Lire, écouter, revoir la cinquième Conférence de Carême 2010
Conférence donnée le dimanche 21 mars 2010 par le M. le rabbin Rivon Krygier et M. Dominique Folscheid sur le thème "Enracinement et ouverture".
Les Déclarations de Vatican II sur la permanence d’Israël, sur l’œcuménisme, sur le dialogue interreligieux, sur la liberté civile de religion sont le fruit d’un nouvel enracinement et d’une ouverture. La reconnaissance d’Israël comme partie intégrante du dessein de salut a permis de renouer les liens spirituels de l’Église catholique avec le peuple juif après la shoah. Ce renouveau est inséparable de l’ouverture à l’œcuménisme, des rencontres interreligieuses comme celle d’Assise et du dialogue avec les humanismes séculiers.
Biographie de M. le rabbin Rivon Krygier
M. Rivon Krygier est né en 1957. Il est ordonné en 1991 rabbin de l’institut Schechter de Jérusalem. Il est également Docteur en Science des religions (Paris Sorbonne) depuis 1996. Hormis son activité communautaire, Rivon Krygier enseigne la pensée juive en divers lieux universitaires ou para universitaires juifs et chrétiens (Collège des Etudes Juives de l’Alliance Israélite Universelle, Centre communautaire juif de Paris, Institut Sèvres, Collège des Bernardins).
Il consacre une bonne part de ses recherches et publications aux questions d’éthique et de théologie, ainsi qu’au dialogue interreligieux. Il est auteur de divers articles dans des revues diverses (Revue des Études Juives, Pardès, Conservative Judaism, Recherches de Science Religieuse) et d’ouvrages dont les deux principaux sont : La Loi juive à l’aube du XXIe siècle (Paris, éditions Biblieurope, 1999), collectif sur la loi juive à l’ère de la modernité, et À la limite de Dieu (Paris, éditions Publisud, 1998), essai théologique sur l’énigme de la contradiction entre libre arbitre humain et la prescience divine dans la pensée juive.
Il est rabbin de la communauté Adath Shalom, Paris XVème, communauté affiliée au judaïsme Massorti.
Biographie de M. Dominique Folscheid
Né en 1944, Dominique Folscheid est marié et père de trois enfants. Il est agrégé de philosophie et docteur ès lettres. Après avoir occupé plusieurs postes dans l’enseignement secondaire et en classes préparatoires, il est devenu professeur de philosophie à l’université de Rennes I, puis à celle de Marne-la-Vallée. Il est actuellement professeur de philosophie morale et politique à l’Université de Paris-Est et directeur de l’Institut Hannah Arendt. Il a fondé en 1995 un enseignement d’éthique médicale et hospitalière, en partenariat avec le Centre de formation continue du personnel hospitalier de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Cette collaboration, toujours active, se concrétise par des formations de Master et de doctorat de philosophie pratique.
Ses préoccupations principales se situent en métaphysique, anthropologie et éthique.
Son dernier ouvrage « L’esprit de l’athéisme et son destin » a été publié aux éditions de la Table Ronde en 2003.
« Enracinement et ouverture »
En raison du trouble provoqué par quelques personnes, la conférence a été donnée depuis une salle de Notre-Dame de Paris. Le débat qui a suivi a pu se dérouler dans la cathédrale.
– Lire la cinquième Conférence de Carême.
Reproduction papier ou numérique interdite.
Le texte des conférences sera publié chez Parole et Silence : sortie du livre le 28 mars 2010.
« Enracinement et ouverture »
M. le rabbin Rivon Krygier
Monseigneur l’Archevêque André Vingt-trois, mesdames et messieurs, c’est avec une émotion à peine contenue que je prends la parole en ce haut lieu de la culture et de la foi chrétienne. Il me revient en premier de rendre grâce à son Éminence, ainsi qu’à tous ceux qui m’ont accordé leur confiance. Par delà le privilège qui m’honore, je prends toute la mesure de l’événement. Il n’allait sans doute pas de soi d’inviter un rabbin en cette cathédrale pour y tenir une conférence de Carême et pas plus – vous vous en doutez – pour un rabbin, de s’y aventurer. Si je ne m’abuse, c’est une première qui en dit long sur les rapports d’amitié et, plus encore, de fraternité, qui ont pu se tisser entre juifs et chrétiens depuis la déclaration de Nostra Ætate du Concile de Vatican II.
Nostra Ætate sera mon propos. Non en refaire l’historique ou le panégyrique mais me concentrer sur sa postérité. Nombreux sont ceux ici, j’en suis sûr, qui en mesurent les avancées décisives. À quoi il faut ajouter les actes symboliques posés par le pape Jean-Paul II envers le peuple juif et qui marqueront à jamais nos cœurs. Certes, il ne faudrait pas se reposer sur ses lauriers en ignorant les difficultés de « réception » que connaît encore le rapprochement judéo-chrétien, d’un côté comme de l’autre. Nous n’ignorons pas non plus que des décisions encore récentes de l’Église catholique ont réveillé des blessures profondes. Mais à vrai dire, je ne compte pas m’appesantir sur ces inquiétudes car je voudrais saisir l’invitation généreuse qui m’est faite pour porter notre réflexion sur une question théologique (mais aussi éthique) qui nous concerne les uns comme les autres. Car ces incidents de parcours appellent une question de fond : Jusqu’où peut aller notre reconnaissance de la spiritualité sœur ? Comment situer notre propre foi que nous tenons pour « vérité » face à celle de l’autre ? En somme – et c’est l’intitulé de notre conférence – de quelle marge de manœuvre disposent nos enracinements respectifs pour progresser dans l’ouverture, sans se dédire ?
