nous participions à la vie sacramentelle de l’Église. C’est à nous de savoir ce que nous voulons.

3. Les dons de l’Esprit Saint dans l’Église.

L’Esprit-Saint fonde l’Église. Il lui donne la vie par les sacrements, spécialement les sacrements de l’initiation, comme nous venons de le voir. Arrêtons-nous un instant sur la manière dont le don de l’Esprit-Saint se déploient dans l’Église. A propos de la confirmation, vous avez peut-être entendu parler des sept dons de l’Esprit. Ce nombre sept n’est pas limitatif. Il nous vient directement de l’Écriture. Le prophète Isaïe dit : « Sur lui reposera l’Esprit du Seigneur, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur. » (Is 11, 2). Ces six expressions de l’esprit sont arrondis au chiffre sept qui exprime la plénitude dans la symbolique des chiffres bibliques (comme les sept jours de la création ou comme les sept sacrements).

Je voudrais vous inviter à méditer quelques instants sur quelques aspects principaux de ces dons de l’Esprit-Saint. Le premier auquel nous nous arrêterons est le don de la connaissance de Dieu. Nous avons tendance à croire que la connaissance de Dieu est du même ordre que nos autres connaissances, que l’on pourrait l’accroître par des recherches ou des lectures ou, pourquoi pas, par la télévision ou internet ? Comme si la connaissance d’une personne se réduisait aux renseignements que l’on peut réunir à son sujet. Nous le savons bien, on ne connaît pas les personnes par une simple enquête. Il faut que nous ayons une certaine communion avec la personne, une empathie qui nous mette dans une véritable relation. Or cette communion avec Dieu n’est pas à notre portée, elle ne dépend pas simplement de notre désir. Elle suppose que Dieu lui-même vienne à notre rencontre et nous ouvre le chemin de cette communion. Pour connaître Dieu, nous avons besoin que Dieu se donne à connaître.

Le deuxième don auquel nous devons nous attacher est celui de la force. Nous pouvons constater comment l’Esprit-Saint permet aux chrétiens qui l’accueillent de surmonter leurs faiblesses et les obstacles qu’ils rencontrent, bien au-delà de leurs propres forces. Comment croyez-vous que des hommes et des femmes comme nous puissent mener une vie généreuse, malgré leurs faiblesses. Ils ne sont pas des héros exceptionnels. Ils sont simplement des hommes et des femmes habités par la force de l’Esprit et qui se laissent conduire par cette force.

Pour terminer, je voudrais relever d’autres fruits de l’Esprit tels que saint Paul nous les présente : « Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi… » (Gal. 5, 22-23). « Il y a diversité de dons, mais c’est le même Esprit ; diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur ; divers modes d’action, mais c’est le même Dieu qui produit tout en tous. Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous. L’Esprit donne un message de sagesse à l’un et de science à l’autre ; à un autre, le même Esprit donne la foi, à un autre encore, le seul et même Esprit accorde des dons de guérison ; à un autre le pouvoir de faire des miracles, à un autre la prophétie, à un autre le discernement des esprits, à un autre le don de parler en langues, à un autre encore celui de les interpréter. Mais tout cela, c’est le seul et même Esprit qui le produit, distribuant à chacun ses dons, selon sa volonté. » (I Cor. 12, 4-11). Puis, « Aspirez aux dons les meilleurs. Et de plus, je vais vous indiquer une voie infiniment supérieure. » (I Cor. 12, 31). Et cette voie supérieure, c’est celle de la charité.

Catéchèse n°3 : Envoyés dans le monde.

1. L’envoi en mission.

Ces deux derniers jours, nous avons médité sur l’Esprit-Saint qui nous fait connaître le Christ de l’intérieur et sur son rôle dans la vie de l’Église. Mais l’Esprit-Saint ne nous est pas donné simplement pour assurer un bon fonctionnement de notre vie chrétienne, qu’elle soit personnelle ou ecclésiale. Jésus nous le dit dans l’évangile : « C’est vous qui (en) êtes les témoins. Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Pour vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez, d’en-haut, revêtus de puissance. » (Luc 24, 48-49°). Cette « puissance » qui leur est annoncée, c’est l’Esprit de Dieu lui-même qu’ils recevront le jour de la Pentecôte pour devenir les témoins du Christ, non seulement à Jérusalem, mais encore dans le monde entier : « Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit… » (Mt 28, 19).

