Retour sur le Synode sur la famille
Avant de partir à Rome pour la session du synode, le cardinal Vingt-Trois a écrit aux curés des paroisses de Paris leur annonçant son souhait que chaque paroisse, seule ou en lien avec d’autres, constitue une « équipe synodale ».
Il les décrit en ces termes : « Je propose donc aux paroisses qui le souhaitent et qui le peuvent de constituer une “équipe synodale” de 6 à 12 membres à peu près, choisis par vous avec votre conseil pastoral. Cette équipe travaillerait entre janvier et la Pentecôte (24 mai 2015), au rythme qu’elle voudra - une fois par mois semblerait un bon rythme - à partir d’un matériel que le diocèse fournira. Les membres à choisir pour cette “équipe synodale” peuvent l’être de manière assez libre : couples mariés, parent seul, veuf ou veuve…, le principal est qu’ils puissent travailler ensemble. (...) Je voudrais que cette équipe m’adresse un rapport avant la Pentecôte (24 mai 2015). Le but ne sera pas de reprendre la théologie de la famille, mais plutôt de réfléchir à partir de la vie concrète des familles à ce que l’Église diocésaine et les paroisses pourraient faire davantage pour elles. Mon souhait est d’écouter ainsi les fidèles à propos de leur vie familiale : qu’attendent-ils, qu’espèrent-ils de leurs paroisses et du diocèse ? Que sont-ils aussi prêts à faire ? »
Au travail à venir de ces équipes, l’Archevêque fait référence dans la lettre aux prêtres ici rendue publique.
Lettre aux prêtres et diacres du cardinal André Vingt-Trois suite au synode sur la famille
Paris, le 24 octobre 2014
Chers amis,
De retour de la session extraordinaire du synode, je souhaite vous partager quelques réflexions personnelles moins dépendantes de l’information générale qui s’est développée autour de cet événement.
1. Un temps de partage pastoral.
Ces deux semaines ont été un temps de partage intense entre les évêques de toutes provenances. Ce partage s’est déroulé dans un grand climat de liberté comme le Pape l’avait lui-même souhaité dans son discours d’ouverture. Chacun a pu dire ce qui lui tenait à cœur sans censure, ni autocensure. Les témoignages des laïcs invités donnaient chaque jour un ancrage particulier au sujet abordé et actualisaient la réalité sur laquelle nous devions travailler.
Mais ce partage n’était pas un simple « déballage ». Il correspondait à l’objectif de cette première session : faire un inventaire des défis auxquels sont confrontées les familles en ce début de XXI° siècle. Cet inventaire ouvrait nos perspectives sur la dimension universelle de l’Église et sur l’extrême diversité des situations. Les médias, -principalement occidentaux-, n’avaient en tête et ne s’intéressaient qu’aux questions qu’ils utilisent comme uniques marqueurs. Ils demeuraient complètement sourds aux multiples souffrances des familles à travers le monde.
2. La participation du Pape.
Certains s’interrogeaient sur les pensées du Pape, présent et attentif, mais muet tout au long des rencontres. Il a très clairement indiqué son objectif, et surtout les conditions spirituelles de la marche synodale, notamment dans son discours final où il a redonné le programme pour l’année à venir et exprimé publiquement la place du ministère pétrinien dans le processus synodal. Il a voulu délibérément encourager l’expression de tous, sans jugement doctrinal immédiat et il a souhaité que cette expression soit partagée par la communication publique.
Ce parti pris de liberté est rendu possible par la garantie que procure sa propre fonction. Vous pourrez en lire le détail dans son discours final (sur le site du Vatican), je vous cite simplement ces deux passages particulièrement significatifs :
« La tâche du Pape est de garantir l’unité de l’Église, elle est de rappeler aux pasteurs que leur premier devoir est de nourrir le troupeau que le Seigneur leur a confié et chercher à accueillir -avec paternité et miséricorde et sans fausses craintes- les brebis égarées…Allez les chercher. »
« Le Pape n’est pas le seigneur suprême mais plutôt le suprême serviteur - le « servus servorum Dei » ; le garant de l’obéissance et de la conformité de l’Église à la volonté de Dieu, à l’Évangile du Christ et à la Tradition de l’Église, en mettant de côté tout arbitraire personnel tout en étant - par la volonté du Christ lui-même - le « Pasteur et Docteur suprême de tous les fidèles » (can. 749) et possédant « dans l’Église le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel. » (can. 331-334) »
J’ai cité un peu longuement ce passage de son discours pour vous éviter de laisser flotter l’idée que le Pape François aurait une conception floue de sa mission. Il est conscient de sa responsabilité et déterminé à exercer son rôle.