Du côté chrétien, la question a surgi dans le sillage de Vatican II, précisément en raison du mouvement d’ouverture. Le Cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, a pu dire du Concile qu’il avait provoqué un « immense ébranlement qu’il reste encore à transmuer en réalité positive »… [1] « Ébranlement » est un terme qui évoque d’abord le trouble. S’ouvrir à l’autre, c’est sortir de son autosuffisance et donc se fragiliser, encourir un risque. Mais ce danger n’est-il pas inhérent à l’exercice de la fraternité ? Il n’est pas d’amour sans tenir compte d’autrui, et donc sans accepter d’adapter son « agenda personnel » en fonction de lui, et plus encore, sans s’abandonner à une certaine confiance. C’est pourquoi l’amour n’est pas seulement ouverture, il est aussi courage.
L’irone veut que l’ouverture d’une tradition religieuse à une autre, « concurrente », soit perçu par certains comme un aveu de faiblesse, un désaveu de soi. Dialoguer fraternellement, c’est reconnaître de la dignité et de la valeur à l’autre. Cela induit à se placer humblement sinon sur un même plan, à tout le moins, sur une même échelle. [2] Or si la vérité ultime peut se trouver ailleurs que chez soi, fut-ce partiellement, pourquoi se confiner, pourquoi rester juif ou chrétien, pourquoi se déterminer dans une identité singulière ? Le spectre qui se profile, tel un petit démon taquin, est celui que le pape Grégoire XVI dès 1832 et par suite, abondamment en notre temps, Jean-Paul II et Benoît XVI, ont désigné sous le terme « d’indifférentisme », puis de « relativisme ». On entend par là la possibilité d’accomplir la volonté divine et d’acquérir le salut par une conduite droite et honnête, quelles que soient les conceptions ou convictions métaphysiques, en clair, en dehors d’une adhésion aux dogmes et normes de l’Église catholique [3].
Il est vrai que dans une société multiculturelle, désidéologisée et fortement sécularisée, un certain opportunisme consumériste veut que chacun fasse son marché de spirituel comme de spiritueux. On picore – j’allais dire : « on picole » – ici et là mais sans s’investir de manière conséquente dans l’une ou l’autre. On comprend l’inquiétude devant cette religiosité syncrétique des temps postmodernes, qui flirte et surfe mais ne s’engage pas. Mais l’ouverture vers la religion sœur pose une toute autre question. Nous partageons des valeurs fondamentales et avons en commun un canon d’Écritures. Pourtant, hier encore, juifs et chrétiens se regardaient en chiens de faïence. La fraternité viciée entre Jacob et Esaü était de se savoir frères, tout en considérant que c’est l’autre, évidemment, qui endosse le rôle d’Esaü, bourru et déchu… Pouvons-nous à présent nous regarder comme des voies de salut convergentes ? Admettons-nous que nous partageons quelque chose de la vérité révélée qui donnerait à chacune toute légitimité ? Telle est plus que jamais la grande question.
Le pape Benoît XVI est venu sceller à la synagogue de Rome « l’irrévocabilité » du dialogue judéo-chrétien. Il faut l’entendre non comme un acquis mais comme un défi. À mon sens, le plus grand espoir suscité par Vatican II est d’avoir enclenché un processus de sortie de cette logique infernale dominante dans la plupart des religions qui veut que hors de sa paroisse, point de véritable salut. S’il y a un « ébranlement qui mérite que l’on continue à transmuer en réalité positive », c’est celui-là ! Il ne faut y voir aucun déni de soi mais au contraire l’expression de ce que le christianisme recèle de plus intérieur et de plus admirable. Tendant résolument la main aux autres religions monothéistes, jusqu’à chambouler de vieilles et tenaces condamnations conciliaires, l’Église catholique plaçait les vertus théologales avant toute dogmatique. Vatican II a révélé quelque chose de capital pour toute religion digne de ce nom, dont nous mesurons encore à peine l’impact : que la remise en question de certaines certitudes passées peut s’avérer être l’aiguillon de la vérité, non son couperet ; que la vérité est une conquête permanente non un dépôt verrouillé ; que le corps de doctrine légué par nos traditions respectives n’est pas vain, loin s’en faut, mais certainement pas une fin en soi. C’est plutôt le socle sur lequel nous appuyer pour nous hisser toujours davantage vers la vérité, vers Dieu. Toute régression en la matière laisserait le goût amer d’un rêve prophétique avorté, d’un faux-messianisme…
