« L’Église franchit un cap significatif »
Paris Notre-Dame du 14 novembre 2019
Les évêques de France, réunis en Assemblée plénière du 5 au 10 novembre à Lourdes (Hautes-Pyrénées), ont adopté un dispositif de « reconnaissance des causes » de la souffrance des victimes d’abus sexuels.
Mgr Pascal Delannoy, évêque de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et responsable, pour la Conférence des évêques de France, du groupe de travail [1] en charge d’un geste financier proposé aux victimes, nous en explique le sens.
Paris Notre-Dame – Au sein du dispositif voté par les évêques : une somme d’argent unique et forfaitaire versée aux victimes d’abus sexuels commis par des clercs ou des religieux. Pouvez- vous en rappeler le sens ?
Mgr Pascal Delannoy – Tout d’abord, je voudrais préciser ce que cette somme d’argent n’est pas : il ne s’agit pas d’une indemnité, au sens de celles qui peuvent être fixées par des tribunaux civils, pénaux ou canoniques, et qui veulent compenser ou réparer un préjudice subi. Nous sommes conscients qu’aucun dispositif ne pourra véritablement réparer un tel drame. Notre objectif, par cette somme d’argent unique et forfaitaire, versée aux victimes d’abus sexuels mineures au moment des faits, est de reconnaître également la souffrance causée par l’indifférence, le silence, l’absence de réaction, des mauvaises décisions ou encore des dysfonctionnements au sein de l’Église. Il s’agit d’un signe manifesté par l’Église pour reconnaître, de manière concrète, la réalité de ce que les personnes ont subi. Nous savons que toutes ne souhaitent pas ce geste, mais nous avons pu constater aussi qu’il s’agissait, pour un certain nombre d’entre elles, dont plusieurs sont associées à notre groupe de travail, d’un pas important et attendu.
P. N.-D. – Quelles sont vos prochaines échéances ?
P. D. – Une fois la question du sens de ce geste financier déterminée, notre groupe de travail va fixer, d’ici notre assemblée plénière de printemps, le montant de la somme forfaitaire et unique, et organiser la constitution d’un fonds national de dotation, indépendant des associations diocésaines, et indépendant du denier de l’Église, dont les modalités pratiques restent à déterminer. Le fonds de dotation pourra notamment recevoir des contributions volontaires d’évêques, de prêtres, de laïcs. Les auteurs des actes seront, en outre, sollicités.
P. N.-D. – Ce geste financier fait partie d’un dispositif plus large de lutte contre les abus. Quel en est l’enjeu ?
P. D. – Ce geste est intégré à un dispositif entier de reconnaissance de la souffrance des victimes, qui inclut trois autres chantiers lancés lors de notre assemblée plénière de novembre 2018 : le travail mémoriel, la prévention et l’accompagnement des clercs coupables. Au-delà du travail de ces groupes, l’Assemblée plénière a décidé de la constitution d’un fonds dédié de 5 millions d’euros pour financer les actions de lutte contre les abus sexuels, notamment la prévention, et surtout les travaux, déterminants, de la Ciase [2], qui a déjà recueilli 2 800 témoignages. L’enjeu premier de ce travail important, entrepris depuis plusieurs années, est d’aider des victimes à se reconstruire en permettant qu’un travail de vérité se fasse au sein de l’Église. Nous souhaitons, quand cela est possible, restaurer un lien qui a été abîmé, parfois totalement détruit. Processus qui passe par ce travail de vérité, de mémoire et de reconnaissance. En ce sens, comme l’a indiqué Mgr Éric de Moulins- Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, les décisions prises lors de cette assemblée permettent à l’Église de France de franchir un cap significatif. Notre volonté pour l’avenir reste ferme : lutter contre tous les mécanismes qui pourraient engendrer toute forme d’abus, sexuel, mais aussi de pouvoir et de conscience.
Propos recueillis par Laurence Faure@LauFaur
[1] La Conférence des religieux et religieuses de France est intégrée à ce groupe de travail.
[2] Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église.
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