Etre chrétien, c’est donc recevoir une mission du Christ pour être ses témoins par toute la terre. Nous devons réfléchir sérieusement à cette mission. Nous sommes habitués à vivre dans une société pour laquelle la foi est considérée comme un choix privé qui ne doit pas avoir de visibilité extérieure. Nous y sommes tellement habitués que nous avons intériorisé cette manière de comprendre la vie et que nous finissons par croire qu’il y a une sorte d’humanité à l’état neutre, sans aucune référence à des croyances. Alors, la foi, qu’elle soit chrétienne ou juive ou musulmane ou bouddhiste, apparaît comme une sorte de supplément facultatif qui n’ajoute rien à l’existence humaniste neutre. Tout au plus peut-elle ajouter quelques actions privées, comme la prière, pourvu qu’elles ne viennent pas troubler l’apparente unanimité sociale.

Cette vision, largement partagée, rend suspecte de prosélytisme ou de sectarisme toute expression publique de la foi. Comment vivons-nous cette espèce de camouflage de la foi sous le voile de la « tolérance » qui est justement l’intolérance à l’égard de toute expression particulière ? Il faut bien reconnaître que nous la vivons assez mal, entre deux extrêmes symétriques. Ou bien nous acceptons de devenir des chrétiens clandestins et de cacher notre appartenance au Christ et à l’Église. Ou bien nous nous transformons en chrétiens ostentatoires et prédicants. Ni l’un ni l’autre de ces extrêmes ne correspond au chemin que le Christ nous invite à parcourir.

Il nous dit dans l’évangile : « Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est secret qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans l’ombre, dites-le au grand jour ; ce que vous entendez dans le creux de l’oreille, proclamez-le sur les terrasses. » (Mat. 10, 26-27). La parole et l’espérance que nous avons reçues ne sont pas destinées à être enfouies dans le secret, mais à être partagées. Quelle estime aurions-nous pour nos semblables et quel amour sincère, si nous acceptions de garder pour nous ce que nous avons de plus précieux ? Si notre foi est un trésor qui anime notre vie, comment pourrions-nous désirer le garder pour nous ?

Mais la question à laquelle nous sommes confrontés est de savoir comment nous le partageons. S’agit-il pour nous de nous promener avec des pancartes pour annoncer Jésus-Christ ? S’il suffisait de proclamer l’évangile pour que le témoignage soit entendu, il suffirait de financer l’Alliance biblique mondiale ou d’acheter une page de publicité dans les quotidiens et d’attendre le résultat. On dit souvent que nous ne savons pas communiquer, comme si l’annonce de la foi était un simple problème de communication ou de promotion commerciale. Le véritable témoin est celui qui engage sa vie sur la parole qu’il annonce. C’est-à-dire qu’il annonce la bonne nouvelle en montrant d’abord ses effets dans sa propre vie. Notre parole d’amour sera écoutée et reçue si déjà nous la laissons convertir notre vie à l’amour. Notre appel à la conversion sera pris au sérieux si déjà nous acceptons de mener une vie de convertis.

2. La force de l’Esprit.

Cette convergence entre l’annonce de la Bonne Nouvelle et la conversion de notre vie peut entraîner chez nous un sentiment de découragement. Comment pourrions-nous ambitionner de mener une vie qui corresponde vraiment aux appels du Christ ? Si nous ne sommes pas capables d’aligner notre vie sur ce que nous croyons, comment serions-nous capables de devenir témoins de la foi ? Comment pourrions-nous affronter l’indifférence ou l’hostilité qui nous assaillent quand nous essayons de nous déclarer parmi les amis et les disciples du Christ ? Si notre réputation ou notre image sont si précieuses, comment les risquer dans la confrontation des idées ou des croyances ?

Si nous prenions ces objectifs comme nos objectifs personnels qui reposeraient sur nos moyens personnels, nous risquerions fort de sombrer dans le découragement ou le désespoir, à moins que nous ne choisissions tout simplement de renoncer. Puisque je suis pécheur et faible, ne me demandez pas de devenir témoin de la miséricorde et de la puissance de Dieu. Voilà justement où intervient l’assistance de l’Esprit-Saint. Ce n’est pas nous qui sommes les premiers témoins de la résurrection du Christ, c’est l’Esprit-Saint lui-même qui rend témoignage comme Jésus l’a dit à ses disciples.

