Entretien avec Mgr André Ving-Trois – Réflexion sur l’évolution structurelle de l’Église diocésaine
Courrier Français de Touraine – 18 octobre 2002
Depuis 1992, date des premières restructurations dans le diocèse, des évolutions se sont opérées que Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Tours désire analyser et approfondir avec l’ensemble de la communauté diocésaine. Entretien.
Il y a dix ans, une restructuration du diocèse a été engagée par Mgr Jean Honoré. Trois orientations pastorales ont été proposées par Mgr Michel Moutel, en 1997, au terme de l’année Saint-Martin. Une réflexion sur l’évolution de la situation des communautés chrétiennes du diocèse sera proposée par Mgr André Vingt-Trois, le 11 novembre prochain, à la Basilique. Dans un entretien récent, l’archevêque de Tours précise les objectifs et les modalités de ce travail qui concerne tous les chrétiens du diocèse.
Courrier Français : Pouvez-vous nous éclairer sur les objectifs et les espoirs de cette démarche que vous souhaitez la plus mobilisatrice possible ?
Mgr André Vingt-Trois : Il nous faut prendre comme référence l’année Saint-Martin. Elle a comporté trois éléments très forts :
Le premier est sa préparation, en 1995-96. Elle concernait les différents secteurs du diocèse avec des rassemblements par thème, des rencontres, qui ont été l’occasion de réunir des gens qui n’en avaient pas nécessairement l’habitude, pour parler de la vie de l’Eglise. Ensuite, il y a eu la visite du pape en septembre 1996 et la poursuite de la réflexion commencée, qui a abouti, en novembre 1997, au rassemblement diocésain à Rochepinard, où Mgr Moutel a donné trois orientations pastorales pour le diocèse, à savoir : la prière, la charité et la mission universelle.
Tout ce travail de réflexion, de partage, a permis de prendre conscience, d’une part, de l’évolution très rapide de la situation des communautés chrétiennes, en milieu rural et dans l’agglomération de Tours, et d’autre part, de la diminution très rapide du nombre de prêtres disponibles pour la mission de l’Église en Touraine.
Le deuxième point important est la décision de Mgr Honoré, en 1991-92, de redéfinir un certain nombre de paroisses dans le tissu rural, partout où c’était possible. Il y a eu ainsi la création de nouvelles paroisses, qui regroupaient les anciennes, liées jusqu’ici aux communes. Une restructuration telle que chaque commune devenait ainsi un clocher, une communauté, à l’intérieur d’une paroisse plus vaste. Cette réforme, qui n’a touché qu’une partie du diocèse, a maintenant dix ans accomplis, d’où la nécessité, pour entrer dans le troisième millénaire, avec confiance, détermination et enthousiasme, d’essayer de tirer les leçons des deux événements de 1992 et 1997, pour voir ce qu’ils ont provoqué dans la vie du diocèse. Ce n’est pas simplement une mesure négative qui prend acte de la pénurie des prêtres, mais c’est aussi une impulsion pour faire resurgir des unités de fonctionnement plus vivantes, plus dynamiques. Avec les doyens, il nous a donc paru intéressant de faire le bilan de cette opération, d’autant qu’il y a eu, parallèlement des modifications de structures dans l’agglomération urbaine, à l’image de l’unité pastorale de Tours Nord ou des paroisses du Centre, pour ne citer que ces deux exemples.
C. F. : Comment va s’articuler concrètement cette opération « bilan » que vous allez mettre en place ?
Mgr A. V.-T. : Pour savoir comment Dieu nous appelle à l’évangélisation dans le troisième millénaire, il est important de faire une relecture du chemin parcouru depuis 1992. Le groupe des doyens a travaillé sur ce sujet depuis Pâques 2002. Une petite équipe d’entre eux a préparé des instruments de travail :
D’abord une grille de réflexion de quelques pages, intitulée : « Venez à l’écart ». Elle comporte une présentation globale de la mission de l’Église et trois schémas de rencontre correspondant aux trois axes pastoraux fixés par Mgr Moutel et que j’ai souvent repris depuis mon arrivée à Tours : prière, charité, mission. Je demande aux personnes qui feront ce travail d’utiliser les questions posées pour relire ce qui a été fait dans ce domaine précis et ce qui peut être envisagé pour l’avenir. Ensuite, une banque de données qui rassemble les textes du concile, de l’Église Universelle et de notre Eglise diocésaine. Et enfin, la lettre apostolique de Jean Paul Il pour le troisième millénaire.
C. F. : Comment allez-vous mettre en route ce processus ?
Mgr A. V.-T. : Nous avons prévu un calendrier. Pour cela, nous invitons les Équipes d’Animation Pastorale des différentes paroisses du diocèse, ainsi que les responsables des différents mouvements et services, au « Rassemblement diocésain de la saint Martin », le 11 novembre, à 15h30 à la Basilique. À la sortie de ce rassemblement, on donnera à chacun, un petit paquet où il y aura les trois fascicules [1].
