Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe pour les victimes de la guerre et pour la paix en Ukraine à Saint-Germain l’Auxerrois

Samedi 4 mars 2023 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)

« Illuminés de la gloire de Dieu ».

 2e Dimanche de Carême — Année A

En présence du Nonce Apostolique, Mgr Celestino Migliore et de Mgr Hlib Lonchyna, administrateur apostolique de l’Éparchie des Ukrainiens.

- Gn 12, 1-4a ; Ps 32 (33), 4-5, 18-19, 20.22 ; 2 Tm 1, 8b-10 ; Mt 17, 1-9
D’après transcription

C’est toujours avec une grande joie que nous lisons ces récits de la transfiguration de Jésus devant ses apôtres, devant Pierre, Jacques et Jean qu’il avait pris en particulier pour leur révéler quelque chose de si profond de ce qu’il est. C’est toujours avec joie que nous voyons comment cette lumière et cette nuée lumineuse peut entourer les disciples et pourtant les couvrir de son ombre, comme par une sorte de paradoxe que nous relevons. C’est forcément une joie de voir comment les disciples sont emmenés sur une haute montagne qui est le lieu même, dans la tradition biblique, de la rencontre avec Dieu. C’est là qu’ils ont pour voisins, pour partenaires d’une certaine façon de cette rencontre, Moïse et Elie qui sont les modèles de la rencontre avec le Seigneur dans une relation « comme avec des amis » comme dit le Concile à propos de la rencontre de Dieu avec chacun d’entre nous. Dieu nous parle, Dieu parle à Moïse et à Elie, Dieu parle aux hommes comme à des amis. Expérience évidemment inouïe, expérience incroyable que font ces hommes devant Jésus, ils ne pouvaient pas imaginer jusqu’alors que dans cet homme, avec qui ils marchaient depuis plusieurs mois, se trouvait à la fois cachée et révélée la figure-même de Dieu. Rencontre qu’ils approfondissent, qu’ils découvrent et qui va marquer toute leur vie. Et voilà qu’ils sont terrifiés, saisis de crainte, devant ce qui se passe. Car c’est toujours ainsi qu’on approche du mystère de Dieu, quand on approche de la rencontre avec le Seigneur, comment ne serait-on pas à la fois remplis de joie, remplis de lumière, et en même temps remplis d’une sorte de crainte, peut-être même effrayés. Nous nous souviendrons – parce que nous connaissons la suite de l’histoire – qu’au moment où Jésus est arrêté, au moment où il va vivre sa Passion, les mêmes, et le groupe des apôtres, sont aussi saisis de crainte, remplis de frayeur, et même conduits à fuir le danger.

Mais voilà que, saisis de cette lumière, nimbés de cette lumière peut-on dire, tout craintifs, Jésus les touche et les relève. C’est toujours ce qui se passe quand Jésus touche quelqu’un, quand Jésus s’approche de chacun d’entre nous, il nous touche et il nous relève. Il nous dit : Soyez sans crainte. Il nous dit : vous êtes illuminés de la gloire de Dieu, mais n’oubliez pas, dans la vie qui est la vôtre, dans la vie de tous les jours, je suis avec vous, et déjà nous entendons la Parole finale de l’évangile : Je suis vainqueur du monde, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. C’est le mystère même de notre existence chrétienne.

L’apôtre Paul le dit à son compagnon Timothée auquel il écrit : Souviens-toi que dans ta joie tu es marqué aussi des souffrances d’annoncer l’Évangile. Souviens-toi de qui tu es le disciple, c’est le Ressuscité. Il t’accompagne jour après jour, même si tu ne peux pas manquer de souffrir à cause de l’annonce de l’Évangile qui n’est pas cru, qui n’est pas accueilli, qui n’est pas suivi comme tu le voudrais, comme nous le voudrions. Au milieu de l’épreuve que constitue le travail de l’apôtre, il y a à la fois la lumière, au milieu de la lumière qui l’entoure, et il y a aussi l’épreuve d’annoncer l’évangile.

D’une certaine façon, c’était déjà l’expérience d’Abraham. L’expérience d’Abraham - nous sommes au tout début du passage dans le livre de la Genèse qui concerne Abraham – Dieu lui dit : Tu seras le père d’une multitude. Tu seras toi-même une bénédiction pour les générations à venir. Mais pour l’instant, Abraham n’a pas d’enfant. Il est vieux et il n’espère même plus avoir un enfant. Mais il entend la promesse et il s’en va là où le Seigneur lui dit d’aller. Il va affronter la migration qu’il devra vivre, il va affronter ce voyage, il va être ce nomade à la suite de l’appel de Dieu. Il va porter en lui cette promesse qu’il a entendue, mais comment sera-t-il un jour le père de cette multitude et une bénédiction pour toute sa descendance puisqu’il n’a pas encore d’enfant ? Abraham est illuminé de la gloire de Dieu, mais aussi dans les souffrances et les difficultés de la vie quotidienne.

Voilà ces paradoxes que nous avons à vivre sans arrêt, en pensant aujourd’hui à nos frères Ukrainiens avec lesquels et pour lesquels nous prions. Nous savons bien qu’ils sont à la fois dans la foi saisis par la lumière que Dieu leur apporte - et nous apporte à tous dans les épreuves que nous traversons -, mais ils sont aussi dans l’épreuve. Ce qui leur arrive est grave pour eux et pour nous, et nous le partageons. Mais ce qui leur arrive est aussi le lieu-même où leur espérance, notre espérance, peut se déployer. Depuis un an, l’Archevêque majeur des Ukrainiens gréco-catholiques, Mgr Sviatoslav Shevchuk, entretient son peuple dans cette espérance-là. Il demande de regarder avec lucidité ce qui arrive, la gravité, pas simplement pour le peuple ukrainien, mais pour tous à cause de la violence. A cause de la violence injuste qui est perpétrée contre un peuple, mais il dit sur tous les tons depuis un an et chaque jour : Dieu nous a choisi pour que nous soyons témoins de l’espérance chrétienne dans ces circonstances-là. L’espérance chrétienne c’est la lumière. Les circonstances-là ce sont les circonstances de la guerre si grave, si destructrice, si violente, elle est faite pour détruire l’espérance. Mais la bonne nouvelle de l’évangile, la bonne nouvelle du Christ transfiguré, elle est capable de porter tout un peuple et de nous porter avec eux.

Que le Seigneur nous donne toujours au milieu des circonstances que nous traversons, et même les plus tragiques, cette lumière de l’espérance, cette lumière de sa Transfiguration, il est là avec nous, tous les jours.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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