Tentons donc d’établir le point précis où nous en sommes aujourd’hui. Dans la déclaration Nostra Ætate, on peut lire que « l’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions (juive et musulmane) et que celles-ci reflètent assez souvent un rayon de vérité qui illumine tous les hommes » [4]. Et dans Lumen Gentium déjà, est-il dit que ceux d’entre ces pieux « qui n’ont pas encore reçu l’Évangile, sont néanmoins ordonnés en quelque manière au peuple de Dieu. » Et d’ajouter dans la foulée que « si cette ignorance n’est pas de leur faute », ils « peuvent eux aussi obtenir le salut éternel. » [5] Je note avec intérêt que par « ignorance de l’Évangile » on entend non pas l’ignorance de son contenu mais la non-adhésion de la conscience, ce que Pie IX déjà désignait comme « ignorance invincible » [6]. Je note aussi, avec Gaudium et Spes (émanant également de Vatican II), que l’on considère que « la Grâce agit de manière invisible dans le cœur de tout homme de bonne volonté », tenant que « l’Esprit Saint offre à tous les hommes, d’une façon connue de Dieu, la possibilité d’association au mystère pascal. » [7] Toutes ces formulations traduisent à n’en point douter la volonté sincère de l’Église de reconnaître la valeur spirituelle et morale hors de son enceinte [8]. Il semble toutefois qu’un dernier pas reste entravé. Qualifiées de « rayons » de vérité et d’« ordonnées » au peuple de Dieu, les autres religions sont reléguées dans les « limbes » de la seule vérité christique. On en reste à une démarche quasi-hégélienne où l’histoire de l’Esprit est une succession d’approximations qui tels des échafaudages finissent par plier pour mieux laisser éclater la vérité christique ultime. L’homme de bonne volonté est selon cette conception un proto-chrétien, un catéchumène qui s’ignore, ou un « chrétien anonyme » pour reprendre l’expression du théologien Karl Rahner. L’autre reconnu est, à l’ombre de soi, un satellite. S’agissant spécifiquement du judaïsme, j’ai pu lire dans l’un et l’autre texte récent du magistère que les juifs sont encore « sous la domination du péché », car méconnaissant la foi au Christ, « croyant plutôt à l’observance de la loi » [9] alors que celle-ci « n’a jamais suffi à justifier ceux qui lui étaient soumis, devenue elle-même instrument de convoitise » [10]. Je lis sous la plume d’un théologien autorisé que « vouloir reconnaître à ces religions (judaïsme, islam) une médiation du salut indépendante de celle du Christ reviendrait à justifier leurs œuvres » ce qui serait contraire à « l’affirmation imprescriptible de la justification par la seule grâce de Dieu moyennant la foi. » [11] On en reste à la difficulté non dépassée que je pointais.
Pour être franc, on n’est guère plus avancé du côté juif. Certes le judaïsme rabbinique – qu’on taxe souvent d’ethnocentrique – part d’un point de vue plus universel puisqu’il a assez tôt et globalement admis qu’existaient des voies de salut efficaces hors conversion au judaïsme, notamment du fait de la notion talmudique de « justes parmi les nations » qui s’applique à tout homme de bonne volonté agissant avec droiture, notamment au sein du monde chrétien ou musulman [12]. Mais vous savez que nous, juifs, n’avons pas ou plus de grand Sanhédrin (de magistère suprême), et qu’en bien des questions, un texte ou un maître peut en contredire un autre. Si bien que pour certaines obédiences radicales, il est bien difficile encore de reconnaître dans les autres grandes religions des voies de justice et de foi authentique, croyant qu’hors de la Tora, il n’est point de véritable salut ou alors seulement secondaire, périphérique ; bien du mal aussi pour certains à reconnaître au christianisme jusqu’à la qualité de religion monothéiste, en raison de la doctrine de la trinité et de l’incarnation divine ; du mal enfin à comprendre comment l’adoration de Jésus peut devenir grâce et salut, voire même un puissant mobile d’amour et de justice, alors qu’ils ne jurent, quant à eux, que par l’accomplissement des commandements de la Tora…
La vertu première du dialogue interreligieux est sans aucun doute de renvoyer dos à dos la vanité qui consiste à vouloir à tout prix avoir raison de l’autre. On est amené à sourire de l’inanité de ses propres clichés, à s’émanciper de certaines prémisses d’un raisonnement qui sans en être conscients, conduisaient à des jugements implacables. Et en même temps, on saisit mieux la spécificité de chacun, la richesse de sa propre tradition et son trésor irremplaçable. Mais que doit-on faire si on veut aller plus loin que le respect et la politesse ? Deux choses.
La première, c’est encore un décret de Vatican II qui nous l’indique avec son exigence « d’émulation fraternelle » [13]. Ce qui correspond dans le judaïsme à la mahlokèt le-chèm chamaïm [14], la controverse « pour le seul renom de Dieu », désintéressée et bienveillante, et dont on loue la stupéfiante fécondité. Pour s’y prêter, il faut sortir de la logique binaire, du tiers exclu, comme l’indique le fameux dire talmudique : « Durant trois ans, les écoles de Chamaï et Hillel s’opposèrent, chacune prétendant détenir la halakha (la règle à suivre) jusqu’à ce que retentit une voix céleste qui proclama : « Les dires des uns et des autres sont les paroles du Dieu vivant » ! [15] Attention, cela ne signifie pas « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil… » Le même propos talmudique poursuit en disant que c’est néanmoins la voie de Hillel qui est retenue car plus humble, plus humaine, plus à l’écoute de l’autre. Voie privilégiée, elle n’aura pas exclu pour autant celle de Chamaï. C’est d’ailleurs le débat avec Chamaï qui aura forgé la voie de Hillel. On ne sort pas « indemne » d’une vraie confrontation d’idées. Mais plus affûté et plus futé, plus près des hommes et de Dieu.
