Des travaux à Notre-Dame de Paris pour un nouveau chœur

Paris Notre-Dame du 20 mai 2004

Depuis quelques mois, une tente de chantier s’est installée dans Notre-Dame de Paris. À l’intérieur, des ouvriers s’activent au nouvel aménagement du chœur. Explications.

Le chœur d’aujourd’hui
Au centre, le grand podium du chœur coupe la cathédrale en quatre parties. Le transept encombré par les chaises gêne la circulation des 12 millions de visiteurs annuels. Le forme pyramidale du podium de l’autel n’offre pas assez de place pour les grandes concélébrations.
© D. R.
Le futur chœur
Le podium central est remplacé par une nouvelle construction plus large reculée vers l’Orient, pour libérer une partie du transept. Les espaces de contemplation des rosaces sont dégagés. Autour de l’autel, jusqu’à 150 concélébrants peuvent prendre place. Derrière, dans le chœur, les messes de semaine sont célébrées. Le Saint Sacrement est placé devant la Pietà.
© SNCF DAAB - AREP
Quels changements ?
Un nouveau plan est trouvé. Au cœur de la cathédrale se trouvent les lieux du culte et de la prière. Maintenant, le visiteur peut faire le tour de la cathédrale par le déambulatoire jusqu’aux Saintes Reliques de la Passion conservées dans la chapelle axiale du fond.
© SNCF DAAB - AREP

L’architecte Jean-Marie Duthilleul nous explique les travaux de Notre-Dame.

Pour un architecte, que veut dire travailler dans un monument ancien ?

JEAN-MARIE DUTHILLEUL – Il s’agit de mettre nos pieds dans les traces de l’histoire du bâtiment, comme à chaque fois que nous travaillons sur des bâtiments historiques ; ce fut le cas, par exemple, lors du réaménagement de la gare du Nord. À Notre-Dame, il fallait ré-exprimer la vocation spirituelle et cultuelle de la cathédrale, sans opposer d’un côté les touristes et de l’autre les fidèles. Ainsi, le projet gère la diversité des attentes dans un même bâtiment à travers la diversité des lieux reliés par une déambulation très simple. Notre-Dame redevient ainsi un livre de pierre, qui doit parler à tous.

Comment avez-vous travaillé ?

J.-M. D. - Lorsque nous avons commencé à travailler à la demande du cardinal Lustiger sur ce projet, nous avons d’abord beaucoup écouté : aussi bien les célébrants, diacres, servants d’autel, chanteurs, laïcs chargés de la sécurité, de la sono, de la régie, de l’accueil, que les représentants de l’État : conservateur et architecte en chef des Monument Historiques chargés du bâtiment. Puis, progressivement, nous avons mis au point une géométrie qui est devenue évidente pour tous. Un projet qui concerne tant de publics doit être objectif, se démontrer. Il doit répondre à chacun et être compréhensible par tous.

Votre réalisation du podium des JMJ en 1997 vous a-t-elle aidé ?

J.-M. D. - Pour les JMJ de 1997, le podium de 800 célébrants devait être comme une prolongation de la foule des jeunes, tout en organisant le déploiement liturgique et en offrant de superbes images à la télévision. Nous avons travaillé plusieurs mois sur ce sujet. Les mêmes problèmes se posent à Notre-Dame. Il s’agit de faire le lien entre l’espace et ce qu’il signifie. Ce qui n’est pas toujours perçu par tous. L’espace agit un peu comme un sacrement : il réalise ce qu’il signifie. Il s’agissait donc de mettre en place l’espace juste, pour que le sacrement lui-même puisse s’épanouir.

Qu’est ce qui vous touche dans l’architecture de Notre-Dame ?

J.-M. D. - Entrez dans Notre-Dame, vous aurez l’impression d’être en contact avec un autre monde. Au Moyen Âge, parmi les maisons basses, la cathédrale n’avait pas de rivale quant à ses proportions. Aujourd’hui, on construit d’immenses aéroports... mais curieusement, c’est Notre-Dame, qui, mieux que tout autre, continue à ouvrir sur l’immensité, sur l’infini. Il fallait donc tout faire pour qu’elle continue à jouer ce rôle dans le cœur de tous.

Les gens verront-ils la différence ?

J.-M. D. - Les visiteurs seront touchés et se sentiront bien sans savoir très bien pourquoi. C’est souvent comme cela en architecture, tout comme en peinture. L’art permet de parler à l’homme de ce qui le dépasse au delà du langage. Et de façon plus riche.

Recueilli par Claire Folsdleid

Dans l’histoire
Notre-Dame est édifiée tout en longueur. Par fidélité à l’esprit des bâtisseurs, les travaux de 2004 veulent retrouver cette perspective et replacer le chœur selon l’alignement des autels du peuple.
© Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

Le recteur

Le P. Patrick Jacquin, recteur de Notre-Dame.

