Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois

Dimanche 3 juillet 2022 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)

– 14e dimanche du temps ordinaire – Année C

- Is 66,10-14c ; Ps 65,1-7.16.20 ; Ga 6,14-18 ; Lc 10,1-12.17-20

L’évangile que nous venons d’entendre est riche de beaucoup de détails qui nous instruisent, je ne peux pas les retenir tous mais ils disent chacun quelque chose d’important pour notre façon de comprendre l’envoi que le Christ nous adresse, l’appel qu’il nous fait d’aller témoigner de l’évangile avec Lui, partout.

D’abord le chiffre soixante-douze : nous pressentons que ce chiffre est un chiffre symbolique. Le chiffre douze, comme chacun sait, évoque les douze tribus d’Israël, et pour nous les douze apôtres, c’est-à-dire la totalité du Peuple d’Israël auxquels on s’adresse, auquel le Christ vient s’adresser. Mais voilà que cette multiplication par six du chiffre douze nous apprend autre chose et l’ouverture qui est faite consiste à citer quasiment l’humanité elle-même, non plus simplement la totalité du Peuple d’Israël mais bien au-delà, et nous entendons que le Seigneur appelle ses disciples à s’approcher de tous. J’ai encore dans les oreilles les mots du Pape François mercredi à Rome, lorsqu’il procédait à la bénédiction des palliums qu’il nous a ensuite confiés pour que nous les portions dans quelques semaines : « tutti », tous, allez vers tous, tous sont appelés à entendre l’Évangile, tous sont destinés à écouter l’Évangile et à l’accueillir s’ils le veulent.

Le deuxième détail auquel je m’attache c’est le fait que Jésus envoie ses disciples, ses soixante-douze, dans toutes les villes et tous les villages où lui-même allait se rendre sur la route qui le mène à Jérusalem. Nous avons entendu cela dimanche dernier : le Seigneur Jésus prenant fermement, dit l’évangéliste Luc, la route vers Jérusalem, le Seigneur Jésus prenant fermement cette route vers Jérusalem s’approche du don de sa vie, et c’est sur cette route qui le conduit vers la mort, vers le don de lui-même, vers la résurrection, c’est sur ce chemin que les disciples sont envoyés, en avant de Lui, pour préparer, d’une certaine façon, sa venue. Et c’est extrêmement important d’imaginer que là où nous allons, là où nous sommes, sur le chemin, nous sommes toujours avec Lui qui monte à Jérusalem, qui donne sa vie pour le Peuple d’Israël et pour l’humanité tout entière : c’est le grand mystère auquel nous sommes confrontés chaque jour, c’est le Christ qui donne sa vie mais il nous envoie pour préparer le chemin pour que des hommes et des femmes commencent à ouvrir leurs oreilles et leur cœur pour entendre cette nouvelle du don de Dieu en lui. Mais c’est sur un petit territoire finalement, c’est sur peu de kilomètres, le pays qui va de la Galilée jusqu’à la Judée : il y a quelques dizaines de kilomètres, à peine 150. C’est un petit territoire, il n’est pas forcément nécessaire d’aller très loin pour évangéliser, il faut sortir de soi-même plutôt que faire de longs chemins. Certains sont appelés à aller loin, mais la plupart d’entre nous c’est sur le chemin de notre vie que nous avons à vivre, à répondre à cet appel, à témoigner de notre amour de Jésus, et du don de la paix qu’il fait.

Le troisième détail auquel je m’intéresse, c’est que les disciples « reviennent vite » vers Jésus. Combien de temps a duré leur absence ? Combien de temps a duré leur voyage missionnaire ? On ne le sait pas, l’évangile ne le dit pas mais dit simplement « ils reviennent vite vers Jésus », ils sont heureux de lui dire ce qu’ils ont vécu, ils sont heureux de lui dire ce qu’ils ont fait ou plus exactement ce que Lui, Jésus, a fait à travers eux. « Même les démons nous étaient soumis en ton nom » : quand nous invoquons ton nom c’est toi qui agis et nous le reconnaissons, quand nous faisons du bien grâce à Jésus nous savons que c’est Lui. Ils étaient partis en avant de Lui et finalement ils découvrent que Jésus est là avant eux, ils découvrent que Jésus est déjà là dans le cœur d’un certain nombre qui accueille sa parole, qui se laisse transformer, guérir. Ce n’est pas rien de découvrir que le Christ n’est pas seulement au début du chemin pour envoyer en mission mais aussi avec nous quand nous portons sa parole et le témoignage de sa vie. Et, en avant de nous, il nous précède, il est déjà là dans le cœur des autres qui veulent l’accueillir.

Grand mystère de cette présence permanente du Christ qui nous appelle, qui nous envoie, qui nous accompagne, qui nous précède. Il était là avant que nous allions sur les chemins et déjà, Lui, il agissait dans le cœur des hommes pour écouter la parole.

Alors nous pouvons retenir ces quelques détails de l’évangile d’aujourd’hui et en tirer quelques leçons en les mettant d’ailleurs en rapport avec les deux premières lectures qui sont remplies d’un esprit de paix, qui sont remplies d’une assurance que le Seigneur est bien toujours là. Vous avez remarqué que, quand les disciples reviennent, ils sont tout joyeux, c’est-à-dire qu’ils ont oublié, d’une certaine façon, les ordres que le Christ leur a donnés. Il leur disait ne faites pas ceci, ne faites pas cela, n’entrez pas dans les maisons, ne perdez pas de temps sur la route, allez sans bâton, ni bourse ni tunique de rechange. Ils ont oublié cela, cela ne veut pas dire qu’ils ne l’ont pas fait, mais ce qu’ils ont retenu c’est la joie d’annoncer, la joie de l’Évangile, la joie d’annoncer la paix qui vient de Dieu. Ils ont compris qu’il fallait l’annoncer à tous, même ceux qui refusent ils ont le droit d’entendre : et pourtant Dieu vous aime, et pourtant le règne de Dieu s’est approché de vous, même ceux qui refusent ont le droit d’entendre cette bonne nouvelle qui un jour peut-être grandira dans leur cœur.

Nous comprenons aussi que Jésus ne cesse d’appeler. Il a d’abord appelé douze apôtres, et voilà qu’il en choisit encore soixante-douze, comme si cela n’était pas assez, et il le dit : il n’y en aura jamais assez, nous ne serons jamais assez nombreux. Et on a le sentiment que Jésus appelle de plus en plus large, de plus en plus de monde. Il souhaite que tout le monde se mette à témoigner de l’Évangile. Souvent on dit aujourd’hui : alors, il n’y a plus de vocation de prêtre ? La réalité c’est qu’il n’y a pas assez de réponse pour être disciple non pas simplement pour être prêtre, pour être disciple et missionnaire, pour être accueillant à la parole de Dieu, pour vivre comme il nous le demande, pour être des témoins de Lui, nous tous.

Que le Seigneur nous permette d’être en paix avec cet appel à l’esprit de l’Évangile et à l’annonce de l’Évangile. Que le Seigneur nous permette de gouter à cette paix intérieure, qui n’est pas si visible que cela à Jérusalem comme ailleurs, mais qu’il nous permette de comprendre que, lorsque nous parlons de Lui, lorsque nous le montrons, lorsque nous l’aimons son visage apparaît à travers la rencontre que nous vivons ! Souvenons-nous et découvrons cette joie qui se partage, cette joie que nous avons, cette joie que ceux qui l’accueillent peuvent avoir eux aussi. Que ce temps d’été soit pour nous un temps de repos pour reprendre des forces sur la route où le Christ nous envoie et nous précède.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris.

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