Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe solennelle à Saint-Étienne du Mont dans le cadre de la neuvaine à sainte Geneviève, patronne de Paris et vénération des reliques

Dimanche 8 janvier 2023 - Saint-Étienne du Mont (5e)

– Épiphanie du Seigneur – Année A

- Is 60, 1-6 ; Ps 71 (72), 1-2, 7-8, 10-11, 12-13 ; Ep 3, 2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12
D’après transcription

« Jérusalem, réjouis-toi », dit le prophète Isaïe. Jérusalem, réjouis-toi parce que vont converger vers toi les nations, les nations qui viendront adorer le Seigneur. Dans cette façon de parler, nous comprenons que ce n’est pas la ville de Jérusalem en ce qu’elle serait magnifique – certainement - mais porteuse de ce rassemblement. C’est la ville de Jérusalem en ce qu’elle est porteuse de ce que Dieu veut pour elle.

On sait bien qu’à travers l’histoire, et aujourd’hui encore, elle est plus signe de division que signe d’unité et de communion de tous les peuples. Mais elle porte en elle pourtant cette vocation. Chaque ville, et la nôtre en particulier, peut bien s’honorer d’être un lieu d’attirance, un lieu vers lequel on a envie de converger, un lieu de pèlerinages – et, dans un instant, après cette eucharistie, nous ferons pèlerinage vers Notre-Dame avec les reliques de sainte Geneviève. Nous comprenons que cela n’est pas tant nous et notre projet que le projet de Dieu de faire se rassembler l’humanité, de la faire converger, de la faire reconnaître Dieu pour son maître, son créateur, celui qui l’aime et la veut depuis toujours.

L’épisode des mages qui est rapporté dans l’évangile de Matthieu, que nous lisons chaque année à cette occasion de la fête de l’Épiphanie, dit que ce projet de Dieu est en marche, que ce projet de Dieu continue d’être une vraie promesse qui peut s’accomplir, en tout cas partiellement et symboliquement. Le chemin de ces mages qui ne font pas partie originellement du Peuple de Dieu, est un chemin qui illustre la recherche des hommes à l’égard du Seigneur, la recherche des hommes à l’égard du bien, la recherche des hommes à l’égard du vrai et du beau qui vient de Dieu. C’est bien le projet de Dieu, inscrit dans le cœur de l’homme, qui se réalise à travers eux : ils peuvent reconnaître, bien qu’ils ne fassent pas partie du peuple de Dieu au départ, en cet homme, ce petit d’homme qui vient de naître, le roi de l’univers, celui vers qui tournent tous les regards, celui vers qui ils veulent se prosterner. Ils sont partis sur un chemin presque sans savoir, mais comme attirés. Ils ont commencé par faire fausse route, s’il l’on peut dire, en allant se renseigner auprès du roi Hérode, dont on connaît la violence et probablement l’opposition à ce projet de Dieu. Mais c’est pourtant de lui, ce roi un peu maudit, qu’ils vont recueillir la parole de vérité, lui qui sait que, dans l’Écriture, il y a ce qu’il faut pour avancer vers le Seigneur. Il ne le fait pas vraiment mais il sait que c’est là. Et il peut servir de relais utile aux mages. Il sait que, pour savoir, pour comprendre ce qui est dans l’Écriture, il faut interroger ceux qui la fréquentent, les scribes, les prêtres, les chefs des peuples sont réunis, et après discussion, sont capables d’indiquer un chemin, le chemin improbable vers le dernier des petits clans de Judas. Le chemin improbable, c’est-à-dire le chemin auquel personne ne pense. Et voilà que c’est ainsi que Dieu fait : c’est là où on ne l’attend pas qu’il se présente ; c’est là qu’il veut être reconnu parmi les plus humbles, parmi les plus petits, parmi les fils d’homme qui ne comptent pas encore. Ceci est bien sûr une sorte d’apologue de tout ce que les hommes de tous les temps peuvent vivre. Ils ne sont pas tous dans le peuple désigné comme peuple de Dieu. Mais ils peuvent tous être touchés, ils peuvent tous avoir envie de converger vers un lieu qui soit un lieu de paix, un lieu de vérité, un lieu de bien, un lieu de justice, un lieu de lumière. Ils peuvent tous avoir envie de cela, les hommes, parce qu’ils sont aimés de Dieu, parce qu’ils sont tous habités par son Esprit d’une façon ou d’une autre, et ils peuvent avoir envie de faire ce chemin de pèlerinage, dans leur vie. Ils peuvent se tromper de route, mais ils peuvent aussi reprendre le bon chemin. Ils peuvent écouter la Parole de Dieu ou, en tout cas, bénéficier de ceux qui la connaissent un peu mieux qu’eux. Et alors ils peuvent venir se recueillir, se prosterner, reconnaître la divinité de ce fils d’homme.

