Abus sexuels : l’Église poursuit la réparation

Paris Notre-Dame du 9 juin 2022

Le 1er juin, lors d’un point d’étape de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), sa présidente, la juriste Marie Derain de Vaucresson, a détaillé devant la presse les principes d’évaluation de la réparation financière pour les victimes d’abus et de violences sexuelles dans l’Église. Elle nous explique le sens du travail de l’Inirr.

Paris Notre-Dame – Depuis la création de l’Inirr en novembre 2021 sur résolution des évêques, au moins 758 personnes se sont manifestées.

Marie Derain de Vaucresson – Au 31 mai, nous avions dénombré 736 personnes ayant saisi l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr) depuis janvier 2022. Au lendemain de notre point presse du 1er juin, 22 personnes supplémentaires se sont manifestées et nous pensons être saisis par 1500 personnes au total d’ici fin 2022. Parmi ces 758 victimes d’abus au sein de l’Église dans leur minorité [la majorité a aujourd’hui entre 55 et 70 ans, avec 69 % d’hommes, NDLR], 123 sont en cours d’accompagnement par un référent à l’Inirr afin de construire un parcours propre à chaque situation. Les dix premières décisions concernant des demandes de réparations financières seront rendues dès ce mois de juin. Les trois axes d’évaluation de cette réparation sont : les faits commis, mais aussi les manquements éventuels de l’Église face à la situation singulière, et les conséquences effectives dans la vie de la personne.

P. N.-D. – Toutes les victimes ne demandent pas une réparation financière. Que propose l’Inirr ?

M. D. V. – Quand elles viennent à nous pour une démarche de reconnaissance et de réparation, toutes les personnes n’ont pas forcément de demande précise. Notre accueil commence en tout cas par recevoir leur parole ainsi : « Ce que vous nous dites, nous le croyons » [une confirmation de la vraisemblance est également sollicitée auprès de l’institution catholique où se sont déroulés les faits, NDLR]. D’autant plus que pendant longtemps, en particulier concernant les victimes aujourd’hui les plus âgées, c’est exactement ce qu’il ne s’est pas passé... Aujourd’hui, plus de la moitié des personnes formulent une demande de réparation financière. Pour d’autres, la reconnaissance et la réparation peuvent être d’une autre nature : obtenir des éléments de clarification vis-à-vis de la situation ou du prêtre abuseur, sur ce que le diocèse a fait pour l’empêcher de nuire... Dans le champ de la réparation, cela peut être aussi la participation à un groupe de parole ou l’écriture d’un récit.

P. N.-D. – La dimension financière, jusque dans le vocabulaire choisi, reste un sujet de débat, parfois d’angoisse ou de colère. Quel sens lui donner ?

M. D. V. – On ne réparera jamais par la somme financière ce que les personnes ont subi. Cette somme [un plafond de 60 000 euros par situation a été instauré, NDLR] reste néanmoins un marqueur fort au cœur de la démarche de vérité et de pardon formulée par les évêques, en reconnaissant de manière collective et institutionnelle que l’Église avait failli, ce qui est le point de départ de la démarche de l’Inirr. Tout l’enjeu est de construire un parcours avec chaque victime venant à nous qui passe par d’autres étapes, avant la réparation en tant que telle, dont celle de la reconnaissance (mettant en jeu d’autres acteurs comme les évêques ou les diocèses). L’originalité de la proposition de l’Inirr est de viser cette reconnaissance et cette réparation individuelles avant tout, et, à un deuxième niveau, de considérer que, par cette démarche-là, l’Église apprend de ses failles et qu’elle se transforme. Le troisième niveau est celui de la réparation du lien de confiance de la société vis-à-vis de l’Église, abîmé ou rompu pour un certain nombre de personnes.

Propos recueillis par Laurence Faure @LauFaur

 Voir la page Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation.

Protection des plus fragiles

Conférence des Évêques de France