Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe des étudiants d’Île-de-France à Saint-Sulpice

Mercredi 9 novembre 2022 - Saint-Sulpice (6e)

 Voir l’album-photos de la messe des étudiants.

– Dédicace de la Basilique du Latran

- Ez 47,1-2.8-9.12 ; Ps 45 (46) ; Jn 2,13-22
D’après transcription

Il faut comprendre la vision d’Ézéchiel, d’abord, comprendre le contexte dans lequel il se trouve. Ézéchiel est avec une partie du peuple d’Israël, en exil, loin de sa terre, loin de Jérusalem, au bord des fleuves de Babylone comme il le chantait. L’exil, qui a duré 50 ans, au VIe siècle avant Jésus, cet exil est loin d’être fini, mais Ézéchiel est un prophète d’espérance qui sait que la situation est difficile à vivre, qui sait que le peuple est désespéré à certains moments. Ézéchiel, le prophète et le poète, dit qu’il a une vision. Cette vision ne se réalisera pas tout de suite, car, quand il l’a dit et écrit, l’exil est loin d’être fini. Il a une vision : il voit le temple de Jérusalem, le temple qui a été détruit et que l’on reconstruira après. Il voit le temple, il le regarde, il le contemple, il en fait le tour, il est mené dans cette vision par celui qui le guide, un fils d’homme, un ange, que sais-je. Il fait le tour du temple et il voit que, toujours du temple reconstruit, sort l’eau vive, l’eau qui régénère, l’eau qui transforme, l’eau qui redonne vie, qui va redonner vie jusqu’au plus profond des ravins, jusqu’au Jourdain, jusqu’à la Mer Morte. L’eau de la vie, l’eau qui fait vivre, l’eau vivante : cela nous inspire !

C’est une belle image, l’image de la vie que Dieu donne en partant de son temple. Le temple est construit sur la source. Le temple est le signe de la source qui est Dieu qui donne vie, qui donne courage, qui donne espérance, qui entretient les forces les plus belles, les plus vives, les plus courageuses, les plus encourageantes.

Maintenant, il faut comprendre le geste de Jésus dans ce temple-là, qui a été reconstruit après l’exil. Il faut comprendre le geste de Jésus dans ce temple dont il annonce la destruction quelques dizaines d’années plus tard, manifestant que le temple n’est qu’un signe provisoire. Mais, dans ce temple qui est le lieu où l’on trouve quand même la vie, voilà que Jésus, lui, voit la malversation et la corruption. On achète la miséricorde de Dieu. On achète des bœufs et autres bêtes, jusqu’à des petites colombes pour ceux qui ne sont pas riches, pour les présenter à Dieu et obtenir de lui des signes de sa miséricorde. On achète la miséricorde de Dieu et cela Jésus ne le supporte pas. Jésus ne supporte pas qu’on puisse se tromper à ce point, que l’on puisse faire des affaires à ce point. Non pas simplement pour vendre des souvenirs, mais pour obtenir la miséricorde de Dieu. La miséricorde de Dieu est gratuite, elle est donnée à tous, elle est offerte. On ne peut pas la manipuler. Voilà le geste de Jésus.

Mais Jésus sait que, désormais, le temple a ses jours comptés. Jésus sait que le temple, le vrai temple de Dieu, c’est lui. Jésus sait que le temple de Dieu c’est l’homme lui-même, c’est l’humanité. C’est nous, c’est vous, ce ne sont pas les pierres - qui sont pourtant nécessaires pour nous rassembler, et pour manifester le signe de notre désir d’être ainsi assemblés -, mais ce ne sont pas les pierres qui sauvent, c’est lui, en donnant sa vie, et cela ne s’achète pas. Cela c’est lui qui nous le fait vivre, c’est lui qui nous permet de le vivre quand il s’offre à Dieu et à nous, pour notre paix, pour notre salut, pour notre bien, sur la route où nous sommes. Jésus ne veut pas qu’on négocie cela, il l’offre. Il le donne, mais pour que nous puissions vivre, pour que nous puissions relever les défis de l’existence qui est la nôtre aujourd’hui, dans notre monde. Ces défis, vous les connaissez. Vous voulez les affronter, vous voulez apprendre à vous battre avec le Christ pour que soit respecté le désir de paix qui nous habite, nous, tous les hommes, sur cette terre. Nous savons que la paix est un enjeu formidable dans ce monde si vibrionnant et si rempli de contradictions : le défi du respect du monde dans lequel nous sommes, du respect de la nature, du respect des hommes et des femmes qui y vivent, du respect des plus pauvres, du respect de ceux qui n’ont pas droit à la vie, le respect de la vie naissante, le respect de la vie fragile, le respect de la vie malade, le respect de la vie mourante. Vous savez que ce sont des vrais enjeux pour aujourd’hui, puisque Dieu nous donne cette vie et veut la sauver. Nous n’avons pas envie d’autre chose que de la respecter, que de l’aider, que de la soutenir et nous préférons l’aide active et fraternelle à vivre, à l’aide à mourir.

