Homélie de Mgr Laurent Ulrich – Journée diocésaine à Vila Viçosa lors des JMJ

Vila Viçosa – lundi 31 juillet 2023

Les 3 500 Parisiens se sont retrouvés pour un pèlerinage commun à Vila Viçosa, sanctuaire marial historique situé au nord-est d’Évora.

 Voir les photos de la journée du 31 juillet 2023.


Chers amis,

Pour comprendre la première lecture que nous venons d’entendre, il faut se souvenir de ce qui se passe quelques pages avant, dans ce même livre que nous lisons chaque jour en ce moment, ce livre de l’Exode. Un passage que certains n’ont pas pu entendre samedi, puisque nous avons fêté sainte Marthe, sainte Marie et saint Lazare.

Dans ce passage, juste après le don des 10 commandements, le peuple de Dieu, tout entier et unanime, avait crié devant Moïse et avait dit : « Tout ce que le Seigneur vient de nous dire, nous le mettrons en pratique ». Et, à l’instant, nous venons de voir exactement le contraire : ils ne mettent rien de tout cela en pratique, à commencer par le premier commandement qui est de ne pas se faire d’idole.

Dieu seul, celui qui sauve, celui qui sauve de l’esclavage en Égypte, mais celui qui sauve aujourd’hui encore chacun de nous. Dieu seul, la gloire de Dieu seule, doit être servi pour que nous ne soyons asservis à rien du tout.

Ils avaient cru qu’ils pourraient, avec leurs propres forces, leurs forces individuelles, leurs forces de peuple, leurs forces humaines, tenir bon les engagements qui étaient les leurs. Mais ils avaient trop compté sur eux-mêmes et pas assez sur la grâce de Dieu, et sa fidélité. Ils avaient oublié qu’il y a des tentations qui peuvent nous asservir. La tentation qui est ici décrite, c’est celle de l’or – traduisez, en situation contemporaine, celle de l’argent, celle du pouvoir financier, celle de la richesse qui, croyons-nous, est capable de tout faire dans la vie humaine, de rendre tout possible.

On peut ajouter quelques autres tentations bien connues de chacun d’entre nous : la tentation de dominer les autres et de les mettre à notre service, à notre disposition, de leur demander d’être comme nous voudrions qu’ils soient alors que chacun peut être lui-même, à la suite de son propre appel, de son propre cœur, à la suite de Dieu qui lui parle.
On peut ajouter dans cette ligne, et de façon moderne, la tentation de remettre tout notre destin aux technologies contemporaines dont nous attendons qu’elles résolvent tous les problèmes humains, et ceci dans beaucoup de domaines, à la fois de la protection de la nature que nous avons abîmée, à la fois au sujet de la vie commençante ou de la vie finissante, où nous pouvons penser que la technologie résoudra tout, alors que c’est le service humain, les uns des autres, qui aide à vivre.

Nous pouvons encore penser à une autre tentation bien contemporaine, mais qui est de tous les temps quand même, celle de l’activisme – je l’appelle ainsi. La tentation de vouloir faire toutes les expériences dans la vie, d’aller partout. Connaître ce monde, c’est bien, mais la tentation peut être de le connaître afin d’impressionner, de réaliser tout ce qui est possible dans la vie humaine aujourd’hui, même si cela ne nous construit pas vraiment.
Voilà quelques-unes de ces tentations auxquelles je pense en écoutant la première lecture. Mais Dieu, vous l’avez vu à la fin de cette lecture, ne s’irrite pas contre cela ou, en tout cas, il diffère, il retarde son agacement et sa peine. Parce ce que ce qu’il cherche surtout, c’est à nous remettre sur le chemin du service de lui qui est tout amour, toute vie, et tout don, et sur le chemin du service de nos frères.

Il craint que de trop nous rabrouer ne nous ramène pas sur ce chemin. Mais nous savons, nous, que sa miséricorde est infinie et que nous pouvons revenir vers lui de bien des façons. Et que nous pouvons avancer avec une belle assurance sur ce chemin où nous savons que nous nous égarons, mais où nous savons qu’il est là et qu’il veille sans cesse sur notre fidélité.

Il veille comme le laboureur qui a semé, ainsi qu’il est dit dans l’évangile que nous avons entendu. Et quand il a semé, ce laboureur, quand il a laissé la graine en terre, il pense aussi, non seulement au travail qu’il vient de faire, mais à l’avenir que cette action de semer va produire. Il sait qu’il faut du temps, mais il sait que cela viendra. Ici, la plus petite graine dont parle Jésus devient même un grand arbre qui produit beaucoup de fruits.

