Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe pour le bicentenaire de la paroisse de Saint-Pierre du Gros-Caillou

Dimanche 9 octobre 2022 - Saint-Pierre du Gros-Caillou (Paris 7e)

– 28e Dimanche du Temps Ordinaire – Année C

- 2 R 5,14-17 ; Ps 97,1-4 ; 2 Tm 2,8-13 ; Lc 17,11-19
D’après transcription.

Le général syrien Naaman avait été guéri à l’époque du prophète Elisée - IXe siècle avant Jésus - en faisant simplement un bain dans le Jourdain, ce qui lui avait paru insuffisant. Mais comme il avait été guéri de la lèpre, que sa peau était redevenue comme la peau d’un enfant, le voilà qui exulte de joie d’avoir été guéri et qui ne se contente pas d’être satisfait d’être guéri pour pouvoir reprendre sa place et son autorité, probablement, dans l’armée. Mais aussi le voilà qui exulte de joie à cause de celui qui lui a permis d’être guéri, du serviteur de Dieu Elisée, et, à cause de celui qui manifestement a obtenu cette guérison, le Dieu d’Elisée. C’est une très belle expérience que nous comprenons bien. Nous nous disons : voilà un homme qui sait remercier, voilà un homme qui sait rendre grâce et voilà un homme qui ne s’arrête pas simplement aux bienfaits qu’il a reçus mais qui se tourne vers celui grâce à qui il a reçu ce bienfait. Il sait de qui il tient sa guérison, le Dieu d’Elisée. Et, maintenant, c’est lui qu’il veut honorer, c’est à lui qu’il veut rendre la reconnaissance cultuelle, c’est à lui qu’il veut offrir des sacrifices. C’est ce Dieu-là qui l’a sauvé, il en est heureux, joyeux, reconnaissant. Désormais il sait que c’est à lui qu’il peut faire confiance pour le reste de sa vie, dont on ne parlera pas d’ailleurs, mais on le suppose, on le croit vrai.

Ce qui veut dire que la foi commence par un émerveillement ; la foi commence comme un acte de reconnaissance, comme un acte vivant, de retour vers celui qui procure la vie, la croissance et l’être, comme il sera dit autrement et plus tard. C’est lui qui procure les bienfaits de l’existence, c’est à lui donc que l’on rend un culte joyeux, parce qu’on a fait cette expérience d’avoir été touché par lui. La foi commence par un émerveillement. C’est évidemment la même histoire qui se passe dans le récit évangélique que nous avons eu aujourd’hui, que nous avons entendu aujourd’hui. Il est clair que cet étranger, ce Samaritain, ne s’arrête pas au fait simplement d’avoir été guéri mais retourne vers celui grâce à qui il a été guéri. Et il rend gloire à Dieu, dit le texte : c’est un émerveillement aussi.

Insistons un peu : les neuf autres ont bel et bien été guéris et ils ne sont pas de mauvaises personnes. Mais, simplement, ils s’arrêtent probablement au fait que grâce à cette guérison de la lèpre, qui les mettait à l’écart de la communauté et qui les faisait considérer comme déjà presque morts, ils sont de nouveau vivants : les voilà de nouveau attachés à une communauté, ils peuvent en faire partie. Et c’est déjà beau, c’est déjà bien. Bien sûr, il y a une question de temporalité. On peut imaginer que ce récit s’étend sur plusieurs jours parce que, pour faire reconnaître par les prêtres que l’on est guéri de la lèpre, il faut certainement être d’abord mis à l’écart pendant quelques jours - on ne sait plus si on dit en quarantaine, en quatorzaine ou en huitaine, peu importe. On est mis à l’écart pendant quelques jours pour bien vérifier que la maladie a disparu. Donc ils sont heureux tout simplement d’être guéris et de pouvoir repasser de la mort à la vie, d’être au milieu d’une communauté qui les accueille, qui peut ressembler à une communauté comme la nôtre ce matin, qui retrouve la joie d’accueillir des personnes qui, éventuellement, auraient pu être oubliées ou avoir été mises de côté.

