Quid de la proposition de loi sur la recherche sur l’embryon ?

Paris Notre-Dame - 5 avril 2013

Paris Notre-Dame du 5 avril 2013

P. N.-D. – La proposition de loi sur la recherche sur l’embryon a commencé à être débattue dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, le 28 mars. Que changerait cette loi par rapport à ce qui avait été statué jusqu’ici, théoriquement et concrètement ?

P. Brice de Malherbe, codirecteur du département d’éthique biomédicale au Collège des Bernardins.
© Agnès de Rivière

P. Brice de Malherbe – La loi « bioéthique » de 1994 interdisait toute recherche portant atteinte à l’intégrité de l’embryon humain. La loi en vigueur actuellement, votée en 2011, a suivi la révision de 2004 : l’interdiction est maintenue, mais des dérogations sont possibles. La proposition de loi des radicaux de gauche, soutenue par le gouvernement, a pour but de lever l’interdiction au profit d’un régime d’autorisation sous conditions. Serait également supprimé le devoir de favoriser des recherches alternatives conformes à l’éthique. Dans la pratique, cela pourrait augmenter le nombre d’équipes de recherche utilisant des cellules souches issues d’embryons humains détruits.

P. N.-D. – Pourquoi le gouvernement a-til choisi cette voie, faisant fi de toute consultation et remettant ainsi en cause le principe de la loi de bioéthique de 2011 ?

P. B. de M. – Il faudrait poser la question au gouvernement. Il est clair que les équipes travaillant actuellement sur les embryons et les cellules souches embryonnaires, ainsi que les investisseurs qui les soutiennent, ont intérêt à lever totalement l’interdiction.

P.N.-D. – En quoi cette décision manque-t-elle de pertinence d’après vous, tant au niveau éthique que scientifique ?

P. B. de M. – Il existe déjà des applications thérapeutiques utilisant des cellules souches adultes. Des résultats encourageants existent du côté des cellules souches périnatales et, surtout, des cellules souches reprogrammées des Nobels Gurdon et Yamanaka. En revanche, l’utilisation de cellules souches embryonnaires pose des problèmes de rejet immunitaire et de formation de tumeurs cancéreuses. L’utilité thérapeutique de ce type de cellules est aujourd’hui considérée proche de zéro. Même pour des recherches plus fondamentales, les cellules reprogrammées sont aujourd’hui considérées plus intéressantes. Mais le problème est surtout éthique : dès la fécondation, l’embryon humain est un être humain dans les tout premiers stades de son développement. Respecter l’intégrité de cet être humain le plus vulnérable qui soit est une exigence d’humanité.

P. N.-D. – Que peuvent faire les chrétiens dans ce domaine ?

P. B. de M. – Nous pouvons réagir, par exemple, en écrivant à nos parlementaires et en rejoignant la campagne « Un de nous » [1] qui vise l’arrêt du financement de la recherche dans l’Union européenne. Pour être cohérents, comme nous y a invités notre archevêque lors de la messe chrismale, les chrétiens sont surtout appelés à témoigner concrètement de la dignité de tout être humain, dans le refus de l’avortement bien sûr, mais aussi le renoncement à entrer dans la logique des techniques de fécondation artificielle à l’origine des 170 000 embryons congelés stockés en France aujourd’hui, et enfin, dans une attention à toute forme de pauvreté, quel que soit l’âge de la vie. La diaconie de l’amour n’est pas sélective. • Propos recueillis par Ariane Rollier

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L’embryon et la recherche

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