La seconde chose à faire pour avancer est de repenser l’idée de vérité révélée. Nos traditions respectives partagent une conviction fondamentale : en amont, Dieu Se fit « logos ». En suite de quoi, pour les chrétiens, ce logos s’est fait chair en Jésus et pour les Juifs, parole vivante de la Tora. Nous devons admettre que les traditions religieuses sont autant de déclinaisons de ce logos (de « l’Esprit Saint offert à tous les hommes ») mais que son sens ultime est encore en aval de toutes. Telle est la valeur de vérité de chacune, comme un vecteur sur une trajectoire distincte, tournée vers un même sommet. Non tant ce que les religions ont dit et établi hier ou aujourd’hui que ce cheminement qui les porte vers l’absolu. J’ai trouvé chez divers théologiens chrétiens contemporains des formulations très subtiles par lesquelles ils ont tenté d’opérer l’articulation entre les voies particulières et universelles des religions [16]. Je ne puis hélas déployer ici leurs réflexions mais je suis d’avis que leur examen constitue un chantier prioritaire auquel il faudra nous atteler. On y trouve l’idée commune que l’universel s’est implanté dans le particulier, l’absolu dans le relatif, le divin dans l’esprit humain. C’est bien une « kénose » mais celle d’un bourgeon en gestation. « La vérité croîtra depuis la terre » dit le Psaume (85,12). L’Église est encore « pérégrinante », « en mal d’enfantement », confesse Lumen Gentium [17]. L’œuvre spirituelle consiste désormais à faire éclore cet universel du sein du particulier. Et désormais, c’est le dialogue interreligieux qui seul le peut et le doit, urgemment. Et pourquoi ? Car on ne fait pas l’universel tout seul.
Permettez-moi de clore cette ébauche de réflexion par une figure mythique de ce qui vient d’être esquissé, en la dressant à partir de ma tradition (mais qui est aussi la vôtre). On se souvient que dans le récit de la tour de Babel, Dieu avait brisé la prétention dominatrice d’une humanité ivre d’elle-même, en confondant son langage, chacun ne comprenant désormais que la langue de son clan [18]. Longtemps, nous en fûmes là, et y sommes encore, en bonne part, à vouloir imposer notre vocabulaire. Mais depuis 50 ans, un « kol demama daka, subtil filet de voix divine » s’est fait entendre, dirons-nous avec le livre des Rois [19], une « glossolalie » [20], dirons-nous avec les Actes des apôtres, soit un langage encore inarticulé mais qui renferme déjà toutes les langues de la terre. De la tour de Babel, il ne reste que des pierres éparpillées. Les bâtisseurs doivent reprendre langue [21]. C’est à cette condition qu’ils pourront bâtir non plus une tour mais un Temple dont la clef de voûte jadis écartée sera posée au final par l’ensemble des nations et des religions, à l’unisson [22]. « Maison de prière pour toutes les nations » [23], ce Temple ne sera dressé que parce que se sera réalisée la parole inouïe du prophète Sophonie : « Alors, Je transformerai le langage des peuples en une langue purifiée, pour qu’ils invoquent tous le nom de l’Éternel et Le servent d’un seul cœur. » [24]
M. Dominique Folscheid
Enracinement et ouverture : ces deux pôles qui paraissent exclusifs l’un de l’autre se partagent les faveurs de nos contemporains. L’enracinement a la cote, surtout quand il est de nature réactive, face à des sociétés massifiées, mondialisées, où les personnes sont en perte de repères, d’identité et même d’origine. L’ouverture l’a aussi, parce que toute revendication identitaire apparaît comme fermeture aux autres, facteur d’exclusion et même de violence, puisque que toute détermination est négation.
L’affrontement entre ces deux positions se lit dans bon nombre de nos débats. On le constate à propos de l’Europe, qui cache ou renie ses « racines chrétiennes » parce qu’elle se veut ouverte, sans ennemis, sans limites. La récente votation suisse interdisant les minarets a même jeté de l’huile sur le feu, sans qu’on sache si elle révèle la force de l’identité suisse, facteur de fermeture et d’exclusion, ou au contraire sa faiblesse, source de crainte à l’égard d’une identité jugée plus puissante, donc menaçante.
Dans tous ces exemples, les religions sont directement impliquées parce qu’elles fournissent toutes des identités fortes. Sont-elles pour autant, par nature, facteur de fermeture, d’exclusion et de violence ? Beaucoup le prétendent, avec de tristes exemples à l’appui. Ce qui les conduit à militer pour leur neutralisation par dissolution du culte dans la culture, puis de la culture dans le culturel. Telle est la forme dominante de l’athéisme d’aujourd’hui. Paradoxalement, cela conduit à l’apparition de religions de substitution : religion de la culture, néopaganisme écologique, culte des idoles médiatiques, multiplication de sectes plus ou moins délirantes. Chassez les religions et c’est la religiosité sauvage qui revient au galop.
Enracinement et fermeture, ou bien ouverture et déracinement : n’est-ce pas là une fausse alternative ? C’est ce que vient de suggérer Benoît XVI à propos des troubles que vivent bien des chrétiens depuis Vatican II, décrit comme l’ouverture de l’Eglise au monde, comme s’il y avait une Eglise d’avant le concile et une autre d’après [25].
