Célibat : malgré le manque, la fécondité

Paris Notre-Dame du 18 février 2016

Si le célibat non consacré ne répond pas, dans l’Église, à un appel à une vocation particulière, les personnes qui en font l’expérience sont, aussi, source de fécondité. Et peuvent même être le signe, pour les autres, de cette soif d’amour inhérente à la condition humaine, qui est un chemin vers Dieu.

À la question « Quelle est la place des célibataires non consacrés dans les paroisses ? », la réponse de Mgr Luc Ravel, évêque aux Armées qui a beaucoup travaillé sur la question du célibat en créant notamment les groupes Notre-Dame de l’Écoute, peut paraître directe : « Dans notre pastorale paroissiale, on ne sait pas quoi faire des célibataires : ils ne se préparent pas au mariage, n’ont pas d’enfants au catéchisme... » Un malaise qui peut s’expliquer par les contours flous Témoignage Si le célibat non consacré ne répond pas, dans l’Église, à un appel à une vocation particulière, les personnes qui en font l’expérience sont, aussi, source de fécondité. Et peuvent même être le signe, pour les autres, de cette soif d’amour inhérente à la condition humaine, qui est un chemin vers Dieu. Célibat : malgré le manque, la de leur condition de vie. Ainsi, par définition, est célibataire quelqu’un qui n’est ni marié, ni consacré ; quelqu’un, pour Mgr Ravel, qui « fait l’expérience de se ressentir célibataire » ; quelqu’un à qui il manque quelque chose : répondre à l’appel naturel de l’homme au mariage. Car c’est bien inscrit dans la Bible : « l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un » (Genèse 2, 24). Mais alors, l’existence de ces célibataires – qui constituent tout de même la moitié de la population parisienne – est- elle vaine ? Sont-ils responsables de leur état de vie « en ne faisant pas ce qu’il faut, en n’ayant pas le courage de s’engager, en ne surmontant pas leur égoïsme ou en n’écoutant pas l’appel de Dieu » comme il est par- fois possible de l’entendre ?

La souffrance, dans l’attente

Non. La plupart des célibataires, comme le rappelle Mgr Ravel, qui met de côté les étudiants ou professionnels mobilisés par leurs études ou le lancement d’une carrière ainsi que les célibataires consacrés à une cause ou à Dieu, n’ont pas choisi leur condition de vie. Et sont « dans l’attente d’une vocation particulière ou de fonder un foyer ou une famille chrétienne si le temps le permet et si Dieu le veut ». Il précise : « L’Église n’a jamais donné d’âge maximum pour se consacrer ni pour se marier. Elle a même la sagesse de prévoir, dans sa liturgie, le même rituel pour tout le monde, en ayant la délicatesse de mettre entre parenthèses, dans certains cas, la bénédiction des enfants à venir. » Si cette attente a des désavantages certains et provoque une réelle souffrance pour celui ou celle qui la vit, « la faim a été voulue par Dieu, comme le désir. Et le désir, c’est la vie, c’est la dynamique de la vie ! Et qu’est-ce que la fécondité si ce n’est cette participation au mouvement de la vie ? », interroge Mgr Ravel en pensant à de nombreux célibataires qui, par leur disponibilité, leur présence et leur écoute, agissent au sein de leur entourage.