Nous ne pouvons pas ne pas penser aux deux à la fois : la petite graine qui est semée en chacun de nous pour nous faire expérimenter, non pas toute chose dans la vie, mais l’amour qui vient de lui. Cette petite graine, nous la gardons en nous et nous savons qu’elle grandira en Royaume de Dieu, c’est notre espérance. Nous savons qu’elle grandira pour nous. Et pour que nous devenions nous-même porteurs de beaucoup de fruits, à condition que nous acceptions de faire de notre vie une réponse à son appel. À condition que nous croyions que toute vie, et toute vie chrétienne en particulier, est réponse à un appel de Dieu, est réponse à une vocation qui vient de lui.

C’est ce que vous vivez aujourd’hui, dans ce rassemblement, dans ce mouvement que vous faites les uns vers les autres – et ils seront encore beaucoup plus nombreux à partir de demain – dans ce mouvement par lequel vous venez vers Jésus, vers le Père de Jésus, source de tout bien et de tout amour. Cette graine qui est semée en vous par l’expérience que nous vivons en ce moment, elle peut grandir en grand arbre qui porte beaucoup de fruits.

Que ce soit à l’occasion de la prise de conscience de votre baptême, de notre baptême ; que ce soit à l’occasion d’un rassemblement comme celui-ci ; que ce soit à l’occasion de la rencontre de saint Ignace de Loyola, puisque nous le fêtons aujourd’hui, et de tout ce qu’il a apporté à l’Église et aux chrétiens pour diriger leurs existences, pour conduire leurs vies vers le Seigneur et vers les autres ; que ce soit par quelque autre expérience où vous avez découvert la profondeur de l’amour qui vient de Dieu et qui ne demande qu’à se convertir en fruits de vie belle, de vie bonne, de vie partagée ; que ce soit toute autre expérience : qu’elle puisse grandir.

Nous sommes certes, tous, plus ou moins les uns et les autres, touchés par le fait que dans notre monde, dans nos cultures modernes, dans les différents pays de ce monde, les vocations particulières de prêtres, de religieux, de religieuses, de moines, de moniales, semblent dans une sorte de décrue. Ce qu’il nous faut réaliser, c’est que les vocations particulières ne naîtront que sur un terreau où toutes les vocations peuvent s’exprimer et se réaliser, sur un terreau où tous les baptisés auront à cœur de faire de leurs vies une réponse à cet amour de Dieu qui ne cesse d’appeler à s’engager pour lui et pour les autres ; qui ne cesse d’appeler à la prière pour soutenir le courage de tous ceux qui veulent contribuer à un monde qui devient peu à peu signe du Royaume de Dieu.

Alors, nous pouvons prier pour des vocations particulières, mais nous devons commencer à prier très fort pour que chacun d’entre vous qui êtes ici, vous considériez la chance que vous avez de vivre ce que vous vivez aujourd’hui et que vous ne négligiez pas, avec la force de l’Esprit Saint, de répondre à l’appel qui est fait pour vous. Si chacun considère que sa vie est réponse à un appel, alors on peut espérer que des vocations particulières de serviteurs de l’Église, de serviteurs des vocations de tous – de prêtres, de diacres, de religieux, de religieuses, de moines et de moniales – surgiront dans notre Église et reviendront la peupler comme des signes magnifiques. Demandons cela, ici, en présence de nombreux prêtres qui vous accompagnent et dont vous êtes heureux de bénéficier du ministère ; avec tous ceux qui sont au service et mes deux confrères évêques qui sont ici, Mgr Marsset que vous connaissez bien, auxiliaire à Paris, et Mgr Eleganti, ancien auxiliaire de Coire en Suisse, qui viendra nous donner un témoignage tout à l’heure.

Nous avons besoin d’entendre qu’à travers les expériences que nous faisons, à travers l’écoute de la Parole de Dieu, à travers la prière dans laquelle nous entrons souvent, c’est Dieu lui-même qui nous invite à être des porteurs de témoignage de sa vie, c’est le Christ lui-même qui nous appelle à être des témoins de l’évangile, c’est l’Église tout entière qui nous appelle à être des disciples-missionnaires parmi lesquels se lèveront des vocations particulières.

Merci Seigneur de nous rassembler ! Merci Seigneur de mettre dans notre cœur, à travers nos expériences, tout ce dont nous avons besoin pour te répondre ! Merci Seigneur de mettre au cœur de nos existences, l’espérance d’un monde irrigué par tous les bienfaits dont tu veux nous combler !

† Laurent Ulrich,
archevêque de Paris

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