« Où commencent le recueillement, la visite, la conversion, la participation au culte ? Il est difficile de faire la différence. À Notre-Dame, comment savoir qui vient, comment distinguer le touriste du visiteur ? Claudel, quand il est rentré une nuit de Noël, ne savait pas très bien pourquoi il entrait, et il s’est converti ! Ceux qui entrent ont déjà le sens du sacré. Le visiteur ressent une cathédrale tout entière vouée au culte. Il est même associé à cette vocation première du bâtiment. »

Chiffres

 Superficie du nouveau podium : 190 m².
 Nombre de dalles qui constitueront son revêtement : 241.
 Hauteur à laquelle se trouvera la base de l’autel : 1,20 m.
 Hauteur à laquelle “culminera” son sommet : 2,10 m.
 Volume du confinement dépressurisé isolant le chantier : 1 300 m².
 Nombre d’entreprises intervenant sur le chantier : 27.
 Nombre d’ouvriers travaillant sur le chantier : 135.

Cardinal Lustiger

[Vous voici dans Notre-Dame de Paris. Ceux qui, il y a neuf siècles, construisirent cette cathédrale ne pouvaient-ils pas imaginer que des millions de visiteurs ou de pèlerins qui y entraient chaque année. Nous devons aider Notre Dame de Paris à recevoir cette foule. Nous avons besoin de vous pour aller jusqu’au bout de la rénovation importante et nécessaire qui est en cours. Devenez, vous aussi, « bâtisseurs de cathédrale » pour le troisième millénaire.

Un témoin de l’amour, de la foi et de l’espérance pour aujourd’hui.

Au cours des âges, des hommes et des femmes sont sans cesse venus ici pour prier, partager leurs peines, exprimer leurs joies ou leur reconnaissance à Dieu dans ce sanctuaire au cœur de Paris et de la France. Notre-Dame était leur cathédrale. Ils ne pouvaient concevoir notre civilisation avec ses formidables moyens techniques. Et pourtant.

Au seuil du 21e siècle, cette antique cathédrale se dresse comme un signe vivant d’espérance, de foi, d’amour et de pardon. Notre-Dame de Paris est l’un des points de rencontre mondiaux entre des hommes et des femmes qui viennent de tous les continents, attirés par le rayonnement de cet édifice chargé d’humanité, de culture, de spiritualité unique au monde.

Comment cette vénérable cathédrale édifiée pour les siècles du passé peut-elle répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain ? Nous avons travaillé avec le concours des plus hautes autorités des monuments historiques de la France. La merveilleuse architecture de cet édifice s’est révélée forte, logique et simple. L’adapter à la nouveauté de notre civilisation, loin de la défigurer ou de la détourner de sa destination première, lui permet d’y répondre plus pleinement.] [1]

Pour bien comprendre les travaux actuellement en cours, vous devez connaître la richesse extraordinaire de la vie de cette cathédrale qui vous accueille aujourd’hui.

Quels sont les trésors de Notre-Dame ?

  Le trésor de la prière. Une foule de gens, habitants de Paris ou originaires de toutes les parties de France et du monde, viennent tout au long de l’année prier à Notre-Dame, participer à la célébration de la Messe. Ils prient devant la statue vénérable de Notre-Dame de Paris. Ils veulent se recueillir devant le Saint Sacrement. Ils participent à la prière liturgique des Heures. Ils viennent aussi prier auprès des reliques insignes de la Passion du Christ que le roi Saint Louis (1214-1270) a obtenues de l’empereur de Byzance et pour lesquelles il a bâti la Sainte-Chapelle. Ces reliques sont maintenant confiées à la cathédrale.

  Le trésor de la musique. Beaucoup viennent méditer en écoutant les grandes orgues, peut-être les plus belles au monde. La cathédrale possède un patrimoine exceptionnel de musique sacrée, élaboré au cours de son histoire. Ces œuvres de chant choral et musical de “l’École Notre-Dame” sont régulièrement offertes à la méditation de tous, particulièrement pour la prière liturgique.

  Le trésor de la mémoire. Nombreux sont ceux qui, au gré des anniversaires, viennent ici faire mémoire des grands événements de l’histoire qui ont rassemblé des foules tantôt suppliantes, tantôt jubilantes d’une délivrance ou d’une action de grâce : de la Pietà où se trouve le souvenir du vœu de Louis XIII, et du sacre de l’empereur Napoléon, aux événements mémorables de la Libération de Paris à la fin de la deuxième guerre mondiale, jusqu’aux visites du pape Jean-Paul II. Dans cette cathédrale subsiste le souvenir de tant de saints qui y ont prié, comme Jeanne d’Arc, et de visiteurs illustres qui y ont trouvé lumière et consolation, comme Paul Claudel.

  Le trésor de l’art. Quels souvenirs impérissables laissent aux millions de visiteurs les rosaces admirables du transept et les nombreuses autres splendeurs, œuvres de foi, chefs d’œuvre d’art !

  Le trésor de la vie chrétienne. Enfin, et ce trésor est peut-être le plus caché à vos yeux mais le plus précieux, la cathédrale demeure le cœur de la vie chrétienne à Paris. Elle est le lieu où les chrétiens de Paris se rassemblent autour de leur Archevêque pour les grandes célébrations de l’Église catholique : la Messe Chrismale durant la Semaine Sainte qui précède Pâques, les Ordinations des diacres et des prêtres.

