Bioéthique : « La raison sans amour s’emballe »
Paris Notre-Dame du 19 mars 2009
P. N.-D. : Pourquoi cet intérêt particulier de l’Eglise pour les questions de bioéthique ?
Mgr Pierre d’Ornellas – Le terme « bioéthique » suggère l’importance : il s’agit de l’éthique mise en jeu par les techniques biomédicales, qui touchent directement la vie et non simplement une maladie. L’Église est attentive au discernement éthique sur l’usage de ces techniques. Comment celles-ci peuvent-elles concourir au respect de l’être humain ? Voilà la question. Beaucoup se la posent aujourd’hui. L’Église apporte sa réflexion en affirmant la dignité « indélébile » de l’être humain dès sa conception, ainsi que la dignité particulière de la relation conjugale entre l’homme et la femme.
Le groupe de travail que vous avez constitué invite au dialogue. Il y a pourtant des points non négociables…
Le dialogue est fondamental. En effet, beaucoup de personnes sont concernées. Ce n’est plus l’affaire des seuls spécialistes. Des enjeux de société sont importants. Le vrai dialogue fait avancer la réflexion de tous pour le bien de tous et non pour celui de quelques-uns seulement. Par le dialogue, nous pouvons tous arriver à reconnaître que le respect de la dignité de l’être humain dès le commencement de la vie est non négociable. Certains la négocient ! Ils introduisent un eugénisme silencieux. Des voix autorisées s’élèvent contre cette mentalité eugénique qui fait trouver finalement normal que untel n’ait pas le droit de vivre et qu’un autre en a le droit. La vulnérabilité n’est jamais une indignité !
Pour établir sa position, l’Eglise part de critères de discernement. Quels sont-ils ?
Tout d’abord, l’Église écoute la science. Elle encourage la recherche en estimant que son moteur n’est pas simplement la volonté de savoir, mais aussi l’amour de la créature. La raison sans amour s’emballe. L’amour est le sage guide de la raison. Ensuite, le critère fondamental est simple : l’homme trouve son bonheur en accomplissant lui-même le vrai bien. Quel est-il ? L’Église le discerne en s’éclairant de la foi et de la raison. Elle s’appuie sur la dignité de l’être humain indissociablement corps et esprit, toujours fils ou fille d’un père et d’une mère.
Les Etats généraux mobilisent les citoyens. Comment mobiliser les parlementaires qui eux voteront ?
J’espère que les citoyens vont se former et réfléchir pour dire ce qu’ils pensent à leurs élus. Par exemple, l’Académie de médecine a voté non pour les mères porteuses. Je suppose que les parlementaires vont écouter ce non. Ceux-ci sont appelés à un grand travail de réflexion car ils doivent faire avancer la cohérence du droit. On ne peut légaliser à la fois le respect de l’enfant et la dissociation de la filiation dans ses dimensions affective, sociale et génétique. Sans cette cohérence, notre droit ne donnera plus confiance et ce sera grave.
Quels sont les sujets sur lesquels vous serez particulièrement attentif ?
La filiation est certainement un sujet majeur. Nous ne pouvons pas construire durablement une société où le socle de la croissance humaine soit volontairement fragilisé. A-t-on suffisamment évalué les conséquences de la perte de cohérence affective dans la croissance d’un jeune ? Pourquoi ajouter délibérément une autre fracture dans cette cohérence ? La distinction entre le diagnostic et le dépistage est aussi un point important. Pourquoi faut-il que le diagnostic soit automatiquement un dépistage ? Le droit du patient et sa liberté doivent être davantage protégés, en particulier en raison de sa vulnérabilité.
Quels conseils donneriez-vous à un catholique pour se mobiliser ?
Tout d’abord, se former. Il est important de savoir de quoi on parle. Ensuite, il peut intervenir au titre de sa compétence professionnelle ou de son expérience, et exprimer sa pensée en expliquant pourquoi. Les Etats généraux sont conçus de telle sorte que tout le monde puisse donner son avis en évitant le lobbying.