3. Pastorale et dogme.
Le travail pastoral auquel le synode est appelé par le Pape ne consiste pas à répéter matériellement une nouvelle fois les contenus de la doctrine chrétienne, fort bien exprimés et présentés dans les conciles et résumés dans le Catéchisme de l’Église Catholique. Le point de vue spécifique de la réflexion pastorale est d’ailleurs celui auquel nous sommes appelés chaque jour dans notre ministère. Il n’est pas une simple répétition des vérités dogmatiques en toutes circonstances, mais la recherche, persévérante et récurrente, des cheminements par lesquels des personnes concrètes, à partir du point où elles en sont, vont pouvoir progresser vers la plénitude de la vérité, Jésus-Christ. La liberté d’esprit et la liberté d’approche de ces situations concrètes ne reposent pas sur le reniement de nos convictions, au contraire. Elles supposent une connaissance et une intégration loyale du dogme catholique pour être capable de frayer de nouveaux chemins.
4. Le chemin devant nous.
« Nous avons devant nous une année pour mûrir, avec un vrai discernement spirituel, les idées proposées et trouver des solutions concrètes aux nombreuses difficultés et innombrables défis que les familles doivent affronter… » (Discours final du Pape).
Ce travail est confié aux conférences épiscopales et aux diocèses, de façon que la session du synode du mois d’octobre prochain puisse en évaluer et éventuellement en intégrer les résultats.
Tout au long de cette session j’ai glané des questions pastorales que je vous cite, sans prétendre à l’exhaustivité :
– L’éducation affective des adolescents.
– La préparation au mariage.
– L’accompagnement des couples, jeunes ou moins jeunes.
– Les possibilités de médiation dans les crises conjugales.
– La solidarité entre les générations.
– Les femmes seules pour élever leur(s) enfant(s).
– L’accueil des personnes séparées, divorcées ou divorcées-remariées.
– Les familles frappées ou dispersées par les guerres, la misère sociale, l’émigration, etc.
– La polygamie sous ses différentes formes.Il y aurait encore bien d’autres sujets, comme la confrontation des familles à l’homosexualité ou les célibataires forcés ou les couples frappés par l’infécondité.
Comme vous le savez déjà, j’ai demandé qu’une « équipe synodale » soit constituée dans chaque paroisse, ou par paroisses regroupées, pour approfondir les questions abordées au cours de cette session synodale et me transmettre les fruits de leurs réflexions. Elles contribueront ainsi au « mûrissement » souhaité.Je voudrais ajouter un mot sur les médias généralistes. Nous sommes suffisamment enracinés dans la culture médiatique pour être capables de gérer notre relation aux médias avec esprit critique. Nous ne pouvons pas souhaiter les utiliser et leur reprocher d’exister ! Nous ne pouvons pas les accuser de ne pas voir ni comprendre ce qui n’entre pas dans leurs schémas de pensée. À nous de ne pas nous laisser égarer par une confiance aveugle et prendre pour argent comptant ce que nous lisons dans les journaux. À nous surtout d’apporter aux chrétiens une information plus objective et plus raisonnée.
Pour terminer, je vous invite à rendre grâce. Au cours de cette session, notre Église a montré qu’elle est capable d’exprimer des différences de situation, des différences d’analyse et des différences doctrinales sans être entraînée à un éclatement fratricide. Les votes, largement majoritaires, du Message du synode et de la relatio finale manifestent que notre force de communion est capable d’assumer des différences légitimes et même d’en sortir renforcée. La communion, nous savons tous que c’est une œuvre commune dont le Seigneur nous rend artisans, à commencer par la communion diocésaine que nous vivons dans notre diversité. En tout cas, je serai heureux que vous puissiez m’adresser vous-mêmes vos propres réflexions.
En vous souhaitant de bonnes fêtes de le Toussaint, je vous assure de mes sentiments cordiaux et de ma prière.
+André cardinal VINGT-TROIS
Archevêque de Paris
– Conclusion de la première session du Synode sur la famille
– Relatio Synodi “Les défis pastoraux sur la famille dans le contexte de l’évangélisation”