Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe pour le Centenaire de la Dédicace de Saint-Pierre de Montrouge

Dimanche 12 février 2023 - Saint-Pierre de Montrouge (14e)

- Rois 8,22-23, 27-30 – Ps 121 – Pierre 2, 4-9 – Mt 16, 13-19
D’après transcription

Le texte que nous venons d’entendre s’applique évidemment à l’église, bâtiment, et à l’Église que nous formons, l’Église qui vit à travers l’histoire, l’Église des hommes et des femmes que nous sommes. C’est d’abord, bien sûr, presque mille ans avant Jésus, Salomon qui bénit, fait bénir, demande à Dieu la bénédiction du temple qu’il a construit pour Lui et pour que le peuple de Dieu puisse y venir trouver la présence de Dieu. Et Salomon, tout en priant devant le peuple, s’interroge, peut-être de façon pédagogique, mais peut-être aussi de façon très profonde, spirituelle : est-ce qu’il est possible, est-ce qu’il n’est pas arrogant - c’est cela la question - est-ce qu’il n’est pas arrogant de construire une maison pour Dieu que rien ne peut contenir dans ce monde puisque c’est Lui qui contient le monde ? Il dépasse largement les murs de toute maison et peut-être que vouloir l’enfermer entre des murs d’un temple c’est une inconvenance, une arrogance que le roi lui-même confesse peut-être avoir faite, avoir eue. Mais la réponse de Salomon est immédiate, elle fuse : « oui, il est possible que Dieu soit ici, dans cette maison, que Dieu accepte de venir habiter la maison qui est là sur la terre pour pouvoir venir entendre la parole, la prière, la supplication et la louange du peuple de Dieu ». Quand le peuple de Dieu se réunira dans l’église, dans le temple, alors il pourra dire au Seigneur toute sa supplication, toutes ses demandes de pardon, toutes ses demandes de transformation du cœur des hommes. Il pourra se plaindre devant Dieu, il pourra aussi demander à être réconcilié par Dieu, il pourra chanter ici la louange de Dieu. Et Salomon est évidemment tout à fait comblé par le psaume que nous venons d’entendre : « Quelle joie quand on m’a dit : nous irons à la maison du Seigneur. »

C’est en effet une joie, il me semble, que vous partagez bien ce matin d’être venus ici à l’appel de l’Église, pour vous souvenir de la dédicace de cette église il y a 100 ans à quelques jours près, et de sa construction il y a 150 ans. Joie qui a été partagée par toutes les générations de ceux qui, depuis les débuts de l’église, depuis les débuts de ce quartier, ici, sont entrés dans ce lieu pour dire à Dieu louange, supplication, demande de pardon.

Et puis nous franchissons bien sûr les siècles et nous entendons la parole de Jésus. Nous savons que nous sommes projetés dans un autre monde et dans une autre dimension. Nous savons que Jésus lui-même est cette pierre, la pierre angulaire sur laquelle est construite l’Église, sur laquelle est construite toute l’œuvre de Dieu. Alors l’Église devient pour nous le lieu où nous disons notre confiance dans le Seigneur Jésus qui est celui que Dieu le Père a envoyé pour que nous soyons sans cesse dans la relation filiale avec lui. Nous comprenons que l’acte de foi que pose Pierre - « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » - et nous comprenons aussi que le Fils du Dieu vivant est le Sauveur de tous les hommes. Cette profession de foi c’est la nôtre, c’est celle que nous faisons chaque jour, chaque dimanche, toute l’année, tout au long de notre vie chrétienne. Lorsque nous voulons venir retrouver le Seigneur dans une église, nous disons d’abord : « Jésus, ici, je sais que tu es le Fils du Dieu vivant, mon Sauveur et le Sauveur de tous. »

L’église dans laquelle nous sommes et l’Église que nous formons sont le lieu où nous venons renforcer régulièrement cette profession de foi comme nous le ferons dans un instant tous ensemble. Nous venons pour cela. Nous venons pour dire au Seigneur : « je suis confiant que tu es là, je suis confiant que tu es le Fils de Dieu, je suis confiant que tu es venu sauver tous les hommes. » C’est notre privilège de chrétien de dire cela au Seigneur.