C’est seulement par la force de l’Esprit que nous pouvons espérer accomplir la mission que Jésus confie à ses disciples et à son Église, et donc à nous. C’est ce don de la force que nous recevons par le sacrement de la confirmation qui fait de nous de vrais témoins du Seigneur. C’est à chaque chrétien que cette mission est confiée, donc à chacun et à chacune d’entre nous, à chacun et à chacune d’entre vous.

Voulez-vous que nous fassions un petit exercice simple. Depuis le printemps, beaucoup de gens autour de vous ont parlé de leurs vacances, de ce qu’ils allaient faire, où ils iraient, ce qu’ils espéraient et attendaient de ces semaines d’été. Réfléchissez ! Vous, qu’avez-vous dit sur votre été. A qui avez-vous parlé de votre intention et de votre décision de venir aux JMJ ? En avez-vous parlé seulement à un cercle très étroit ou à plus de monde ? Qu’est-ce qui vous a poussé à en parler ou à le taire ? De quoi avez-vous eu peur ? Quelles ont été les réactions ? Maintenant, réfléchissez à votre retour. A qui allez-vous parler de ce que vous vivez ici ? Allez-vous reprendre votre vie sans commentaire ou bien allez-vous essayer de partager ce que vous avez reçu et avec qui ? Voilà comment on devient témoins de la foi. Et nous savons que cette sortie du silence nous expose et nous oblige à accepter que nos propos soient comparés à notre manière de vivre. Etre venu aux JMJ, ce n’est donc pas seulement avoir vécu quelque chose d’exceptionnel, c’est aussi se poser la question de savoir si nous allons changer quelque chose à notre manière de vivre et quoi.

3. L’œuvre de Dieu.

Nous découvrons ensemble que le témoignage qui est un élément fondamental de la mission est autre chose que notre action personnelle. La mission est d’abord l’œuvre de Dieu avant d’être l’œuvre de l’homme, mais Dieu réalise son œuvre avec la collaboration de l’homme. Nous pouvons le comprendre en regardant dans la Bible comment Dieu accomplit son œuvre à travers les siècles. Depuis la création Dieu agit en donnant. Il donne de la surabondance de son amour et c’est cette surabondance de l’amour qui le conduit à donner la vie au monde et particulièrement à l’homme dans ce monde.

Nous voyons ensuite comment il agit pour accompagner l’histoire humaine à travers les péripéties heureuses ou malheureuses comme le déluge par exemple. Ensuite pour manifester cet amour de l’humanité, il a choisi un peuple pour être son peuple saint : le peuple d’Israël. Par l’intermédiaire de Moïse, il lui a donné sa loi pour éclairer sa conduite. Il a envoyé de nombreux prophètes pour le ramener à la communion de l’alliance. Enfin pour fonder une nouvelle alliance définitive, il a envoyé son propre Fils, son unique. C’est devant cette passion de Dieu pour le bien de l’humanité que nous pouvons comprendre le sens de la mission. Tant qu’il y aura un homme sur la terre qui sera dans l’ignorance de l’amour de Dieu, Dieu continuera à envoyer.

Par le don de son Esprit-Saint à la Pentecôte, il envoie les disciples de Jésus pour poursuivre son œuvre. Et aujourd’hui, il nous envoie, nous qui sommes ici, pour être les témoins de cet amour. Alors se pose à vous une question : allez-vous accepter de « recevoir une force, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous ? » Allez-vous accepter de devenir les témoins du Christ ? Jusqu’où êtes-vous prêts à aller pour rendre témoignage ? Et d’abord qu’allez-vous faire de votre vie ? Une vie tranquille pour consommer les biens que vous avez reçus ou une vie donnée pour les transmettre et les partager ? Etes-vous résolus à les partager en accueillant et en élevant des enfants ? Etes-vous prêts à les partager en quittant tout pour l’annonce de l’évangile, en devenant prêtres ou religieux ou religieuses ?

+André cardinal Vingt-Trois,
archevêque de Paris

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