Homélie de Mgr Laurent Ulrich – Dimanche in albis 2023
Saint-Sulpice (6e) – Dimanche 16 avril 2023
Messe à Saint-Sulpice avec les néophytes.
– Ac 2, 42-47 ; Ps 117 (118), 2-4, 13-15b, 22-24 ; 1 P 1, 3-9 ; Jn 20, 19-31.
Quand Jésus vient à la rencontre de ses disciples après la Résurrection, il dit : « La paix soit avec vous ». Ce sont les mots que la liturgie donne et invite les évêques à dire au début de la célébration eucharistique, au début de toute célébration sacramentelle. L’évêque dit : « la paix soit avec vous ». Et vous répondez : « et avec votre esprit ». Ce sont ces mots de Jésus qui ont été si marquants pour les premiers disciples, les premiers témoins de la résurrection de Jésus qui résonnent de siècles en siècles, de générations en générations, et chaque jour pour nous.
Lorsque Jésus vient à notre rencontre, il met dans nos cœurs, la paix, il met dans nos vies, la paix. Les nouveaux baptisés qui sont ici savent de quoi je parle, ils ont fait cette expérience étonnante, un jour ou l’autre, pour la première fois de savoir que, rencontrant le Christ dans une église, dans une rencontre avec quelqu’un qui leur est proche, à l’occasion d’un évènement de leur existence, ils ont senti cette paix s’installer en eux. Et ils en ont été remplis de joie, se demandant peut-être les premières fois si c’était vraiment cela un signe de Dieu. On leur a confirmé en effet que la paix qui s’installe dans le cœur est un signe de la présence du Seigneur. Cela ne supprime pas les difficultés, les inquiétudes, les épreuves de l’existence. Mais cela permet de les vivre avec une certaine assurance que nous ne sommes pas oubliés, que nous sommes toujours dans le cœur de Dieu, dans le cœur du Christ, et qu’il nous porte lorsque nous affrontons ces moments délicats, et qu’il nous installe dans sa paix pour pouvoir les vivre.
Et c’est peut-être le moment de nous laisser attirer par un mot que nous avons entendu dans la première lecture : « la crainte s’empara de tous à la vue des signes que les Apôtres faisaient ». Il ne faut pas se méprendre sur le sens de ce mot de « crainte ». Il ne s’agit évidemment pas – je viens de parler de la paix que le Christ installe dans notre cœur – il ne s’agit évidemment pas d’une peur mais d’un émerveillement devant ce que le Christ permet à ses disciples de réaliser dans la vie : cela paraît très étonnant. De sorte que cela est noté par les témoins, par ceux qui sont là, qui voient les Apôtres agir, apporter de la guérison avec eux et du calme, de la paix intérieure aux autres, du secours à ceux qui sont dans le besoin, de l’aide spirituelle à ceux qui cherchent un chemin.
Ce que les Apôtres apportent de la part du Seigneur, et avec lui, c’est en effet cette façon nouvelle de vivre, cette façon si originale, si inouïe de faire confiance à Dieu pour les circonstances de notre vie, de nous ouvrir à lui et de nous laisser gagner par sa paix pour grandir devant les différents évènements de nos vies et devenir davantage des témoins de lui. Cet émerveillement ne peut pas cesser, et il n’a jamais cessé tout au long de l’histoire de l’Église, devant ce que des disciples du Christ étaient capables de faire pour les autres d’une façon ou d’une autre. Il y a tant d’exemples que des disciples du Christ ont pu porter la paix, la joie, la consolation dans la vie des hommes et des femmes auprès de qui ils étaient envoyés, auprès de qui ils étaient des témoins. La crainte de Dieu c’est l’émerveillement devant ce qu’il fait pour chacun de nous et pour tous les hommes. Gardons cet émerveillement tout neuf dans nos existences comme si nous le découvrions chaque jour.
Et enfin nous voyons ces Apôtres vivre en effet ces choses étonnantes d’être fidèles à écouter et à faire entendre la parole de Dieu. Fidèles à ce que le livre des Actes des Apôtres appelle la communion fraternelle, c’est-à-dire l’unité vécue dans une Église naissante entre des hommes si différents les uns des autres mais tous touchés par l’amour sauveur de Jésus. Fidèles aussi à la fraction du pain, ce que nous vivons aujourd’hui dans l’eucharistie, ce que nous sommes invités à renouveler régulièrement dans nos existences, non pas simplement par l’eucharistie célébrée mais aussi par la fidélité aux autres sacrements de l’Église. Fidèles à l’Église elle-même qui est sacrement du Christ, qui est signe efficace du Christ dans la vie des hommes, signe porteur de la vie du Christ, signe capable de nous transformer nous-mêmes, de changer notre cœur, de nous faire aller de conversion en conversion. Et enfin d’être capables d’être simplement proches de tous, simplement désireux de transmettre par la charité tous les biens que le Seigneur offre à chacun d’entre nous.
Oui nous nous laissons renouveler par l’arrivée de nouveaux baptisés dans notre Église et nous renouvelons en nous le désir de vivre à la manière de Jésus, d’être fraternellement capables de parler de lui par des mots mais aussi par des attitudes, capables de le recevoir comme l’hôte le plus intime de nos cœurs, celui qui nous change, capables d’être dans la louange permanente pour ce que Dieu fait dans nos existences.
En ce deuxième dimanche de Pâques, nous entendons l’appel de Thomas. Heureusement qu’il y a eu ce Thomas qui est notre jumeau dans une certaine incroyance, de temps en temps ou trop souvent, qui nous aide à reprendre le chemin de la foi et à nous laisser conforter par la foi dont il a témoigné devant son Seigneur : « Mon Seigneur et mon Dieu » dit-il. Il l’accueille, il sait qu’il a manqué, à un moment donné, de fermeté dans son amitié pour le Christ ; : il sait et nous savons que nous sommes capables aussi de cette attitude. Mais le Seigneur vient à notre rencontre, nous dit « la paix soit avec vous, la paix soit avec toi ». Qu’elle grandisse en nous et que nous nous laissions renouveler par la foi des Apôtres, par la foi des témoins, par la foi des nouveaux baptisés, par la foi de ceux qui se présentent pour recevoir le sacrement du mariage, par la foi de tous ceux qui cherchent à être renouvelés par le Seigneur lui-même.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris