Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe d’envoi des Baptisés en Mission Diocésaine à Saint-Étienne du Mont
Mercredi 12 octobre 2022 - Saint-Étienne du Mont (Paris 5e)
– 28e semaine du Temps Ordinaire – Année C
- Ga 5, 18-25 ; Ps 1, 1-2, 3, 4.6 ; Lc 11, 42-46
D’après transcription
On a choisi que les lectures de ce soir soient les lectures du jour de la semaine. Il est vrai qu’elles sont un peu sévères. Vous l’avez entendu, la lettre aux Galates n’est pas toujours extrêmement réjouissante et encourageante, et on a parfois le sentiment que Paul prend ses interlocuteurs pour des infidèles.
Quand on choisit de servir l’Église, on le fait avec tout son cœur, on s’engage avec le désir profond de servir une institution - et on espère le Corps du Christ -, avec tout le dynamisme d’une foi qui désire se dire et se faire connaître. Il est vrai que, parfois, dans le service de l’Église, on peut bien se trouver déçu de ce que l’on trouve, de ce que l’on y voit de la description de Paul que nous venons d’entendre : l’inconduite, l’impureté, la débauche, l’idolâtrie, la sorcellerie, les haines, les rivalités, la jalousie, l’emportement… etc. Je ne reprends pas tout, cela suffit comme ça ! On a l’impression que, parfois, cela existe. On se rend compte que l’Église est faite de gens qui sont comme les autres et qui ne sont pas parfaits. On peut se dire qu’ils cherchent à se convertir, et je crois que c’est vrai. Mais il faut aussi se dire que le lieu de l’annonce de la parole de Dieu et de la joie que Dieu veut donner aux hommes, est aussi le lieu où le diviseur, le malin - comme vous voudrez l’appeler -, s’agite beaucoup. Et l’intérieur même de ce lieu qui est fait pour l’annonce de la béatitude que le Seigneur nous promet, et vers laquelle il désire nous acheminer, est perturbé par l’action de celui qui jette l’ivraie au milieu du champ. On ne peut pas trop s’en étonner, et il faut savoir combattre avec la certitude que celui qui obtient la victoire c’est le Christ et que nous avançons comme nous pouvons au milieu de tout cela.
D’autant que, dans l’évangile, Jésus en rajoute à propos des pharisiens qui sont censés servir eux aussi la loi du Seigneur et ce que Moïse leur a enseigné, et qu’il accuse de chercher d’abord leur intérêt, de chercher d’abord leur situation, de chercher d’abord la première place. Et puis quand les docteurs de la Loi en rajoutent, il dit : mais vous aussi vous faites pareil et vous ne mettez pas ce que vous annoncez en pratique, vous ne vous mettez pas au niveau de ce que vous enseignez vous-mêmes.
Cela est rude. Mais voilà que la parole de Paul nous rattrape, heureusement, et nous dit que l’Esprit du Christ agit au milieu de ce trouble que nous ressentons. Et que l’Esprit qui conduit l’Église, l’Esprit qui est l’Esprit de Jésus, qui a conduit Jésus dans sa vie terrestre et qui l’a mené de la mort à la vie, cet Esprit-là est celui qui produit toutes ces choses. Il faut beaucoup revenir sur cette description, cette énumération, de Galates 5,22, et je dis volontairement la référence car il faut y revenir et méditer. Et quand on reçoit - comme vous allez le recevoir un certain nombre d’entre-vous tout à l’heure -, la mission dans l’Église, il faut que vous méditiez régulièrement ce Galates 5,22, « le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, maitrise de soi et douceur. » Parce que ce sont des critères pour nous faire comprendre si nous marchons pour être de ces témoins du Christ qui se laissent transformer par l’Esprit et non pas qui se laissent attirer par l’esprit de division, par l’esprit du mal, par l’esprit qui fait chavirer l’Église.
Et donc nous pouvons prendre comme critères de ce que nous faisons, ces mots qui sont dits ici et qui signent l’action de l’Esprit en nous. Si ce que nous faisons engendre de façon ou d’une autre la division alors nous sommes en train d’aller sur des chemins qui ne vont pas, alors notre service, notre ministère dans l’Église, ne produira pas ce qu’il prétend chercher. Si ce que nous faisons engendre paix, joie, douceur, capacité de bienveillance, alors peut-être avons-nous plus de chance d’entrainer le monde, d’entrainer notre propre conversion, et de porter l’appel du Seigneur à tous.
Cet appel - qui vous est adressé et auquel vous répondez ce soir, et déjà depuis un moment certainement durant le temps de votre formation, et puis dans le temps déjà commencé de la mission qui vous est confiée - si vous avez entendu cet appel et que vous voulez le servir, vous le faites dans un temps pour l’Église très important, le temps où les ministères sont confiés à des laïcs. Alors les ministères que vous recevez, les services qui vous sont demandés, les tâches qui vous sont proposées, l’action apostolique dans laquelle vous vous engagez, ne sont pas à proprement parler les ministères que le Pape a mis en exergue récemment par le fait que les ministères de lecteur et d’acolyte peuvent être donnés à des hommes et à des femmes et que le ministère de catéchiste est un ministère assez central dans la vie de l’Église, assez important dans le monde de l’Église. Et à travers deux motu proprio, il a voulu montrer toute l’importance des ministères institués dans l’Église, c’est-à-dire liés à l’institution même de l’Église et qui contribuent à son rayonnement. Ces ministères-là remplissent un vrai rôle à côté des ministères ordonnés. Alors ceux que vous recevez ce soir ne sont pas ceux de lecteur, acolyte et catéchiste, mais ce sont des ministères confiés dans l’Église de Paris, et comme dans d’autres Églises on le fait aussi, des ministères reconnus. Ils disent que, pour construire le Corps du Christ, on a besoin de tous, que si l’on confie à quelques-uns ces ministères institués ou, dans votre cas, reconnus dans l’Église diocésaine, c’est pour que grandisse l’Église. Et qu’elle grandisse dans l’unité, qu’elle grandisse dans la paix, qu’elle grandisse dans la joie à transmettre, qu’elle grandisse dans la bienveillance les uns à l’égard des autres. Cela veut dire la bienveillance des ministres entre eux, au service de l’Église, et qu’ils soient capables entre eux de vivre cet appel à la communion qui sera le vrai signe de l’Esprit qui anime notre vie d’Église.
Que le Seigneur nous permette à tous, pas simplement à vous qui recevez ce soir ces charges et ces signes de la mission, qu’il nous inspire à tous, à moi en premier, cet Esprit de communion, cet Esprit de paix, cet Esprit de bienveillance dans lequel on apprend à transmettre avec douceur un évangile dont les exigences ne sont pas altérées. Mais un évangile qui est fait pour nous rendre, nous-mêmes, plus doux, avec maitrise de nous-mêmes quand nous avons envie de partir en guerre contre les autres, avec refus de la jalousie envers ce que les autres font, mais au contraire bienveillance et bonheur de partager avec d’autres la joie de cet envoi en mission.
Que le Seigneur nous aide tous à cela, qu’il nous fasse tous grandir dans cet Esprit de l’Évangile qui se transmet et qui, à la volonté du Seigneur, change le cœur des hommes et du monde entier.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris.