Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de la Toussaint à Saint-Germain l’Auxerrois

Mardi 1er novembre 2022 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)

– Toussaint

- Ap 7,2-4.9-14 ; Ps 23,1-6 ; 1 Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-12
D’après transcription

Il me semble avoir saisi il y a quelque temps une phrase du Pape François, qui disait : « les saints ne sont pas nés saints ». Cela veut dire que la sainteté est effectivement faite pour tous et, bien sûr, il n’y a pas une sorte de prédisposition qui serait ainsi marquée. La légende dorée nous la fait croire un peu, de temps en temps, mais nous savons bien que la sainteté vient peu à peu, même si l’appel est adressé à tous et dès le début de la vie. Quand cela commence-t-il ? Bien sûr cela n’est pas la même chose pour tous. Je pense à sainte Geneviève et à la façon dont elle a protégé Paris, les Parisiens, lorsque les temps étaient durs pour eux. Mais il est clair que si elle a fait et rendu ce service et que c’est cela qui marque aux yeux de beaucoup sa sainteté, le chemin de sa sainteté a bien dû commencer avant. Si je pense à un autre saint, qui a marqué cette ville et ce diocèse, saint Vincent de Paul, cela n’a pas commencé dès le début de son ministère de prêtre. Il a été ordonné prêtre à 19 ans, incroyable ! Mais c’est après, dans le service, dans les difficultés que rencontraient des populations, soit de la maladie quand il était dans les terres du Bugey, soit les difficultés rencontrées ici à Paris, avec les prêtres, avec les pauvres, les enfants abandonnés, avec les galériens pendant un temps, qu’il a découvert que l’amour de Dieu était fait pour tout cela, et qu’il fallait qu’il grandisse, lui, en sainteté pour être porteur de la bonne nouvelle. Si je pense à sainte Thérèse de Lisieux, à sainte Élisabeth de la Trinité, c’est dans l’enfance que, de fait, elles ont entendu parler de l’amour de Jésus et qu’elles l’ont saisi dès les débuts, qu’elles ont été sur un chemin de sainteté, certainement dès l’enfance, corrigeant en elles-mêmes ce qui pouvait empêcher leur marche dans la sainteté. Si l’on pense à Charles de Foucauld, canonisé récemment, on sait que c’est seulement vers 28 ans et sous l’effet de l’accompagnement de l’abbé Huvelin ici à Saint-Augustin, qu’il a pu marcher vers la sainteté, changer complétement de vie et découvrir que le Seigneur était avec lui depuis longtemps, qu’il le cherchait, qu’il l’attendait, qu’il lui faisait des signes. Si je pense à Madeleine Delbrêl dont le procès de béatification est en cours, c’est dans le service des pauvres qu’elle s’illustre, un service quotidien d’assistante sociale, mais c’est après un temps de violent athéisme qu’elle découvre sa propre vocation à la sainteté.

Jour après jour, tous nous sommes ainsi appelés. Le Seigneur ne cesse de faire des signes, mais c’est un chemin qu’il faut suivre, peu à peu, et grandir en ce désir de suivre le Christ, d’écouter sa parole.

Le Concile Vatican II, dans la grande constitution sur l’Église, Lumen gentium Christus, « le Christ est la lumière des peuples », dit, dans son chapitre V, l’appel universel à la sainteté. Pour chacun c’est différent, et un certain nombre des chrétiens ont écrit sur ce sujet pour dire qu’il ne faut pas confondre la sainteté qui est demandée à un évêque – pardon, je pense à moi bien sûr – je pense à tous mes frères évêques, et la sainteté qui est demandé à un moine. Ce n’est pas la même chose. Saint François de Sales dit clairement : si un évêque se mettait à vouloir simplement chercher la solitude, il ne vivrait pas la sainteté qu’on attend de lui. Et si un moine était tout le temps sorti de son monastère, il ne vivrait pas la sainteté qu’on attend de lui. La sainteté n’est pas la même pour un père ou une mère de famille, et pour un célibataire - qu’il soit célibataire par choix ou par consentement. La sainteté n’est pas la même pour un homme et pour une femme. La sainteté n’est pas la même pour quelqu’un qui est très engagé dans la vie sociale, politique, économique, et pour un artiste. La sainteté n’est pas la même pour un chef d’entreprise et pour un employé. Chacun doit trouver le chemin, se laisser simplement éblouir par Dieu.

C’était le mot de Madeleine Delbrêl : « j’ai été ébloui par Dieu. » Et voilà comment a commencé son chemin. Il lui a fallu ensuite le découvrir, se faire aider, pour comprendre où Dieu l’attendait. Dieu l’attendait dans une petite ville communiste voisine de Paris, pour être dans le service social des plus pauvres, et dans le contact avec ceux qui étaient, pensait-elle, le plus loin de Dieu.

A chacun de nous de trouver ce chemin, à chacun de nous de nous laisser éblouir par Dieu et d’écouter la Parole du Christ, d’écouter la Parole de Dieu, d’écouter souvent l’Évangile et de tâcher de s’en imprégner, de le faire grandir en nous, de désirer cette parole. De participer, comme nous le faisons ce matin, à la liturgie et aux sacrements de l’Église, parce qu’ils nous confortent et renouvellent en nous l’appel que nous entendons du Seigneur. D’être souvent, sinon tout le temps, dans la prière. Ce qui ne veut pas dire être comme un moine, mais être toujours sous le regard de Dieu et capable de l’écouter, de penser qu’il nous regarde avec bienveillance, qu’il nous entraîne plus loin. Et d’être surtout dans le service des frères et des sœurs. Parce que la sainteté elle nous entraîne vers les autres. L’amour de Dieu nous ouvre à l’amour des autres et au désir de les servir et de les faire passer avant nous.

Que le Seigneur nous permette de trouver comment nous aurons à vivre les jours qui viennent pour qu’ils soient pour nous des jours qui nous fassent progresser dans la sainteté qu’il attend de nous.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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