Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de minuit sous le chapiteau du Cirque Gruss

Samedi 24 décembre 2022 - chapiteau du Cirque Gruss (16e)

– Nativité du Seigneur - Messe de la nuit

- Is 9, 1-6 ; Ps 95 (96), 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
D’après transcription

Frères et Sœurs,

Quelles sont belles ces lumières ! Ces lumières fragiles, ces lumières que nous tenons dans les mains. Ces lumières qui scintillent dans cette obscurité, où je ne vous vois pas tous. Quelles étaient belles aussi, ces lumières qui montaient en l’air pendant que nous chantions alléluia, et ces lumières qui dansaient sous nos yeux, lumières fragiles elles aussi.

La naissance de Jésus, la naissance de Dieu au milieu des hommes, ce cadeau étonnant que nous accueillons de la part de Dieu, nous voyons bien qu’il est tellement marqué par la fragilité de la vie humaine. Dieu accepte de passer - et c’est là son mystère, c’est là sa grandeur, c’est là la qualité du don qu’il nous fait -, par la fragilité humaine d’un petit enfant. Nous comprenons bien, nous savons combien cette vie est toujours risquée. Nous savons bien que l’enfant, dans le ventre de sa mère, il semble bien protégé et pourtant la vie demeure fragile dans la gestation. L’enfant, quand il est né demeure bien fragile, et on prend beaucoup soin de lui. Il peut être né un peu trop tôt, tout petit, et on fait d’autant plus attention à lui. Et puis il faut le laisser grandir, avec toute la force d’un amour qui est là vraiment pour le faire advenir à la vie pour laquelle il est fait, mais c’est vraiment fragile. Et puis la vie d’enfant, d’adolescent, d’adulte, peut être marquée aussi de tant d’autres fragilités, de maladies, de difficultés relationnelles, de conflits, et puis voilà que la vie risque toujours. Dieu a accepté cela. Dieu a accepté que l’on prenne soin de lui comme on le fait pour tout enfant, comme j’en vois ici. Dieu a accepté cela. C’est le mystère extraordinaire, nous savons que notre vie est fragile, nous savons et nous comprenons que la vie de Dieu, au milieu des hommes, est remplie aussi de cette fragilité. Dieu le veut. Dieu accepte cela.

Dans le monde d’aujourd’hui, nous sommes invités, plus que jamais, à protéger la vie naissante, protéger la vie fragile, fragilisée par la maladie, protéger la vie mourante jusqu’au bout pour qu’elle soit toujours la vie et qu’elle soit toujours ce que le Seigneur désire pour nous. C’est fragile, mais il nous tient la main, il est venu là avec nous pour nous faire vivre vraiment, dans toute circonstance des existences.

Qu’est-ce qui est donc aussi fragile dans la vie des hommes ? Par exemple, la parole. Apprendre à parler à un enfant, lui montrer ce que c’est que de pouvoir entrer en relation avec les autres grâce à la parole, cela aussi est difficile, cela aussi est fragile. Donner la parole à quelqu’un qui est timide, c’est une grande générosité. Accueillir la parole de quelqu’un qui vient de loin, d’un étranger, d’un réfugié, de quelqu’un qui a souffert dans l’existence, cela c’est un grand courage de la part de l’humanité. Et Dieu veut que cela soit ainsi. La parole, la sienne d’ailleurs, elle est aussi très fragile. On peut l’empêcher, on peut l’effacer, on peut s’asseoir dessus, on peut l’ignorer. Et pourtant, elle est là. Nous venons de l’entendre. Nous aimons l’entendre, nous aimons la partager, nous aimons la faire connaître, elle est la source de notre espérance. Puisque cette parole c’est celle qui nous dit : je suis là, avec vous, n’ayez pas peur, grandissez au milieu de toutes les difficultés de l’existence parce que l’existence est belle. Parce que la joie que nous venons de ressentir au cours de ce spectacle, cette joie-là elle dit tellement une présence du Seigneur.

Qu’est-ce qui est encore fragile dans la vie des hommes ? La paix. La paix du cœur, la paix dans les familles, la paix entre les peuples. Le Seigneur nous la confie cette paix, il veut que nous habitions en paix.

Nous avons entendu à l’instant la première lecture lue par Fouad, Libanais, et cela nous rappelle des moments si terribles vécus dans ce pays ; et cela nous rappelle qu’aujourd’hui encore la paix est fragile, parce que la vie est fragile au Liban. Et la chasuble que je porte a été créée par un tailleur libanais et l’œuvre qu’il a confectionnée avec amour pour l’archevêque de Paris - que je suis -, elle évoque aussi la paix. Et en ce moment nous savons que, la paix, elle est fragilisée dans beaucoup d’endroits du monde, et nous pensons à nos frères d’Ukraine et à nos frères de Russie, nous entendrons dans un instant leurs paroles et leurs prières.

Cette paix est fragile, et Dieu le sait puisqu’il est venu au milieu de nous et qu’il désire que nous grandissions à travers tant de circonstances difficiles mais que nous lui tenions la main puisque Lui nous l’a tendue, qu’il accepte que cela soit ainsi.

Voilà ce que ce soir nous célébrons. Dieu se rend fragile au milieu des hommes. Il l’accepte, il le désire, nous pouvons donc lui rendre grâce d’être ainsi venu au milieu de nous pour vivre cela avec nous. Il est là tous les jours, n’ayons pas peur, chantons-le de tout notre cœur. Proclamons que sa venue au milieu de nous a quelque chose d’extraordinaire.

Que le Seigneur accueille notre prière, que le Seigneur change notre cœur, que le Seigneur nous donne la force, la paix intérieure pour pouvoir être ces témoins vivants. Que la joie ne nous quitte pas dans tout ce que nous avons à vivre, que ce soit le travail des uns et des autres, le vôtre, le mien, le vôtre chers artistes. Sachons qu’à travers tout cela Il nous parle. Les événements fragilisent toujours l’existence mais elle est un don de Dieu, ce soir nous nous en rendons compte davantage encore. Merci Seigneur.

+Laurent Ulrich,
archevêque de Paris

Homélies