Répondre à l’appel de son baptême

Car ce n’est pas parce qu’une personne ne s’accomplit pas dans une vocation particulière qu’elle vivote pour autant. C’est ce dont témoigne cette jeune professionnelle trentenaire qui « ne veut pas attendre d’être mariée pour développer ses talents ». Même si elle se sait appelée au mariage, elle tente de répondre, chaque jour, malgré la pesanteur de la solitude, à l’appel de son baptême, « cet appel à servir et à rayonner de tout ce qu’elle reçoit par la prière ». Et le fait, entre autres, au sein du monde poli- tique où elle s’investit, ou auprès des pauvres lors des maraudes aux- quelles elle participe. Guidé par cette volonté de poursuivre son chemin de vie, Éric, paroissien de 47 ans de Ste-Marie des Batignolles (17e), a monté, lui, sa propre entreprise ; et, il y a quatre ans, n’a pas hésité à lancer, avec quelques amis et les encouragements de son curé, un groupe de prière et de partage à destination des célibataires au sein de sa paroisse : « Adveniat ». Celui-ci propose à la vingtaine de ses participants de se réunir une fois par mois environ pour prier et partager autour d’un thème tiré de l’Évangile et préparé à l’avance. Nul doute que dans ce groupe, comme au sein de ces groupes d’échanges ou de réunions amicales de célibataires chrétiens, décrits par Dominique de Monléon Cabaret dans Dieu ne m’a pas oublié, perspectives pour les célibataires, « flotte plus rapidement qu’ailleurs, un je ne sais quoi de légèreté, de joie diffuse, de naturel ». Pourquoi ? Parce que les célibataires, « en raison de la pauvreté de leur état de vie, sont dégagés des pesanteurs du paraître » (ibid.). La constatation est partagée par Véronique, maman de presque quarante ans, qui remarque l’impact que l’une de ses très bonnes amies peut avoir autour d’elle. « Le fait qu’elle ait cette faille apparente invite directement à se comporter en vérité, confie-t-elle. À laisser de côté les éventuels jeux de faux-semblants qu’il peut y avoir dans la société. » Elle poursuit : « Cette femme qui a tout pour elle : un bon boulot, une vraie beauté, un dynamisme, une vie de prière, interpelle spontané- ment. Et est pour nous un réel mystère. Cela la dépasse sûrement, mais par sa vie, elle témoigne du mystère de la souffrance vécue dans la joie. »
« La solitude que vivent ces personnes célibataires est, en fait, la solitude fondamentale de l’homme, la pointe émergée de la situation de solitude qui se rencontre dans tous les états de vie », ajoute Mgr Ravel. Celui-ci soutient l’idée, dans une démarche anthropologique, que « les personnes célibataires peuvent être le signe, pour les autres, de cette solitude fonda- mentale ; le signe de cette soif d’amour inhérente à la condition humaine, de cette soif de vocation qui est un chemin vers Dieu ».
Isabelle Demangeat

CE QUE DIT L’ÉGLISE
« Il faut encore faire mémoire de certaines personnes qui sont, à cause des conditions concrètes dans lesquelles elles doivent vivre – et souvent sans l’avoir voulu – particulièrement proches du cœur de Jésus et qui méritent donc affection et sollicitude empressée de l’Église et notamment des pasteurs : le grand nombre de personnes célibataires. Beaucoup d’entre elles restent sans famille humaine, souvent à cause des conditions de pauvreté. Il y en a qui vivent leur situation dans l’es- prit des béatitudes, servant Dieu et le prochain de façon exemplaire. À elles toutes il faut ouvrir les portes des foyers, “Églises domestiques”, et de la grande famille qu’est l’Église. “Personne n’est sans famille en ce monde : l’Église est la mai- son et la famille de tous, en particulier de ceux qui ’peinent et ploient sous le fardeau’ (Mt 11, 28).” » • Catéchisme de l’Église catholique, §1658.

« Suivre le Christ peut combler le cœur d’une femme » Certains hommes et femmes choisissent librement de s’engager définitive- ment dans le célibat pour suivre le Christ. Témoignage de Laurence, 50 ans, vierge consacrée pour le diocèse de Paris. « J’avais toujours pensé fonder une famille et je souffrais d’être seule jusqu’au jour où, peu de temps après le lycée, une rencontre avec le Christ a tout fait basculer. J’ai réalisé que la vie consacrée pouvait être un chemin et j’ai commencé à m’ouvrir aux autres. Mais il m’a fallu du temps pour saisir que la forme de vie était moins importante que la manière de vivre le temps présent, en restant ouverte aux inattendus de Dieu. Un jour, j’ai découvert l’ordre liturgique des vierges consacrées et j’y ai trouvé ce que je portais en moi : l’attachement au Christ et à l’Église. J’y ai été reçu en 2008. Cette consécration n’a rien changé en apparence à ma vie – j’ai continué à travailler comme maître de conférences dans une faculté et à vivre seule dans un appartement –, mais elle a tout changé intérieure- ment. Ce jour-là, j’ai publique- ment renoncé au mariage et choisi de vivre dans la chasteté. La virginité, elle, ne se choisit pas, c’est un cadeau de Dieu, une grâce. La vierge consacrée “a le souci des affaires du Seigneur” et de l’Église, elle est un signe du monde à venir, de l’alliance nuptiale entre le Christ époux et l’Église épouse. Chaque jour, j’essaie de creuser mon intimité avec le Christ pour le laisser trans- paraître dans mes relations quotidiennes, notamment au sein de ma paroisse, N.-D. de La Salette (15e). Oui, suivre le Christ peut combler le cœur d’une femme et j’en fais l’expérience. » • Propos recueillis par Céline Marcon

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