Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois

Dimanche 15 janvier 2023 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)

– 2e dimanche du Temps Ordinaire – Année A

- Is 49, 3.5-6 ; Ps 39 (40), 2abc.4ab, 7-8a, 8b-9, 10cd.11cd ; 1 Co 1, 1-3 ; Jn 1, 29-34
D’après transcription

Dimanche dernier nous célébrions l’épiphanie du Seigneur qui marquait presque la fin du temps de Noël : la manifestation de Dieu fait homme ; la manifestation de Dieu présent au milieu des hommes. J’ai dit « pas tout à fait la fin du temps de Noël » puisque la fin c’était le lendemain avec la fête, célébrée un lundi, du baptême du Seigneur. Nous ne célébrons cette fête du baptême du Seigneur le dimanche qu’une fois tous les 5 ou 6 ans, et elle passe bien souvent inaperçue. Nous n’avons pas eu de récit du baptême de Jésus dans l’évangile de Matthieu par exemple. Mais nous avons aujourd’hui ce récit de l’évangile de saint Jean, qui nous parle du témoignage de Jean le Baptiste à propos de Jésus qu’il a accueilli au bord du Jourdain pour le baptême qu’il désirait recevoir. Et, dans l’évangile que nous venons d’entendre, nous pouvons remarquer principalement deux choses.

La première, c’est l’affirmation de Jean à propos de Jésus : « Voici l’agneau de Dieu. » L’agneau de Dieu cela veut dire : celui qui est offert par Dieu et qui sera offert aux hommes de la part de Dieu sur la croix. C’est une prémonition ou une prophétie que prononce Jean le Baptiste. Il sait que cet homme-là n’est pas comme les autres et que son témoignage sera donné ultimement, pour le salut de tous. Et voilà pourquoi Jean est capable de dire « celui qui vient derrière moi est passé devant moi car avant moi il était ». Et c’est une façon dont Jean exprime que Jésus vient de Dieu, vraiment. Comme il est dit dans le Livre d’Isaïe, dont nous avons entendu un passage tout à l’heure, il n’est pas simplement un serviteur parmi d’autres, il est la lumière pour tous. C’est cette prophétie d’Isaïe que Jean-Baptiste interprète dans ce sens aujourd’hui.

La deuxième chose que nous remarquons, dans l’évangile que nous venons d’entendre, c’est que par deux fois Jean dit : « Je ne le connaissais pas. » Peut-être ceci nous surprend-il ? « Je ne le connaissais pas. » Dans l’évangile de Luc, il nous est dit que Jean et Jésus étaient cousins, étaient membres d’une même famille. Il ne nous paraît pas vraisemblable qu’ils ne se connaissent point. Dans l’évangile de Matthieu, au récit du baptême, nous voyons que Jean et Jésus parlent librement l’un à l’autre. « Ce n’est pas toi qui doit être baptisé », dit le Baptiste, « mais c’est moi qui devrait recevoir le baptême de toi. » Et Jésus dit : « Laisse faire, c’est ainsi qu’il faut faire en ce moment. » Cette familiarité suppose qu’ils se connaissaient. Quand Jean Baptiste dit : « Je ne le connaissais pas », il dit : « jusqu’à présent je n’avais pas saisi, encore, que cet homme-là - que probablement je connaissais - était le Fils de Dieu, j’ai eu besoin de signes pour comprendre ce que le Seigneur m’avait déjà envoyé faire pour que je l’annonce lui-même. »

Et ces signes, les voici. Le premier de ces signes c’est évidemment la parole qui s’adresse à Jean. Cette parole c’est déjà une parole des hommes, Jésus a déjà vécu quelques années avant de se présenter au baptême. Et Jean a entendu parler de ce qu’il fait, de ce qu’il dit. Il a compris qu’à travers les premières actions de Jésus, qui ne sont pas encore révélées, il y avait un homme tout particulier, un homme dont la vocation était autre que celle de chacun d’entre nous. Jean a compris cela. Il a compris aussi, et il a interprété la parole d’Isaïe que je rappelais tout à l’heure, qu’il n’est pas simplement un serviteur parmi d’autres. Il est celui qui ira jusqu’au bout du don de lui-même pour le Salut de tous. Jean a compris cela dans sa relation avec Dieu, dans sa prière, et la phrase qu’il rapporte, « il est l’agneau de Dieu », le dit.

Il a compris cela aussi à travers le signe de l’eau. Il vient se faire baptiser. Il veut faire comme tous, mais il est lui-même l’auteur du baptême. Il fait une démarche qui ne ressemble pas à celle de tout le monde. Il vient pour que l’eau soit le signe de la vie, il vient pour que tout homme ait la vie et l’ait en abondance.

Il a compris, enfin, par le signe de la colombe. La colombe n’est-elle pas, depuis le déluge, depuis Noé, le signe que la Terre est de nouveau habitable ? Quand Noé libère la colombe depuis l’Arche et qu’elle revient avec un rameau d’olivier dans le bec, Noé comprend que la Terre est de nouveau faite pour les hommes, que la Terre est de nouveau le lieu où les hommes pourront vivre dans la paix, dans la lumière.

Peu à peu, dans le cœur de Jean, s’est introduit ce faisceau de réflexions, de méditations, qui lui ont fait comprendre qui était ce Jésus qui venait à lui pour être baptisé. L’Esprit Saint agissait dans le cœur de Jean le Baptiste, pour qu’il puisse désigner maintenant le Sauveur, le montrer du doigt comme souvent on le voit dans l’imagerie, depuis si longtemps.

L’apôtre Paul, dans la deuxième lecture que nous avons entendue, se situe après Jésus - et non pas avant - mais il a compris la même chose pour lui. Il dit : « j’ai été choisi par Dieu pour être disciple du Christ. » Cela veut dire qu’il a compris que cet homme, Jésus - qu’il a d’abord combattu et que maintenant il sert -, l’a désigné pour être son disciple et pour le montrer lui aussi.

Alors, ce que nous entendons et recueillons du témoignage de Jean, ce que nous recueillons du témoignage de Paul, nous avons à le faire nôtre. Comprendre que nous avons reçu la foi : nous sommes entrés dans une démarche de foi grâce à des témoins qui nous ont précédés, nos proches, nos parents, nos catéchistes ; à un moment donné de notre histoire, peut-être, d’autres personnes, si nous nous sommes préparés au baptême plus tardivement, nous ont ouvert les portes de la foi dans le Seigneur ; et, aujourd’hui encore, non seulement la foi est une expérience passée dans notre vie, mais c’est une expérience présente. Nous sommes capables de recueillir le témoignage d’autres qui nous entourent et qui nous disent : « moi-même, j’ai fait confiance au Seigneur. » Et qui nous font comprendre que, nous, nous pouvons continuer - malgré des difficultés dans la vie, dans la foi - à faire confiance au Seigneur. Nous pouvons le reconnaître comme notre Sauveur et comme le Sauveur de tous. Et alors, quand nous avons compris cela, quand nous avons été introduits dans la foi, quand nous avons été confirmés dans la foi par la foi des autres, nous devenons à notre tour des signes de Jésus auprès des autres.

Que le Seigneur nous permette de nous rappeler, jour après jour, ceux à qui nous devons la foi dont nous témoignons. Qu’il nous permette de rendre grâce pour eux, et de devenir à notre tour des signes de Lui. Qu’il nous en soit donné la grâce.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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