Des racines et des hommes
Parler d’enracinement quand il s’agit de l’homme relève évidemment de la métaphore. Elle ne manque d’ailleurs pas de charme. Quand des jeunes gens en bouton quittent l’ombre des jeunes filles en fleur pour la vie conjugale, après éclosion d’un amour réciproque, cela signifie qu’ils ont effeuillé la marguerite jusqu’au bon pétale. Puis l’homme sèmera la petite graine dans le ventre fertile de sa femme. Le père dira de son enfant qu’il est son rejeton ou sa petite bouture, la mère qu’il est le fruit de ses entrailles. Et naguère encore, on expliquait à l’enfant qu’il avait été trouvé dans un chou. Viendra ensuite le temps de la culture, avec le jardin d’enfants, le soutien des tuteurs qui implanteront un humain plus ou moins épanoui dans une société plus ou moins florissante. On dira d’une fille avenante qu’elle est une belle plante. Puis la croissance s’inversera en sénescence, où tous se flétriront, se faneront, pour retourner enfin à la terre où, comme on dit, on mange les pissenlits par la racine. Entretemps, ils auront enrichi le terreau où pousseront les nouvelles générations.
L’homme n’étant pas une plante, il nous faut cependant corriger ce discours par un autre. Que dit-on à la naissance d’un petit d’homme ? Que sa mère a mis un enfant au monde, et non qu’une femelle a mis bas et confié son petit à la nature. Que dit-on à sa mort ? Là je cède la parole à Job : pourquoi l’homme, fût-il un héros, semble avoir moins de valeur qu’un arbre ? « Il existe pour l’arbre un espoir : on le coupe, il reprend encore et ne cesse de surgeonner » (Job, 14, 7). Derrière cette plainte, on devine déjà la tentation du clonage, qui est une forme de bouturage, abolition de la sexualité avec tout ce qu’elle implique. La dimension tragique de la mort des hommes, c’est bien ce qui arrache l’homme à la nature, même si sa mort est dite naturelle. Heidegger ira encore plus loin : seul l’homme meurt, l’animal périt. Et ce n’est pas en bricolant la nature que l’on mettra fin à la mort.
Que signifie donc l’enracinement de l’homme ? Tout simplement ceci : qu’il est incarné. Le naturalisme fait certes de la résistance : dans l’Antiquité, on naissait homme libre ou esclave ; plus tard, on disait d’un enfant de la noblesse qu’il était « né », tout simplement. Mais ma condition native ne suffit pas à constituer mon identité. La preuve en est que je peux renier mes parents, mon clan, ma tribu, me révolter contre toutes mes appartenances et me proclamer à la limite auteur de moi-même. Ce qui signifie qu’une autre source, radicalement antagoniste à la nature, intervient dans ma constitution. Cette autre source, c’est la liberté. Or sitôt qu’intervient la liberté, tout est changé. Une géniale formule d’Aristote le révèle : la nature est puissance d’un seul effet alors que la liberté est puissance des contraires.
Que me dit la liberté, que crie-t-elle même ? Que je ne suis pas le sous-produit biologique de mes géniteurs ou de mon milieu social, pas ma couleur de peau, pas même mes gènes. Car il restera toujours un abîme entre ce paquet de déterminations dont j’ai hérité et ce que je suis, moi, dans l’absolue singularité de mon être propre, unique et insubstituable.
La liberté, c’est l’ouverture par rapport à l’enracinement dans la nature. Et Descartes d’en conclure que mon origine n’est pas mes parents [26]. Serais-je alors à l’origine de moi-même ? Certes pas, sinon je serais Dieu. Or j’ai en moi l’idée de l’infini, idée que je n’ai pas pu produire parce qu’elle me dépasse infiniment, qui est « la marque de Dieu sur son ouvrage ». Me voici certifié « made in Deo », comme disait Pierre Mesnard. De quoi soulager ceux qui sont engendrés in vitro ou in labo : là n’est pas leur origine, ils ne sont donc pas de simples produits de la technique.
Dans le langage religieux, juif ou chrétien, cela se dit « création ». Laissons les créationnistes américains lire la Genèse comme un traité de cosmologie et de paléontologie et les évolutionnistes néo-darwiniens voir dans ces disciplines la seule vraie explication de l’origine de l’homme. Il s’agit là d’un faux débat. Car ce que révèle la Genèse est d’un autre ordre. Comme l’a finement remarqué la psychanalyste Marie Balmary, le texte biblique signale une différence fondamentale entre l’homme et tous les autres êtres vivants, que Dieu a créés « chacun selon son espèce », ce qui n’est pas le cas de l’homme. En ce sens, Dieu n’a pas créé l’homme, il a créé un être capable de se constituer comme humain, un créateur en second, un artisan de lui-même. La nature a mené à bien le laborieux processus de l’hominisation pour laisser la place à celui de l’humanisation, que le premier homme, l’Adam tiré de la glèbe, a inaugurée à l’apparition de la femme. La femme, Adam l’a rêvée, Dieu l’a faite. Grâce à la femme, semblable à l’homme hormis la différence sexuelle, s’ouvre le grand jeu relationnel qui fait de l’être humain, le plus démuni au point de vue de la nature, le seul être vivant vraiment nu, le seul dont l’enfant naît inachevé, un être d’histoire.