À partir de là, je propose trois étapes :
D’abord, un temps de récollection pour relire l’expérience vécue à la lumière de l’évangile. Le fascicule propose un plan de récollection.
Ensuite, un temps de partage entre chrétiens pour faire le point sur leur vie et leur action dans l’Église.
Enfin, un compte-rendu de ces rencontres à m’adresser avant la fin mai 2003. Avec le Conseil Diocésain de Pastoral, nous tirerons les enseignements de ce travail pendant l’été de façon à relancer l’action l’année suivante après le rassemblement diocésain de la Saint Martin.
C. F. : Quelle est votre vision de la nouvelle organisation en doyenné, très globalement ?
Mgr A. V.-T. : Mon problème est de savoir comment faire apparaître des pôles d’initiative et des pôles d’activités missionnaires. C’est ce que l’on a essayé de faire cette année dans la vallée du Cher, en évitant que les prêtres soient trop isolés et en souhaitant qu’ils puissent apporter leur dynamisme dans ce secteur. J’espère que ça marchera et j’ai confiance dans les gens en place. Chaque journée est une journée gagnée dans le progrès des collaborations.
C. F. : Lors de vos visites pastorales avec le vicaire général, qu’avez-vous pu constater concernant ces structures ?
Mgr A. V.-T. : Quand les chrétiens se mobilisent pour faire avancer des projets ensemble, cela bouge. Dans le tissu rural, les paroisses ont besoin les unes des autres pour mettre en place des moyens de formation et de réflexion entre les chrétiens. Petit à petit, la notion de doyenné prend forme, mais les réalisations restent inégales. Les prêtres font des efforts pour avancer. Du côté des chrétiens, il demeure encore un abîme entre ceux qui sont engagés dans la vie de l’Église et les autres. À ce propos, un doyen du rural me disait qu’il n’y a qu’une seule chose qui fait réagir spontanément les gens, c’est la suppression d’un curé dans une commune. C’est vrai, mais il faut quand même avancer !
C. F. : Et pour l’agglomération, comment ça se passe ?
Mgr A. V.-T. : Dans certains secteurs de l’agglomération, on a une approche inverse. Les paroisses sont assez importantes et ont donc plus de capacité d’action autonome. Dans les doyennés ruraux, si on n’agit pas ensemble, rien ne peut se faire. On est acculé à s’entendre et à collaborer. En ville, même s’il y a des désaccords, chaque paroisse peut continuer à agir et à fonctionner. Le sentiment de solidarité est peut-être plus fort en rural qu’en urbain. Mais, en dehors des différences entre urbain et rural, il y a une loi générale : il n’y a que les pauvres qui ont besoin de quelque chose. Ceux qui se croient riches n’attendent rien ni du doyenné, ni du diocèse, ni de personne !
C. F. : Personnellement, quel est votre espoir vis-à-vis de cette réflexion diocésaine ?
Mgr A. V.-T. : C’est simple, l’objectif prioritaire est d’appeler tous les chrétiens et les envoyer pour qu’ils fassent le point sur tout ce qui a été fait. De cette relecture de ce qui a été réalisé depuis dix ans, et des transformations qui ont eu lieu, j’espère trouver une aide pour vivre les transitions présentes, non pas comme une mort de l’Église, mais comme une invitation à mieux participer. J’espère aussi que les chrétiens prennent conscience que l’avenir de l’Église en Touraine, pour le troisième millénaire, va dépendre de ce que l’on sera capable de faire ensemble, dans les trois domaines de la prière, de la charité et de la mission universelle. Si les chrétiens ne sont pas capables de se rassembler pour prier, la prière n’aura plus de figure sociale. Si les efforts de solidarité dans différents domaines, qui sont réels, ne mettent pas en évidence une motivation chrétienne, quel est notre témoignage ? Enfin, si la mission universelle n’intéresse personne, comment voulez-vous qu’on se préoccupe de savoir comment on va annoncer l’Évangile à nos voisins qui l’ignorent ?
Mon désir est donc de réveiller l’énergie qui a été déployée au moment de l’année Saint Martin, de trouver les moyens de prolonger de manière durable ce qui a été fait et de permettre aux paroisses de développer leur dynamisme. Le travail de synthèse sera important. Mon souci sera de ne pas tomber dans le piège de l’entonnoir, avec une proposition qui convienne à tout le monde, mais qui ne dise rien. Il va falloir dégager les tendances lourdes et donner des coups de flash sur des exemples significatifs pour mettre en évidence ce qui peut être fait.
Propos recueillis par Jean-Yves Bonin
[1] 15 000 exemplaires pour le questionnaire pour une diffusion maximale.