Bien sûr, tout le monde, même tous les croyants ne disent pas cela à Jésus comme le dit l’évangile que nous venons d’entendre. Que disent les gens ? Ils disent : « Tu es Jean-Baptiste, tu es Elie ou un autre prophète ». Et aujourd’hui on dit peut-être un grand homme ou un homme de sagesse, un homme d’inspiration auquel beaucoup peuvent se référer sans être des croyants. Mais nous, c’est notre privilège. Nous disons cela non pas pour nous enorgueillir, mais pour apprendre à en être des témoins jour après jour. Parce que de dire « Jésus j’ai confiance en toi, Jésus tu es le Fils de Dieu, Jésus tu es le Sauveur de tous », pour nous cela veut dire un combat, un combat intérieur contre des doutes qui peuvent nous assaillir comme croyants, c’est normal. Un combat sans guerre, bien sûr, pour garder la foi dans un monde où l’absence de foi, l’indifférence religieuse ou les autres croyants ont droit de cité. Mais ils ne peuvent pas nous détourner de cette confiance-là. C’est un combat en nous, c’est un combat pour garder cette confiance alors que, souvent, bien des choses peuvent paraître contradictoires et parfois nous entraîner et entraîner certains de nos frères, de nos sœurs, sur d’autres chemins. Nous ne les condamnerons pas, bien sûr mais nous savons garder la foi en Jésus, Fils de Dieu Sauveur.

Et alors, dans le monde dans lequel nous vivons, nous devons faire un pas de plus qui est de reconnaître ce que Jésus dit à Pierre ensuite : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église et la puissance de la mort ne l’emportera pas sur elle ». Nous savons bien ce qu’est l’Église pour nous, l’Église avec un E majuscule, l’Église des hommes et des femmes, l’Église de la Tradition depuis vingt siècles de foi, l’Église qui chemine à travers l’histoire des hommes, qui ne manque pas de faiblesse, qui ne manque pas d’avoir défailli au cours de l’histoire et dans notre propre présent bien sûr, mais l’Église qui est le signe que Dieu pose par Jésus-Christ dans le monde d’aujourd’hui pour être accessible.

Si Dieu est capable de venir habiter au milieu de nous, nous-mêmes nous savons dans la foi qu’en venant dans l’église nous sommes déjà un peu au ciel avec Lui et témoins de ce qui se passe au ciel avec Lui. Aussi, nous ne pouvons pas perdre confiance dans ce don que Dieu a fait aux hommes et aux femmes que nous sommes, d’être son Église. C’est-à-dire son signe, son signe au milieu des nations, au milieu des croyances diverses, au milieu de l’indifférence d’une société, au milieu de toutes les contradictions et les oppositions, que nous pouvons sentir, à la foi que nous professons. L’Église, par son assemblée, celle que nous formons, l’Église par sa prière, l’Église par l’écoute de la parole de Dieu constante, fidèle, fervente, l’Église par ses sacrements auxquels nous participons et auxquels nous préparons des hommes et des femmes, des enfants, des jeunes, au baptême, à la confirmation, à l’eucharistie et aux autres sacrements, l’Église qui appelle des hommes à la servir par le ministère de prêtre et de diacre, l’Église qui se manifeste dans la consécration des religieux et des religieuses et de toute personne consacrée, l’Église qui se vit à travers tous les groupes que vous formez : voici les signes qui sont donnés, voilà la confiance dans laquelle nous nous établissons pour que, malgré nos faiblesses, malgré ce que nous sommes, jour après jour, à travers nous, le signe de Dieu qui habite au milieu des hommes soit le signe que nous sommes appelés à être au ciel avec Lui dès maintenant et après. Ce signe-là, nous gardons confiance en lui parce qu’il est le signe du Christ lui-même. Nous sommes bien les pieds sur terre mais dans l’Église nous sommes déjà un peu la tête au ciel. Que le Seigneur nous permette de ne jamais l’oublier et de ne jamais perdre confiance.

+ Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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