Les enjeux c’est encore, vous le savez, le respect des enfants, des jeunes, des personnes fragiles, de quelque façon que ce soit, et nous voyons, y compris dans notre Église, le malheur des abus sexuels, des abus de pouvoir, des abus spirituels, et ce sont des enjeux terribles. Alors nous comprenons la colère de Jésus quand on veut ainsi manipuler le don de Dieu, nous pouvons comprendre cette colère, qui est la nôtre, devant toutes les exactions qui sont commises, nous pouvons savoir que c’est notre colère, que c’est votre colère, que c’est la colère du Peuple de Dieu, que c’est la colère des hommes et des femmes de bonne volonté, mais c’est la colère de Jésus lui-même, la colère du Christ. Il s’associe à la nôtre, il nous permet d’être vraiment en colère contre tous ces irrespects du don de Dieu.

On peut être découragé devant la lourdeur de ces enjeux-là. On peut être comme tétanisé. On peut être fataliste en disant : cela a toujours existé, comment veux-tu que l’on fasse autrement ? On peut être au contraire, comme nous l’avons dit, nous évêques, au terme de notre assemblée, « bouleversés et résolus ». Cela n’est pas notre force à nous. Résolus, c’est la force du Christ, nous, endossant avec lui le combat qui est le sien. Nous n’avons pas à être seulement en colère, seulement bouleversés, mais vraiment résolus à lutter : résolus à accueillir la force du Christ, résolus à accueillir l’eau de la vie qu’il nous donne et qui nous rappelle notre baptême. Nous savons que munis de tout ce qu’il nous donne à travers la vie, le message, le témoignage de l’Église et dans l’Église, nous pouvons être ainsi armés par les sacrements que nous avons reçus ou que nous recevrons, non seulement le baptême, l’eucharistie mais, probablement pour un certain nombre d’entre vous, la confirmation. Par la prière de l’Église à laquelle nous nous associons en ce moment et d’autres moments de notre vie, par la parole de Dieu que nous partageons, que nous ne cessons d’écouter, par le rassemblement en Église, par les engagements auprès de tous ceux qui souffrent de toutes les malversations, de toutes les pauvretés, de toutes les fragilités que j’évoquais tout à l’heure… oui la parole de Dieu, la vie en Église, la prière, les sacrements, la fraternité, tout cela nous vient du Christ à travers l’Église.

Mes frères et mes sœurs qui êtes là, vous jeunes étudiants, étudiantes : apprenez à aimer cette Église dans ses fragilités mais aussi dans son combat qui lui vient de la force du Christ. Aimez l’Église comme le Corps du Christ que nous formons tous ensemble. Aimez l’Église et contribuez à sa vie, à ses engagements, à son désir de se rénover, d’être toujours plus fidèle. Aidez-là, aidez-nous, aidons-nous les uns les autres à être ce Corps du Christ déjà promis à la résurrection, déjà vivant la résurrection, déjà l’annonçant et ne désespérant jamais dans quelque situation que ce soit. Le combat ce n’est pas votre combat, c’est le combat de Dieu, c’est le combat du Christ. Il est le combat victorieux, non pas par la puissance des armes, par la force même de la conviction de la parole, la nôtre, mais simplement par l’accueil de sa parole et du don qu’il fait à nous tous - non pas nous qui sommes rassemblés dans cette église simplement – mais tous les hommes, toutes les femmes qu’il veut entrainer sur le chemin de l’amour de Dieu et des frères.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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