Entretien hebdomadaire du cardinal André Vingt-Trois sur Radio Notre Dame le 21 février 2014
Le regard de l’archevêque de Paris au moment de la réunion du collège des cardinaux.
Extrait.
Radio Notre Dame : Mgr Vingt-Trois, pourriez-vous déjà nous expliquer quel est l’objectif du pape François avec ce consistoire extraordinaire pour parler de la famille ?
Cardinal André Vingt-Trois : C’est assez simple. Comme vous le savez le pape François a programmé un synode extraordinaire à l’automne, puis un synode ordinaire à l’automne 2015 sur le thème de la famille, en espérant que les évêques réunis en synode pourront exprimer d’une façon renouvelée la Bonne nouvelle que l’Église peut annoncer sur la famille. Et pour préparer ces deux sessions du synode, il a voulu que la réunion des cardinaux qui précède habituellement le consistoire de nomination des nouveaux cardinaux, soit consacré au même sujet, de façon à déblayer un peu le terrain et à ouvrir un certain nombre de champs de réflexion.
Dans quelles directions le Pape veut-il orienter ces réflexions ?
Cardinal André Vingt-Trois : Le Pape s’est donné comme règle de faire fonctionner l’Église en tenant le plus grand compte de la participation des évêques, et donc il ne va pas définir d’avance le résultat des travaux des deux sessions du synode. Mais il souhaite que nous travaillions pour exprimer, peut-être d’une façon renouvelée, l’espérance chrétienne par rapport à la famille, et que notre travail puisse témoigner à la fois de l’exigence évangélique à l’égard de la famille et de la miséricorde de l’Église.
Ce qui nous est demandé, c’est de reconnaître combien « il est beau, vrai et bon de former une famille », a dit le pape François en introduisant ce consistoire, cela voudrait-il dire que dans le fond, le Pape nous dit qu’il ne s’agit pas tant de s’attacher à regarder les règles que propose l’Église sur le mariage par exemple, mais comment toujours plus montrer au monde la beauté de la famille.
Cardinal André Vingt-Trois :C’est cela, c’est-à-dire que nous ne sommes pas attelés à formuler des règles disciplinaires supplémentaires, mais à mieux exposer le sens que la foi chrétienne donne à la famille.
Et il a ajouté dans ce discours introductif « il nous est demandé de mettre en évidence le lumineux plan de Dieu sur la famille ». Qu’est-ce que l’Église veut dire au monde sur la famille, aujourd’hui en 2014 ?
Cardinal André Vingt-Trois : Elle veut dire au monde, d’abord que la famille est un élément constituant de la vie en société. C’est à partir de la famille et sur l’expérience de la famille que se construisent des relations harmonieuses dans la société. C’est le cadre naturel où des enfants apprennent à devenir des hommes et à vivre selon leur conscience.
L’Église est aussi très attendue sur certains sujets concrets, je pense notamment à la question de l’accès à la communion des divorcés-remariés. C’est une question qui a été abordée par le cardinal Kasper qui introduisait le consistoire, en proposant de réfléchir si « la voie de la pénitence ne pourrait pas être une solution dans les situations difficiles ». Je cite le cardinal Kasper. Pourriez-vous nous expliciter cette proposition et nous donner votre réaction ?
Cardinal André Vingt-Trois : La proposition du cardinal Kasper n’est pas très nouvelle. Cela fait longtemps qu’on travaille sur cette question et la grande difficulté à laquelle nous sommes confrontés, c’est que cette voie de la pénitence s’inscrit dans un chemin de conversion spirituelle et de désir de conversion de vie. Et donc, cela correspond à un itinéraire, à un engagement et à une détermination personnelle. Cela ne peut pas être exprimé par une loi universelle. On ne décrète pas la conversion de vie et l’engagement spirituel, on y appelle, on indique des chemins pour y parvenir mais on ne peut pas faire un décret pour dire : à partir maintenant, tous les gens qui sont dans telles situations vivront un chemin spirituel. Cela relève de la liberté personnelle. Par conséquent, notre travail, c’est d’essayer d’exprimer des critères qui peuvent aider les personnes divorcées-remariées à vivre leur vie chrétienne dans un chemin de progrès spirituel.
Dans les échanges que vous avez eus entre vous, entre cardinaux, des éléments ressortent-ils ?
Cardinal André Vingt-Trois : Oui, il y a beaucoup d’éléments qui ressortent, et surtout la souffrance de beaucoup de pasteurs devant des situations qui sont apparemment bloquées par la vie, par des échecs, par les souffrances de l’existence de beaucoup de gens. Nous sommes très motivés pour essayer de trouver des chemins afin de transmettre une espérance à ces personnes qui vivent dans la souffrance. Mais tout ne se réduit pas à la communion eucharistique. C’est un chemin pour vivre l’Évangile du Christ dans lequel la communion eucharistique est un élément important, mais ce n’est pas le premier.
D’autres sujets ont-ils été abordés, pourriez-vous nous donner quelques éléments ?
Cardinal André Vingt-Trois : Il y a eu beaucoup d’autres sujets abordés, en particulier sur la fécondité et la force spirituelle du mariage chrétien, sur le témoignage rendu par les couples qui vivent cette fidélité et qui essayent jour après jour, par la persévérance et le dynamisme de leur amour, de faire de leur famille un lieu de croissance et d’épanouissement pour leurs enfants.
C’est un bilan positif pour ce consistoire ?
Cardinal André Vingt-Trois : Tout à fait, c’est un temps très stimulant et très fraternel au cours duquel nous entendons des cardinaux de tous les continents exprimer leurs convictions, leurs tentatives pastorales, leurs recherches et c’est un élément de réflexion très fort.
– Écouter l’entretien du cardinal Vingt-Trois du 21 février 2014