Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois

Dimanche 30 octobre 2022 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)

– 31e dimanche du Temps ordinaire – Année C
- Sg 11,22 à 12,2 ; Ps 144,1-2.8-11.13-14, 2 Th 1,11 à 2,2 ; Lc 19,1-10
D’après transcription

L’histoire de Zachée nous est tellement connue ! Pourtant elle ne figure que dans l’évangile de saint Luc. Mais elle revient souvent à la mémoire chrétienne qui aime la regarder, qui aime regarder Jésus dans la façon dont il s’approche de tous. Jésus, qui vient de chez le Père, et qui nous a rejoints dans notre humanité, ne craint pas de s’approcher de ceux qui semblent les plus loin.

Voilà pourquoi nous avons entendu en première lecture, tirées du Livre de la Sagesse, ces phrases qui nous consolent peut-être : « Tu as pitié de tous les hommes parce que tu peux tout. Tu aimes tout ce qui existe. Tu n’as de répulsion pour aucune de tes œuvres. Tu épargnes tous les êtres parce qu’ils sont à toi. » Et nous percevons évidemment que ceci s’applique tout particulièrement au personnage de l’évangile d’aujourd’hui. Mais il y a cette conclusion du texte que nous avons entendu : « ceux qui tombent tu les reprends peu à peu. » Si Jésus s’approche de Zachée c’est pour inciter chez lui à une conversion.

Relisons l’histoire ou refaisons dans notre tête l’image de ce qui se passe dans cet épisode de l’évangile. Jésus est en train de monter à Jérusalem. Cela fait des semaines que nous entendons l’évangile de Luc après avoir entendu cette indication au chapitre 9 : « Jésus prit résolument et avec courage le chemin de Jérusalem. » Cela veut dire que l’évangéliste comprend, et nous fait comprendre, que Jésus sait que son destin va se sceller à Jérusalem, et que tout ce qu’il va vivre désormais prépare la Passion, la mort et la Résurrection. Qu’il anticipe d’une certaine façon.

Mais avant de monter sur la montagne de Jérusalem, là où on rencontre le Seigneur, Jésus, sur son chemin, descend. Il descend vers Jéricho. Une ville qui est mal réputée pour un Juif croyant. C’est une ville qui est tout en bas, en-dessous du niveau de la mer, 400 mètres en-dessous du niveau de la mer, c’est un endroit dangereux, tout en bas de la montagne de Jérusalem. Ce n’est pas le lieu où l’on peut rencontrer le Seigneur : on le rencontre sur la montagne. C’est un lieu malfamé, dans lequel il y a cet homme, qui n’est pas un pauvre mais un riche. Cet homme qui est mal perçu dans son entourage car il est réputé voleur et s’enrichit sur le dos des contribuables. Cet homme n’est pas bien jugé. Et on peut imaginer que le petit groupe qui accompagne Jésus, et ceux qui sont sur le chemin à l’entrée de la ville, lui disent : surtout il ne faut pas que tu serres la main à celui-là, ne te laisse pas prendre en photo avec lui… il n’est pas recommandable ! Et cet homme qui n’est pas recommandable va même se comporter curieusement : il monte à un arbre comme s’il était un enfant, et cela doit contribuer un peu plus à le déconsidérer.

Mais voilà que c’est justement celui-là que Jésus veut rencontrer. Voilà que c’est justement à lui que Jésus veut manifester la miséricorde de Dieu qui est affirmée dans le Livre de la Sagesse que nous venons de lire. Tu aimes tous les hommes puisque c’est toi qui les a faits. Tu aimes toutes les créatures puisque c’est toi qui les as créées. Et tu veux les sauver. Tu veux les sortir des mauvais pas où ils se mettent, du péché qu’ils commettent…etc.

Jésus s’approche donc. Cela, évidemment, nous intrigue. Cela peut même nous repousser. On voit bien, dans l’évangile que nous venons d’entendre, que dans l’entourage de Jésus on dit : il y est allé et il y a eu tort. Jésus maintient et dit : le salut est arrivé dans cette maison parce que je l’ai regardée ; parce que je me suis approché de lui ; parce que la démarche que j’ai faite à son égard est une démarche qui l’a réveillé, qui tout d’un coup a touché son cœur pour qu’il se laisse changer.

Cela nous ouvre deux perspectives. La première c’est de rendre grâce à Jésus, de rendre grâce à Dieu pour Jésus parce qu’Il s’approche sans peur de tous ceux que son Père veut sauver. Rendre grâce à Jésus parce que – nous qui ne sommes peut-être pas de grands criminels - enfin je l’espère ! - nous croyons que Jésus fait tout ce chemin jusqu’au dernier des pécheurs et donc jusqu’à chacun d’entre nous. Mais il invite aussi à changer de vie. Je pense à cette phrase du poète Patrice de La Tour du Pin : « Je te l’avoue, Seigneur, je n’ai pas le cœur assez pauvre pour ne chercher qu’en Toi le bonheur et la joie : mais tu es bon, passe-les-moi ! » Apporte-moi le bonheur et la joie que l’on trouve quand on est un cœur pauvre, quand on est un cœur qui ne craint pas de se laisser approcher de Jésus, parce qu’on est un cœur qui reconnaît sa faiblesse, sa fragilité, sa pauvreté, son péché, et que l’on est capable de tout attendre. J’aime beaucoup cette phrase du poète qui reconnait qu’il n’a pas le cœur assez pauvre. Et probablement, chacun d’entre nous, nous pouvons espérer avoir le cœur assez pauvre pour comprendre que Jésus s’approche de nous dans nos fragilités, nos faiblesses, nos péchés, et désire allumer en nous une lumière qui nous fasse gravir avec Lui le chemin qui monte sur la montagne de Jérusalem.

La deuxième chose que ce récit éveille en moi c’est : il y a-t-il dans les communautés chrétiennes, il y a-t-il chez nous, il y a-t-il en moi, en chacun d’entre vous, il y a-t-il assez de reconnaissance de l’amour de Dieu, de l’amour du Christ pour chacun. De telle sorte que nous ayons aussi envie d’accompagner le Christ sur le chemin qui va à la rencontre des plus perdus, des plus éloignés, de ceux qui, en tout cas, se trouvent ou se croient les plus éloignés du Seigneur. Je te l’avoue Seigneur, je n’ai pas le cœur assez pauvre pour ne chercher qu’en toi le bonheur et la joie, mais tu es bon, passe-les-moi.

Est-ce qu’il y a au milieu de nous, en nous, ce désir fort d’aller avec le Christ, en bravant peut-être les jugements qui pourraient nous en empêcher ? Aller auprès de ceux qui se croient trop loin de Dieu, trop loin de l’amour du Seigneur, trop loin du salut.

Oui, je suis sûr qu’il y a dans nos communautés chrétiennes, en nous, ce désir. Tant d’hommes et de femmes, tant de mouvements, tant d’associations sont capables d’aller à la rencontre des plus pauvres, des plus loin. Que notre prière les soutienne, que notre prière nous mette en marche avec le Christ vers eux. Et rendons grâce à Dieu pour ce qu’il nous fait connaître aujourd’hui de Lui.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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