Est-il donc possible que tout cela puisse coexister dans cet unique lieu ? Les travaux entrepris permettront une harmonie symphonique entre toutes ces requêtes.

[Une architecture adaptée.

Au cours des siècles la cathédrale a connu des périodes de malheur. Après la Révolution, au début du XIXe siècle, elle risquait de tomber en ruines. Un architecte de génie, Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, l’a restaurée, non sans introduire des modifications significatives. Si autrefois, la cathédrale était divisée en deux, la chapelle des chanoines dans le chœur et la nef pour les laïcs, il a créé cette extraordinaire perspective qui permet de saisir d’un seul regard, comme un unique volume la nef et le chœur, du portail d’entrée à la Pietà surmontée aujourd’hui d’une croix dorée au fond de la cathédrale. Étonnante perspective gothique de 130 mètres de long ! À droite et à gauche de cet axe central, une double colonnade – les déambulatoires – trace un chemin qui permet de parcourir toute la cathédrale autour de cet axe central. Telle est l’architecture fondamentale que les travaux veulent mettre au service de tous les aspects de la vie de la cathédrale.

Sur l’axe central se placeront les différents lieux de la prière. La nef centrale demeure le lieu des grandes assemblées tournées vers le maître-autel. Dans le chœur, seront célébrées les messes de semaine. Enfin, devant la Pietà, l’autel du Saint Sacrement sera accessible seulement à ceux qui viennent y prier.

Dans les déambulatoires , la foule des visiteurs pourront sans heurt faire le tour de tout l’édifice, découvrant pas à pas non seulement l’architecture et ses œuvres d’art, mais le chœur vivant de la cathédrale habité par la foi priante des fidèles. Le chemin des déambulatoires mène le visiteur jusqu’au fond de la cathédrale – la chapelle d’axe – où sera édifié le monument conservant les reliques de la Passion, en particulier la Couronne d’épines. Chacun pourra ainsi vénérer ces msignes reliques. À la croisée des transepts, les visiteurs pourront aussi mieux voir la Pietà au fond du chœur, contempler les deux grandes rosaces du Nord et du Sud, et aussi tourner leurs regards vers les grandes orgues pour y découvrir son magnifique buffet, et admirer la rosace du côté du parvis.

En respectant l’architecture de la cathédrale telle que l’ont pensée nos aînés, nous pouvons ainsi répondre aux différentes exigences de notre temps : les visiteurs du monde entier seront chez eux, chacun pourra venir faire mémoire de l’histoire, les amoureux de la musique sacrée pourront l’entendre à Notre-Dame, les chrétiens viendront prier chaque jour et se rassembleront plus nombreux autour de leur Archevêque pour louer Dieu et faire vivre son Église.

Les travaux d’harmonisation pour tous.

Il fallait donc libérer le transept où avait été édifié le podium du maître-autel dans les années 60 et situer l’autel-majeur de la liturgie du peuple à son emplacement traditionnel, à l’entrée du chœur. Il fallait donc aménager un nouveau podium. Il fallait aussi procéder à des aménagements du chœur et de la chapelle d’axe.

Si déjà bien des innovations ont été introduites qui nous semblent évidentes et qui pourtant n’appartenaient pas à l’ancienne cathédrale : chauffage, électricité, sonorisation, il est une nouvelle dimension indispensable aujourd’hui, celle des ressources de l’électronique. Le câblage de la cathédrale permettra de disposer d’écrans grâce auxquels la foule des fidèles, en particulier dans les déambulatoires, pourront mieux participer aux célébrations liturgiques. Quant aux visiteurs, ils trouveront grâce à ces écrans des indications utiles pour leur visite, qui pourront être visualisées dans les langues les plus usuelles. Grâce à la télévision et à Internet, cette installation, toute moderne, permettra aussi, en temps réel, à tous ceux qui dans le monde entier restent attachés à Notre-Dame de Paris, non seulement de suivre les célébrations ou les événements qui s’y déroulent, entendre la musique, chorale ou instrumentale, qui souvent résonne dans la cathédrale, mais aussi de s’unir à la prière.

Ainsi, en libérant les circulations fondamentales de cet édifice, telles que les constructeurs les avaient prévues, c’est bien le défi du XXIe siècle auquel répond ce réaménagement de la cathédrale.

Ce projet a été approuvé par la Commission Supérieure des Monuments Historiques, et les travaux sont conduits sous le contrôle de l’architecte en chef.

Leur financement est entièrement à la charge des Amis de Notre-Dame, dont vous voudrez bien faire partie.]

Jean-Marie Cardinal LUSTIGER
Le 12 mars 2004

Source : https://institutlustiger.fr/documents/OC/JML_2004_03_12_Notre_Dame_Travaux.pdf

[1Les parties entre crochets n’ont pas été publiées dans Paris Notre-Dame.

Article de Paris Notre-Dame – 20 mai 2004

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