L’ouverture primordiale de l’être humain, la voilà. Elle est ouverture sur l’altérité sous toutes ses formes, c’est-à-dire sur ce par quoi il faut passer pour se constituer comme être humain. Au premier chef, ouverture sur le langage, transmis à travers la langue maternelle qui nous enfante progressivement à la pensée. Le cadre en est un lieu géographique et un moment précis de l’histoire, c’est-à-dire un petit monde au sein du grand, qui transmet à l’enfant une tradition, des normes de conduite, un ensemble de manières d’être acquises par imitation, ce qu’Aristote appelle notre nature seconde. Quand nous nous retournons sur ce qui nous a façonnés, nous parlons alors de nos racines : nous nous disons Français, Basque, Africain, Chinois, membre de tel clan, de tel milieu social ou culturel. On peut être tenté de les naturaliser, parce qu’il y va de nos identités, toujours opposables aux autres. Si cette fermeture se fait sur la race, nous aurons le racisme ; sur la nation, le nationalisme ; sur notre communauté d’appartenance, le communautarisme. Inversement, nous sommes capables de renier ou d’occulter toutes ces déterminations pour nous en créer d’autres, choisies et non subies. Au risque d’engendrer des individus et des sociétés sans passé ni mémoire, que les vents de l’idéologie ou de la mode emporteront comme des fétus de paille.
Et pourtant, cette même liberté qui est facteur d’errance permet aussi la reprise. Au point que les êtres qui, par malheur, se trouvent privés de parents, de famille, de nation, de langue même, comme cela est arrivé aux esclaves arrachés à leur lieu et implantés en pays totalement étranger, peuvent se greffer sur les racines des autres et les faire leurs. Ce qui prouve que chez l’homme, les racines ont aussi des ailes.
Les racines des hommes relèvent donc de ce que l’histoire a fait de la nature, qui les rend humaines. Elles peuvent être aussi bien facteurs d’ouverture que de fermeture, sous la pression de la liberté combinée à la malignité des hommes.
L’ouverture de Dieu aux hommes
Nous tenons maintenant le cadre et les conditions d’une tout autre ouverture, celle de Dieu aux hommes, ce qui se nomme « révélation ». Il en existe de plusieurs types, mais celle qui nous importe ici est bien spécifique, puisque nous croyons que Dieu a parlé aux hommes. Mais pour qu’une telle révélation soit possible, il faut être capable de la recevoir. Seul un être d’esprit, c’est-à-dire un être de désir, de langage et de liberté peut le faire. Un être, dit Hegel, qui est par essence un être religieux. L’omniprésence de l’animisme, qui est la religion spontanée de l’humanité, en est la preuve. Il est normal qu’un être d’esprit voit l’esprit à l’œuvre dans une nature qui n’est pas encore celle des modernes, nature désacralisée, dévitalisée, objet de science et de technique. Le spectacle de la nature vivante peut ainsi éveiller en nous l’idée de la divinité, mais elle ne joue alors que le rôle de miroir, un miroir brisé sur lequel nous projetons ce qui est en nous.
Pour que Dieu puisse parler aux hommes, il faut une rencontre dans l’histoire. Il faut aussi que ces hommes soient relativement libres à l’égard de leur enracinement identitaire dans des particularités coutumières, organisées autour de divinités locales. Cette ouverture, elle a été progressivement creusée par le déménagement d’Abraham, notre père dans la foi, par la situation d’étrangers des Hébreux en Égypte, par les longues années d’exode au désert puis par l’exil à Babylone. Ouverture tissée de misère et de déréliction, sans doute, mais aussi d’attente, d’appel, d’aspiration messianique. Ouverture des hommes pour que Dieu s’ouvre aux hommes. Ouverture à l’ouverture.
Dieu s’est ainsi enraciné dans l’histoire d’Israël. Il ne pouvait pas en être autrement, sinon Dieu serait resté une Idée intemporelle, accessible aux seuls philosophes. Dieu n’a élu qu’un seul peuple, ce qui élève les particularités de cette histoire au niveau de la singularité absolue. Paradoxe du Dieu d’un seul peuple mais qui, parce qu’il est l’unique Dieu qui soit Dieu, est le Dieu de tous les hommes, qui sont les mêmes partout. Mais Dieu accessible à tous, parce le langage est commun à tous, communicable à tous. La singularité d’Israël est donc un cas unique, mais porteuse d’universalité. Pour tous les hommes, engoncés dans leurs appartenances identitaires, c’est une libération. S’ils écoutent la Parole, ils savent qu’ils ne sont plus captifs des puissances qui hantent leur environnement et auxquelles il faut rendre un culte incessant, et offrir des sacrifices sanglants pour obtenir leurs faveurs. Question de survie. Alors que le Deutéronome nous dit que « l’homme vit de tout ce qui sort de la bouche de Yahvé » (Deut. 8, 3).
On dit souvent que le monothéisme est facteur de division. Ce n’est vrai que lorsque les peuples confisquent Dieu pour lui faire cautionner leurs entreprises de division. On dit aussi que le polythéisme est facteur d’ouverture : mais ce n’est vrai que si le Dieu unique n’est plus qu’un dieu parmi les autres, donc s’il n’est plus Dieu. Tout au long de leur histoire, les juifs ont payé un prix exorbitant pour le savoir : sitôt que l’élection des uns est comprise comme l’exclusion des autres, il faut exclure les élus. Ce qui engendre inévitablement la fermeture à Dieu, à sa Parole, et à son remplacement par des idoles de substitution. Israël est bien un témoin, mais trop souvent un témoin gênant.
