Mgr André Vingt-Trois : “Téléthon : nos interrogations ne sont pas de circonstance. Nous posons des questions qui concernent l’avenir de l’humanité.”
Le Monde - 1er décembre 2006
Alors que de nombreuses questions ont surgi au sujet du Téléthon, Mgr André Vingt-Trois fait le point dans une interview accordée le 1er décembre 2006 au journal Le Monde.
Je sais le soutien et l’espoir que de très nombreuses familles ont trouvés grâce à l’immense générosité mobilisée par le Téléthon. Il a été un puissant élément de dynamisation et a permis de faire sortir de l’anonymat les enfants myopathes et les victimes de maladies orphelines. C’est précisément pourquoi j’estime qu’en raison de l’ampleur de ce phénomène et du poids moral qu’il a acquis dans la société française, on est en droit de poser des questions de fond sur les recherches qui reçoivent un financement.
Or, aujourd’hui, le Téléthon présente comme des “enfants guéris” des enfants issus d’embryons sélectionnés par le diagnostic pré-implantatoire, à la place d’autres enfants qui ne sont pas nés. Guérir n’est pas, loin s’en faut, le synonyme d’empêcher de naître. Et faire quelque chose de bien n’exonère en rien du mal que l’on peut faire par ailleurs.
Nos interrogations ne sont pas de circonstance. Nous posons des questions qui concernent l’avenir de l’humanité. Si nous entrons, comme le redoute le professeur Sicard lui-même, dans un système de généralisation de l’instrumentalisation médicale, ne dira-t-on pas dans un demi-siècle : “Pourquoi l’Eglise s’est-elle tue ?”.
Notre message va au delà du caractère légal ou illégal des recherches sur l’embryon. On peut ne pas être en accord avec certaines des dispositions de la loi que nous tenons pour moralement injustes. En toute hypothèse, le cadre légal et éthique français sera ici bientôt dépassé par des directives européennes, échelon où les lobbies financiers savent peser de tout leur poids. La science en effet, souvent servie par des gens convaincus et très purs, n’avance pas que pour son propre compte mais aussi pour le compte d’acteurs économiques très puissants. C’est ainsi que la quête de brevets devient un argument de recherche. Prenons le débat sur les cellules souches. Alors même que, contrairement aux cellules souches embryonnaires, les cellules souches adultes ont déjà fait la preuve de leur efficacité thérapeutique chez les hommes, on ne parle et on ne finance massivement que des recherches sur les premières, moyennant une promesse thérapeutique. Se pose ici une question plus profonde : pourquoi une telle fascination pour la recherche sur l’embryon humain ? Quelles sont les raisons de cette fascination ?
+André Vingt-Trois, Archevêque de Paris
– Sur le même thème, voir le dossier “Bioéthique : l’embryon et la recherche”.