Mais le dixième fait autre chose : il découvre qu’il y a un lien qui s’est créé entre lui et Jésus. Il découvre qu’il y a une vraie occasion nouvelle pour lui d’être vivant, non pas simplement membre d’une communauté, mais vivant pour Dieu, vivant devant Dieu, devant le Christ. C’est une action de grâce. La foi commence comme une action de grâce, la foi commence par un émerveillement. Cela continue avec saint Paul. Saint Paul, il ne lui suffisait pas - à un moment donné de sa vie -, que sa vie soit fidèle aux prescriptions de sa religion, de sa foi. Il ne suffisait pas qu’il soit fidèle, il a été lui aussi touché dans une rencontre par le Seigneur. Le Seigneur Jésus qui lui a dit, qui lui a fait comprendre que le respect des règles extérieures ne suffit pas et que la relation d’amour, la relation de joie avec le Seigneur est bien la plus importante. Pour Paul aussi, la foi commence avec l’émerveillement devant le Seigneur qu’il était en train de combattre. Et voilà pourquoi il peut dire à Timothée : « Souviens-toi de Jésus-Christ dans toutes les circonstances de ta vie » ; « Si nous souffrons avec lui, avec lui nous régnerons. » Saint Paul comprend qu’il y a eu un avant et un après. Il y a eu un moment où il a exulté de joie à la rencontre du Seigneur ; il y a eu un moment où les yeux lui ont été ouverts, les yeux du cœur lui ont été ouverts, et il a compris que le plus important c’était cette relation de foi, de confiance au Seigneur qui s’était révélé à lui. Et voilà pourquoi il peut avancer, marcher d’un pas ferme et sans oublier Jésus-Christ qui est au point de départ de sa démarche croyante.

C’est ce qui nous arrive à nous. Bien sûr dans une communauté qui fête d’abord ses retrouvailles de début d’année, et aussi les deux cents ans de la première pierre de cette église après qu’elle avait été détruite à la fin du XVIIIe siècle. Une communauté heureuse de se retrouver, mais une communauté qui le fait dans le souvenir vivant de Jésus qui est le fondement de ce qu’elle a à vivre, qui est le fondement de sa foi et de sa réunion. Nous ne sommes pas simplement contents et nous ne sommes pas là simplement pour nous congratuler de deux cents années pour une telle église, une telle communauté. Mais nous sommes là pour nous dire : c’est le Christ qui nous a réunis, c’est la foi qui nous réunit, c’est l’action de grâce pour ce que Dieu fait dans ce monde et qui nous touche, nous qui sommes ici. Et nous le faisons non pas simplement par un rassemblement mais par une eucharistie qui est l’action de grâce par excellence. Nous le faisons dans la joie d’une eucharistie qui est la mémoire de l’offrande du Christ pour nous et pour tous les hommes, nous le croyons.

Nous comptons donc bien sur ce temps que nous vivons de l’eucharistie. Nous comptons bien que c’est dans la dévotion que vous avez - et qui se vit à travers l’adoration eucharistique dans cette église-, que vous vivez cette joie de la relation avec le Seigneur qui est votre véritable, notre véritable action de grâce pour tout ce qu’il fait chez nous, en nous, autour de nous et dans le monde. Quelles que soient les circonstances auxquelles nous sommes affrontés, et Dieu sait qu’il y en a qui ne sont pas faciles dans la vie du monde d’aujourd’hui - comme cela n’a jamais été facile dans les époques ultérieures -, à travers toutes les circonstances, de joie et de souffrance, de difficultés et au contraire de réalisations de projets, nous rendons grâce à Dieu. Nous sommes joyeux d’avoir été touchés par lui. Nous lui demandons de rester toujours éveillés et dans l’action de grâce, et heureux de pouvoir participer au don de lui-même que nous vivons dans l’eucharistie.

Que le Seigneur nous donne cette force, jour après jour, de repartir de lui toujours, comme disait le pape Jean-Paul II. Nous repartons du Christ, c’est-à-dire que nous nous retournons vers lui et nous nous disons que nous allons avancer dans l’existence sans jamais lâcher la main qu’il nous tend.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris.

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