Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe en la fête de saint Laurent

Mercredi 10 août 2022 – Monastère de Chalais (Isère)

Amour des pauvres, amour du Christ.

 2 Co 9, 6-10 ; Ps 111 (112), 1-2, 5-6, 7-8, 4b.9 ; Jn 12, 24-26
 Fête de saint Laurent

En cette fête de saint Laurent, le plus célèbre, dit-on, des martyrs romains, l’Église nous offre cet extrait de la seconde lettre de Paul aux Corinthiens, en raison de la grande charité de ce serviteur des pauvres. Cet homme juste, comme dit l’Écriture, donne aux pauvres et distribue ce dont il dispose avec largesse. Dès ses débuts, l’Église sait que l’amour des pauvres, le soin dont on les honore, le partage réalisé en leur faveur, et désormais le désir de s’associer à eux, d’être et de faire avec eux, c’est la voie la plus belle, la plus authentique pour témoigner de l’amour du Seigneur.

Ce passage fait partie d’un ensemble de deux chapitres, 8 et 9, de cette seconde lettre aux Corinthiens, consacré à la collecte organisée en faveur de l’Église de Jérusalem qui traverse une crise, une persécution qui a réduit considérablement ses moyens, et notamment l’aide aux plus pauvres. Et Paul, en faisant appel à la générosité des Corinthiens, leur cite en exemple celle des communautés de la Macédoine qu’il connaît bien puisque ce sont les premières communautés fondées par lui au nord de la Grèce, et de l’Achaïe à l’ouest de Corinthe. Ces deux chapitres sont merveilleux d’appel à la générosité et de délicate suggestion à participer à cette œuvre qui va renforcer les liens entre ces petites et nouvelles Églises. Mais surtout, dit Paul, c’est l’œuvre de Dieu qui s’accomplit : c’est la générosité du Christ qui est venu nous rejoindre sur notre terre, au milieu des hommes, qui s’est dépouillé lui-même de sa richesse (de sa divinité) pour revêtir notre pauvreté (notre humanité) et l’enrichir de son don. C’est Dieu qui se montre généreux à notre égard quand il nous invite à suivre son chemin de partage ! Béni soit Dieu qui vous appelle ainsi ; grâce à Dieu votre générosité accomplit ce qu’il a commencé de faire. Et par-dessus tout, il vous donne aussi la joie de voir grandir la charité, l’amour dans le monde, et son Église qui en témoigne. Ce n’est pas une privation, c’est l’occasion d’un plus grand bien. Ce que vous donnez vient de lui, et il le multipliera pour le bien de tous. Ce « grâce à Dieu » répété huit ou dix fois dans ces pages souligne le fait que les dons ainsi récoltés en faveur de l’Église de Jérusalem sont un véritable témoignage de foi. Ce n’est pas quand l’Église est bien organisée qu’elle témoigne bien de sa foi, c’est quand elle se fait proche des hommes et des femmes en détresse – et ils sont si nombreux, en tout temps et particulièrement dans le nôtre.

C’est évidemment ce qui habitait le cœur de saint Laurent : quand il présentait à l’empereur Valérien qui avait ordonné cette persécution contre les chrétiens, les pauvres comme la vraie richesse de l’Église, certes il provoquait le persécuteur, il se moquait du pouvoir injuste. Mais surtout il montrait la source de sa joie. Il avait déjà expérimenté que sa joie résidait dans le choix de Dieu d’aimer les plus pauvres et toute l’œuvre du salut qui passait par cette association avec eux. Disparaître, mourir comme le grain de blé à qui Dieu donne la plus grande fécondité, se donner soi-même tout entier, c’est entrer dans la vie la plus vivante.

Mais ce n’est pas tout ! Laurent n’est pas un héros qui fait quelque chose d’impossible, Laurent simplement aime à la manière de Jésus : il aime les pauvres qu’il sert et rassemble, mais il aime aussi l’Église dont il gère les biens pour ce service des pauvres. Dans le récit de la passion de saint Laurent, écrit probablement un siècle plus tard et enjolivé de fioretti, tellement son histoire a frappé les imaginations et est une belle illustration de la vie chrétienne – de telle sorte que le prénom de Laurent ne subit pas beaucoup d’éclipse de mode au cours de l’Histoire et qu’il est régulièrement porté à toutes les générations – on lit qu’au passage du convoi qui emmenait à la mort le Pape qu’il servait, Sixte II, Laurent s’écria : « Évêque, où vas-tu, sans ton diacre ? ». Laurent ne travaillait pas pour lui, pour qu’on dise du bien de lui dans ce monde qu’il côtoyait et rassemblait, mais il travaillait pour l’Église, pour le témoignage de l’évangile : il se sentait tellement uni à son évêque qu’il ne pouvait que le suivre dans la mort, ce qu’il fit quatre jours plus tard. Il ne se cachait pas d’être un disciple de Jésus, un serviteur de l’Église, un collaborateur de l’évêque de Rome. L’amour des pauvres, l’amour du Christ, l’amour de Dieu, l’amour de l’Église, cela était tout un, pour cet homme donné.
Qu’il nous communique sa joie, toujours !

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris.

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