C’est une histoire magnifique qui comporte une espérance étonnante pour tous les hommes. Tous peuvent se sentir aimés, accueillis, recherchés par Dieu et c’est la bonne nouvelle de l’Épiphanie. C’est très important pour nous qui sommes ici, pour nous qui nous présentons, davantage familiers du Seigneur peut-être. C’est très important de savoir que d’autres cheminent aussi à la recherche de Dieu. C’est très important de savoir que la Parole de Dieu scrutée, écoutée, lue, partagée entre les chrétiens est le lieu où l’on peut apprendre comment reconnaître le Seigneur, comment le voir vivre, comment savoir le désigner au milieu de la vie du monde, comment savoir le reconnaître dans les plus humbles, dans les plus petits, dans ceux qui ne disent presque rien mais qui, de temps en temps, sont capables de dire : « le Seigneur est là, je le sais, il m’aime et il t’aime toi aussi. » C’est un chemin extraordinaire qui nous est proposé - à nous croyants -, de croire que nous ne sommes pas les seuls, de croire que, si nous sommes habités par l’Esprit et la lumière de Dieu, d’autres le sont, que nous ne connaissons pas, d’autres le sont qui ne connaissent pas forcément notre chemin à nous mais ils se préparent aussi à la rencontre du Seigneur. Ils viennent aussi le trouver.

Dans l’Église, aujourd’hui, nous sommes invités à la démarche synodale à laquelle le pape François attache tant d’importance. C’est celle-là même que le peuple de Dieu est capable de faire avec les mages, avec ceux qui cherchent. Se mettre en route, aller à la rencontre des autres, peut-être entendre l’un ou l’autre qui ne dit pas qu’il est croyant, qui ne dit pas vouloir faire la volonté de Dieu, mais qui cherche quand même. Partager la parole de Dieu avec d’autres et tâcher de trouver le chemin, ce que nous faisons chaque dimanche à la messe, mais aussi parfois dans des petits groupes de chrétiens qui partagent sur la parole de Dieu ; ce que beaucoup font chaque matin en partant travailler : lire quelques lignes de l’Évangile pour s’en laisser imprégner et pour être capable de découvrir le Christ présent au milieu de notre existence. C’est le chemin même de toute l’Église qui se met à l’écoute de tous et qui, en se mettant à l’écoute, désire, avec la force de l’Esprit Saint, désigner l’œuvre de Dieu au milieu de nous.

Que le Seigneur accueille la démarche que nous faisons en ce jour, dans la communion de l’Église de Paris qui fête sainte Geneviève, qui a été de celles et de ceux qui montrent où est le service de Dieu à travers le service de ceux qui sont dans la souffrance, dans la détresse ; où est le Seigneur vivant auprès de qui elle trouvait dans sa prière, dans l’écoute de la Parole de Dieu très certainement, la force d’accomplir ce qu’il lui demandait.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

 Voir l’album-photos de la messe et la procession du 8 janvier 2023

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