Jusque là, il ne saurait y avoir aucune divergence entre le judaïsme et le christianisme. Le clivage, nul ne l’ignore, s’inaugure avec le statut accordé à Jésus, en qui la foi chrétienne reconnaît Dieu fait homme. Le Logos absolu ne se fait plus seulement Parole, il se fait chair. Et pour se faire chair, il se fait juif, confirmant par là-même l’authenticité d’Israël et de son Dieu, qu’il désigne comme son propre Père. Il confirme également qu’il n’y a qu’une seule façon de concevoir un enracinement humain : passer par l’engendrement, la naissance, l’enfance, la formation au sein d’un peuple précis, parlant une certaine langue, nourri d’une culture bien spécifique. Autrement, le Christ n’aurait rien été de plus que l’une de ces divinités païennes empruntant une apparence humaine pour faire un petit aller-retour chez les hommes. Il ne serait pas réellement mort sur la croix et il ne serait pas ressuscité. Il ne serait pas pour ses disciples un modèle vivant à imiter. Il ne serait pas le prototype ou l’archétype de l’homme parfait, c’est-à-dire divin : Ecce homo.
Dans le christianisme, la dialectique de l’enracinement et de l’ouverture est ainsi portée à son point d’incandescence absolue. Comment l’incarnation de Dieu dans un coin perdu de Palestine, au sein du peuple le plus petit parmi les puissants de la Terre, a-t-elle pu convertir une immense partie du monde à un renouvellement complet de ses enracinements habituels, et même à leur subversion ? Par la puissance bouleversante du message, bien sûr. Mais aussi parce que les conditions de son accueil étaient remplies : les temps étaient venus, disent les Ecritures. Les peuples qui constituaient le monde romain, fatigués de la religio romaine, étaient en pénurie spirituelle, en attente de renouveau. Les Athéniens eux-mêmes avaient dressé un autel au dieu inconnu. Ce qu’il y avait de bon dans leur civilisation pouvait être repris, après épuration et filtration, comme des « semences du Verbe ». On retrouve ici l’importance du terrain, que confirme la célèbre parabole du semeur : selon que la bonne graine tombe sur le roc, le chemin ou une terre fertile, elle fructifiera ou pas. La bonne graine, c’est encore la parole. Et entre les capacités d’accueil de l’homme et la Parole divine il y a un lien. Comme l’a écrit Adrienne von Speyr, « le don du langage à l’homme manifeste que Dieu met en lui un "reflet de l’être-parole" de son Fils » [27].
Evoquer ainsi le Fils, c’est nous renvoyer à la Trinité, où Dieu apparaît comme relation absolue à lui-même grâce à sa propre altérité qui est lui-même. Pour nous, c’est l’ancrage dans la personne même du Christ qui est la source d’un renouvellement de tous nos enracinements antérieurs. On ne naît pas chrétien, on le devient par le baptême. On reçoit alors un nouveau nom, attestation de notre seconde naissance. Nous restons les enfants de nos parents, mais nous devenons enfants adoptifs de Dieu, et un type supérieur de fraternité apparaît, qui relativise les fratries humaines. Une nouvelle communauté en naît, qui est l’Eglise, temple vivant fait de frères et non plus de pierres. À ce niveau, on peut répéter avec Paul qu’ « il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ » (Galates, 3, 28).
Tel est le discours du salut proposé à tous, y compris aux païens. Il ne nous retire pas du monde, de ses pesanteurs et de ses sujétions. La chance historique du christianisme, qui a donné au monde occidental son potentiel d’universalité, est d’avoir unifié en son sein ses trois sources : la juive, avec la révélation du Dieu unique, la grecque, avec la rationalité, la romaine, avec le droit. Autant de possibilités d’ouverture et de ressourcement, autant de richesses spirituelles, intellectuelles et morales, autant d’occasions aussi de perversions, subversions et divisions. Toute notre histoire est là pour en démontrer les ravages. Les phases d’hostilité envers les juifs sont une aberration, et pourtant elles ont existé — disputes d’héritiers et non refus d’héritage, ce qu’est l’antisémitisme moderne, disait le Cardinal Lustiger [28].
Il est sans doute infiniment plus facile de vivre comme des Papous à l’âge de pierre que d’être chrétien. On ne leur demande pas d’aimer leurs ennemis qui, eux, ne les aiment pas. Comment alors s’ouvrir aux autres sans qu’ils nous claquent la porte au nez ? Nietzsche, qui pensait qu’il n’y avait jamais eu qu’un seul chrétien au monde, mais qu’il avait été crucifié, nous souffle la réponse : « Il faudrait qu’ils me chantent de meilleurs chants pour que j’apprenne à croire en leur Sauveur ; il faudrait que ses disciples aient un air plus sauvé » [29].
[1] Joseph Ratzinger et Paolo Flores d’Arcais, Est-ce que Dieu existe, Dialogue sur la vérité, la foi et l’athéisme, Payot, p. 129.
