Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe lors de la retraite des prêtres de Paris à Notre-Dame de Sainte-Garde Venasque
Dimanche 29 janvier 2023 - Saint-Didier (84)
Disciples d’un serviteur souffrant
– 4e dimanche du Temps Ordinaire – Année A
- So 2, 3 ; 3, 12-13 ; Ps 145 (146), 7, 8, 9ab.10b ; 1 Co 1, 26-31 ; Mt 5, 1-12a
C’est une évidente constante de toute l’Écriture, mise en valeur aujourd’hui, la pauvreté et l’humilité sont les situations dans lesquelles l’appel de Dieu est le mieux entendu. Dans les livres prophétiques, c’est permanent et encore dans la lecture de Sophonie : « Cherchez le Seigneur, vous les humbles du pays… Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit ; il prendra pour abri le nom du Seigneur. » Ce n’est pas le fait d’être dénué de tout qui sauve, mais c’est l’accueil du salut que donne le Seigneur qui est rendu plus évident : on lit une situation de pauvreté comme mettant dans la disposition de se laisser transformer dans sa manière de vivre, dans sa relation à Dieu et aux autres.
C’est encore évident dans la Première lettre aux Corinthiens dont nous venons de lire ce passage d’ouverture : « vous qui aurez été appelés par Dieu : parmi vous il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants… » A d’autres moments, Paul sait jouer de sa propre origine d’homme bien né dans le judaïsme et de citoyen romain mais cela ne le conduira pas au succès. Il sait que tout cela n’est plus rien pour lui, mais lui permet simplement de continuer, autant que Dieu le permette, à donner son témoignage jusqu’au bout. Et son témoignage porte du fruit jusqu’à aujourd’hui à travers les humiliations subies et l’abandon total au Seigneur, dans le martyre.
Ainsi nous comprenons la proclamation des Béatitudes au début du ministère de Jésus comme un portrait de Lui avant d’être un appel à le suivre.
C’est le mystère de Dieu fait homme qui se montre dans cet appel paradoxal au bonheur. Le Fils de Dieu lui-même se met en situation de pauvreté en s’abaissant comme Il le fait au milieu des hommes, en partageant leur existence, en la commençant dans l’anonymat d’une famille ordinaire et dans les refus qui lui sont opposés dès le commencement de sa vie parmi nous.
Dès les débuts de sa prédication, il invite et appelle, il guérit et fait du bien, apparaissant comme un homme rempli de bonté, d’attention et de soin. Il n’hésite pas à pleurer et à se montrer compatissant à toute douleur, à toute souffrance. Il résiste à l’injustice qui est une ignorance ou un refus de la suprême loi d’amour et s’oppose aux orgueilleux. Il sait que ceux qui suivront ce chemin se purifieront, ou plutôt seront rendus purs, c’est-à-dire capables de voir comme Dieu, de voir la présence de Dieu agissant dans le cœur des hommes. Il sait que ceux qui suivront ce chemin seront en paix à l’intérieur d’eux-mêmes et capables de produire de la paix autour d’eux. Ils endureront les offenses, comme Il le fera lui-même au long des jours jusqu’à la Croix. Il sait enfin que sur ce chemin Il trouvera lui-même la joie d’avoir fait la volonté de son Père et Il la promet à ceux qui se mettent ainsi en chemin.
C’est bien le portrait de Jésus ; c’est bien cette image de Lui qu’ont regardé sans cesse ceux qui ont eu confiance en Lui et ont essayé de le suivre de près. Ils n’ont pas cherché à devenir « quelqu’un », mais simplement à consentir à être des disciples d’un serviteur souffrant – comme nous l’avons entendu au cours de cette retraite -. Nous sommes en chemin avec eux et avec Lui.
+Laurent ULRICH, archevêque de Paris