Discours de clôture du cardinal André Vingt-Trois lors de l’assemblée plénière de mars 2012
Hémicycle Sainte-Bernadette (Sanctuaires Notre-Dame de Lourdes) – Jeudi 29 mars 2012
Nous devons d’abord rendre grâce pour ce temps que nous avons passé ensemble. Le rassemblement national ouvrant les commémorations du cinquantenaire du commencement du Concile Vatican II a été un temps très fort pour tous les participants. En notre nom à tous, je remercie les personnes qui ont permis sa réalisation. Nous espérons que ces deux jours soutiendront et alimenteront les cérémonies locales et les travaux sur le Concile, non seulement à l’échelle de nos diocèses, mais aussi à l’échelon plus local des paroisses et des mouvements. Les célébrations vécues ensemble ont bien fait apparaître comment l’année de la foi lancée par le Pape est une piste d’avenir pour recueillir les fruits encore à venir du Concile.
Nous avons commencé à échanger sur le thème du synode : la nouvelle évangélisation. Dans notre pays aujourd’hui, le dynamisme de l’évangélisation est indissociable de la rencontre des autres religions qui s’imposent dans le champ social de beaucoup de nos communautés. La méfiance commune que nous partageons à l’égard de toute forme de prosélytisme ne doit pas constituer un empêchement au témoignage de la foi. Nous voyons différents groupes religieux déployer une stratégie de conquête ou de confrontation pour démontrer la force supérieure de leurs religions. Dans certains ensembles scolaires, ces stratégies vont parfois jusqu’à des violences qui expriment en même temps les difficultés de l’intégration sociale en prenant une forme de confrontation religieuse. La foi catholique ne se situe pas dans ce rapport de forces. Elle doit être proposée à la liberté personnelle de chacun. Sa capacité d’attraction ne repose ni sur la force ni sur les effets spectaculaires.
Ce que nous annonçons en témoignant du Messie crucifié et ressuscité, c’est la libération qu’il est venu apporter et offrir par rapport à la contrainte des consciences ou à leur séduction. C’est notre propre capacité à vivre de la liberté des enfants de Dieu et de la force qu’il nous donne qui témoignent de l’appel qu’il adresse à tout homme de bonne volonté. C’est pourquoi nous n’entrons pas dans le processus de la revendication communautariste ou de la concurrence confessionnelle. Ce témoignage de la liberté suppose une pédagogie de la foi qui assume les conditions et les contraintes de l’existence humaine avec la confiance que nous avons dans la fidélité de Dieu. Paraphrasant saint Paul aux Corinthiens, nous pouvons dire que nous ne nous présentons pas avec les artifices de la sagesse humaine mais dans la folie de la croix.
Le long temps que nous avons consacré à travailler sur le projet des statuts de l’enseignement catholique nous a permis d’exprimer clairement notre approche de cette mission de l’Église. Cette mission s’enracine dans une longue histoire qui a été marquée par la présence et l’action de l’Église dans la promotion des cultures. Parce que la rencontre du Christ ouvrant à la connaissance de Dieu s’adresse aussi à l’intelligence humaine, nous savons que l’investissement dans le développement des potentialités culturelles des jeunes est un premier pas vers la possibilité d’accueillir la Parole de Dieu annoncée et transmise.
Dans un environnement où les critères d’évaluation des méthodes éducatives se réduisent trop souvent à la poursuite des diplômes et de leurs promesses de succès social, il nous paraît important de mettre en œuvre une éducation qui allie l’acquisition normale des compétences à une recherche constante pour favoriser le développement intégral de la personne. Nos établissements doivent devenir de plus en plus performants dans ce domaine et offrir à leurs élèves l’opportunité d’atteindre la plénitude de leurs possibilités, jusqu’à la libre rencontre du Christ pour ceux qui y sont ouverts.
C’est le même souci dont nous sommes les héritiers quand nous poursuivons l’œuvre des grands éducateurs chrétiens, dont les méthodes ont d’ailleurs souvent été reprises par les pédagogues laïcs. Nous n’oublions pas que la plupart des fondations scolaires dont nous héritons on été conçues pour ouvrir au moins les premiers degrés de l’instruction aux plus déshérités. C’est dans la fidélité à leur compréhension de l’évangile que nous souhaitons que l’enseignement catholique unisse la qualité et l’innovation pédagogiques à l’accueil des plus démunis de notre temps : enfants handicapés, enfants de familles éclatées, enfants en risque de marginalisation sociale, etc. C’est l’honneur de nos établissements d’être à la fois réputés pour la qualité de leur enseignement et leur capacité d’accueil et d’accompagnement éducatif.
Nous nous réjouissons de voir une jeune génération d’enseignants entrer dans ce métier souvent difficile avec le désir de servir cette mission de l’Église. Nous nous réjouissons aussi de voir, en bien des endroits, se développer une collaboration réelle entre les établissements scolaires et les communautés chrétiennes qui peuvent et doivent leur apporter un soutien constant. L’enseignement catholique n’est pas seulement l’affaire professionnelle d’une partie de l’Église. Il est un des éléments forts de la mission éducatrice de l’Église entière.
La poursuite de notre travail commun concernant Internet nous a fait mieux cerner les enjeux éducatifs et anthropologiques de la culture qui se développe aujourd’hui à travers ce support. Nous comprenons bien qu’il est vain et illusoire de courir après le développement technologique pour lui-même. C’est l’accompagnement qui est crucial ; apprendre à maintenir une distance positive entre le champ du virtuel et le champ du réel est une des conditions de la liberté personnelle. Comment habiter Internet autrement ? Ce n’est pas le mimétisme qui éduque mais la mise à l’épreuve de notre jugement et de nos choix de vie. Nous poursuivrons ce travail à la prochaine assemblée.
Notre bref échange sur les vocations sacerdotales a permis d’affirmer à nouveau notre conviction : il vaut la peine d’appeler au sacerdoce diocésain. Nous mesurons que cet appel doit être le fait de toutes les communautés chrétiennes. Il suppose des personnes convaincues qui se fassent les promoteurs de l’appel. Il suppose aussi que nous précisions plus clairement les contours, les objectifs, les grâces et les joies du ministère diocésain. Il suppose enfin que notre expression sur l’appel au célibat pour le Royaume soit nourri par les fruits magnifiques qu’il produit plus que par l’anxiété d’une défense a minima.
Au moment où nous allons rejoindre nos diocèses pour la célébration de la Semaine Sainte, nous sommes unis dans la joie de célébrer les sacrements de l’initiation pour tant de nouveaux chrétiens et la Messe Chrismale dans chacun de nos diocèses. Que ce soit un temps de plus forte communion avec nos prêtres et de plus grande espérance pour toutes nos Églises particulières.
Je vous remercie.
+André cardinal Vingt-Trois,
Archevêque de Paris,
Président de la Conférence des évêques de France