[2] Hans Küng critique chez Karl Barth la prétention que « le christianisme n’aurait rien d’une religion parce que l’Évangile signe la fin de toute religion » (Une théologie pour le 3° millénaire, Seuil, 1987, p. 323). De tels propos visant à exonérer sa propre religion de toute catégorisation se retrouvent aussi bien en milieu juif et musulman.
[3] Encyclique de Grégoire XVI, 1832, Mirari Vos arbitrarum, Denzinger § 2730. Cf. analyse de Bernard Sesboüé, Hors de l’Église, pas de salut, Desclée de Brouwer, p. 158.
[4] § 4196, Denzinger, p. 900. Pour autant elle ne renonce pas à son devoir « d’annoncer que le Christ est la voie, la vérité, etc. »
[5] § 4140, Denzinger, p. 873.
[6] Encyclique Quanto conficiamur moerore (1863), Denzinger, § 2866. Cf. Sesboüé, op. cit., p. 161.
[7] § 4322, Denzinger, p. 921.
[8] Ce que certains spécialistes associent à la typologie de la « christologie inclusiviste (constitutive) ». Cf. la présentation et analyse de Geneviève Comeau, Grâce à l’autre, Paris, éd. de l’Atelier, 2004, p. 57.
[9] Commission pontificale, Le peuple juif et ses saintes écritures dans la Bible chrétienne, Paris, Cerf, 2001, pp. 196-197.
[10] Catéchisme de l’Église catholique, Mame/Plon, 1992, § 2542, p. 512.
[11] Bernard Sesboüé, op. cit., pp. 297-300.
[12] Sur toute cette question, voir mon article : « Hors de la synagogue, point de salut ? », dans Guerre et paix dans le judaïsme, Pardès n° 36, Paris, In Press, 1994, pp. 175-193.
[13] Unitatis Redintegratio, 1964, § 4192, Denzinger, p. 899.
[14] Michna, Avot (Maximes des Pères) 5:17[21].
[15] T.B. Erouvin 13b.
[16] Cf. Hans Küng, op. cit., pp. 343-350 ; Jérôme Rousse-Lacordaire, Ésotérisme et christianisme, Cerf, 2007, pp. 246-251.
[17] Ch. VII, § 4168, Denzinger, p. 890.
[18] Les peuplades issues de Noé avaient chacune leur idiome (lachon) bien avant le châtiment de la génération de Babel (cf. Gn 10,5). Au demeurant, l’humanité pouvait parler en une seule langue (safa ahat), jusqu’à ce que cette langue fut confondue (Gn 11,1 et 11,6-7).
[19] Théophanie au prophète Elie : « Et après le tremblement de terre, du feu : l’Éternel n’était pas dans le feu. Et après le feu, un filet de voix subtil » (I Rois 19,12).
[20] Cf. « Et ils furent tous remplis de l’Esprit Saint, et commencèrent à parler d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’énoncer. Or il y avait des Juifs séjournant à Jérusalem, hommes pieux, de toute nation d’entre ceux qui sont sous le ciel. Et le bruit de ceci s’étant répandu, la multitude s’assembla, et fut confondue de ce que chacun les entendait parler dans son propre langage » (Actes des Apôtres 2,4-6). Cf. I Co 1,13. Selon un enseignement talmudique, on retrouve la même propriété dans la révélation de la Tora : R. Yohanan enseigne : Que signifie : « L’Éternel a fait entendre Sa parole, des messages en grand nombre » (Ps 68,12) ? Que chaque parole sortie de la bouche du Tout-puissant se subdivisait en soixante-dix langues (langues des Nations). On enseigne à l’école de Rabbi Yichmaël : “Est-ce que Ma parole ne ressemble pas au feu, dit l’Éternel, et au marteau qui fait voler la roche en éclats” (Jérémie 23,29), de même, chaque parole sortie de la bouche du Tout-puissant se subdivisait en soixante-dix langues. [autre version : "de même, un seul texte biblique donne naissance à des interprétations multiples" (Sanhédrin 34a)] (Chabbat 88b).
[21] Cf. un verset des Psaumes évoque la captation de ce métalangage dans l’expérience de la révélation : « J’ai entendu une langue que Je ne connaissais pas » (Psaumes 81,6).
[22] Cf. « Et Jacob se leva de bon matin, et prit la pierre dont il avait fait son chevet [au verset 11, avant révélation, il était question des pierres, au pluriel, ayant fait son chevet], et la dressa en stèle… » (Genèse 28,18) ; « La pierre que les bâtisseurs avaient rejetée, est devenue la pierre angulaire » (Psaumes 118,22).
[23] Cf. « Je les acheminerai à Ma montagne sainte et les réjouirai dans Ma maison de prière, …car Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations » (Isaïe 56,7).
[24] De la langue confondue (safa beloula, cf. Gn 11,9), il faut arriver à extraire la langue pure (safa beroura, cf. So 3,9).
[25] Cf. La Croix du 15 décembre 2009.
[26] Descartes, Méditations, III, éd. G. Rodis-Lewis, Paris, Vrin, 1965, p. 50-51.
[27] Cité par Urs von Balthasar, La dramatique divine, t. IV, Paris, Lethielleux, 1988, p. 64.
[28] Jean-Marie Lustiger, le choix de Dieu, entretiens avec Jean-Louis Missika et Dominique Wolton, Paris, de Fallois, 1987, p. 79.
[29] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, II, O.C., Paris, Laffont « Bouquins », 2001, vol. 2, p. 353.