Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Ordinations de six diacres permanents à Saint-Sulpice
Samedi 30 septembre 2023 - Saint-Sulpice (6e)
– En la fête de saint Jérôme
- 2 Tim 3,14-17 ; Ps 118 ; Mt 13,47-52
La mémoire de saint Jérôme, en ce 30 septembre, nous vaut d’entendre des lectures qui attirent notre attention sur la façon dont un chrétien, un baptisé, fait attention, justement, à l’Écriture, la met au centre de sa vie, et plus encore un ministre ordonné. La place de l’Écriture sainte est essentielle à son ministère.
En évoquant la figure de saint Jérôme, nous évoquons celle d’un homme passionné par l’Écriture. Un homme qui a passé toute sa vie, et en tout cas une très grande partie d’elle, au moins 35 à 40 ans, à la scruter dans la solitude, dans la prière, dans le désir de la faire connaître, de la partager tout autour de lui, de la commenter et d’inviter les fidèles à la mettre au cœur de leur existence. Ce n’est pas le moment ou le lieu pour que je raconte toute sa vie, mais que je retienne ceci : en effet, il est connu pour être le traducteur de la Bible dans la langue de son époque, la plus courante, une langue qu’on pouvait appeler à ce moment-là vernaculaire, une langue utilisée par le plus commun des gens. Et donc, son souci de mettre à disposition de tous l’Écriture doit évidemment nous inspirer. Jérôme était un connaisseur exégète et scientifique de l’Écriture. Il la connaissait de bout en bout, et il faisait qu’elle entre dans son cœur. Parce que l’essentiel n’est pas d’avoir une connaissance scientifique, même s’il est nécessaire que certains la possèdent bien sûr, pour nous ouvrir à l’intelligence la plus grande de cette parole qui nous est adressée à travers l’Écriture sainte. Mais Jérôme, en étant ce connaisseur scientifique de la Parole, n’a qu’un objectif : c’est de la faire aimer et de la mettre à disposition de chaque chrétien, de chaque homme qui puisse entrer dans le mystère de Dieu, grâce à elle, et comprendre à travers elle comment Dieu s’adresse à lui, à chacun d’entre nous. Les plus simples parmi les hommes et les femmes n’ayant pas toute la connaissance scientifique de cette Écriture sont capables d’entrer dans le secret de ce qu’elle recèle. Ce secret c’est la connaissance de Jésus lui-même, la connaissance de ce que le Christ est venu apporter au monde, en s’incarnant, lui le Fils de Dieu, et en annonçant l’Évangile, en faisant du bien, en étant conduit jusqu’à ce que sa mort signe le don de sa vie, et en recevant la vie lors de la Résurrection, en manifestant le signe de la promesse la plus forte de Dieu qui est que nous vivions avec Lui, dans son entourage, dans sa compagnie.
Si Jérôme a voulu mettre à la disposition de tous cette Parole de Dieu, cette Écriture, pour y chercher la Parole de Dieu, c’est qu’il savait que chacun était capable de comprendre le secret qui est dans l’Écriture et qui est la connaissance de Jésus. Il le disait dans une formule lapidaire : ignorer les Écritures c’est ignorer le Christ. Et entrer dans la connaissance de l’Écriture - on peut le dire autrement - c’est entrer dans la connaissance intime du Christ, le connaître, l’aimer, vouloir l’imiter, vouloir suivre le chemin qu’il nous indique. Et puis, le faire connaître à d’autres, partager ce secret avec d’autres, faire en sorte que chacun d’entre nous entre dans une intimité plus grande avec le Christ, grâce à la familiarité avec l’Écriture, voilà ce qui habite le cœur d’un fidèle, le cœur d’un chrétien.
Fréquenter les Écritures, voilà ce qui nous est proposé. Fréquenter, c’est-à-dire s’y rendre fréquemment. Chaque semaine, pour beaucoup, chaque jour pour beaucoup aussi, lire l’Écriture seul, pour y entendre une parole pour chacun. Mais lire l’Écriture aussi avec d’autres, en groupe, pour pouvoir la partager, pour pouvoir entendre comment d’autres y entrent eux-mêmes. Lire l’Écriture pour inciter à connaître davantage le Christ et l’aimer. Lire l’Écriture et la mettre à disposition des autres, ne pas croire qu’elle nous soit réservée, ne pas croire que nous pouvons être les seuls à la connaître, à la comprendre, mais au contraire se dire que le mystère même de Dieu est tel que nous pensons que l’Esprit Saint est capable d’éclairer tout homme par l’Écriture, que l’Esprit Saint est capable de faire connaître le Christ à tout homme quand il entre dans le Livre des Écritures.
C’est ce que, évidemment, un diacre est invité à faire. Pas seulement pour lui-même, mais en prenant du temps pour entrer dans ces Écritures qui nous permettent de découvrir quelle parole Dieu dit à son peuple et à l’humanité tout entière, jour après jour, dans les circonstances que chacun vit, dans les circonstances de la vie de l’humanité tout entière. Prier avec les mots de l’Écriture, contempler le Christ vivant aujourd’hui, contempler et adorer celui de qui tout vient, entrer dans sa connaissance et vouloir la partager : si chacun d’entre nous, baptisés, vit cela, les ministres de l’Évangile, et particulièrement les diacres, sont encore davantage portés et invités, et même invités de façon pressante, à faire connaître l’Écriture à d’autres, à la commenter, à inviter des hommes et des femmes à se réunir pour la partager, à être toujours capables de développer une attention aux autres qui tienne compte de l’attention que Dieu porte à chacun, tel que l’Écriture nous le révèle. La proclamer, comme cela vient d’être fait, et la commenter de temps en temps dans l’homélie, devant une assemblée chrétienne.
Voilà le ministère de la Parole qui vous est confié à vous qui allez recevoir, dans quelques instants, l’ordre du diaconat, à vous qui êtes déjà investis dans cet ordre depuis peu ou depuis de longues années. Vous savez que c’est dans la fréquentation de l’Écriture que vous avez grandi, que vous avez grandi dans la connaissance du mystère de Dieu, dans la connaissance de la Bonne Nouvelle de l’Évangile, dans l’espérance qu’elle se répande partout, dans l’espérance de la vie avec le Seigneur qui ne finira jamais.
Commenter l’Écriture pour développer aussi en nous, et c’est le mystère même du ministère que nous accomplissons, évêque, prêtre et diacre, en commentant l’Écriture, elle entre plus profondément encore en nous. Et nous l’espérons, elle nous transforme et nous rend de plus en plus transparents au mystère même de Dieu, qui se donne sans cesse.
Vous allez recevoir, après l’ordination, une mission qui sera établie en dialogue avec votre curé, avec le vicaire général. Cette mission vous ne vous en acquitterez pas simplement en cochant les cases de ce qu’il vous est demandé de faire. Vous n’exécuterez pas cette mission simplement en remplissant des activités qui vous sont proposées, mais toujours vous le ferez en découvrant comment la Parole de Dieu vous rend de plus en plus sensibles, de plus en plus attentifs, aux besoins des hommes et des femmes que vous rencontrez, aux besoins matériels certainement en exerçant la charité, mais aussi, et peut-être surtout, aux besoins spirituels qui se cachent derrière les besoins matériels. Les besoins spirituels qui sont ceux de tous les hommes, de toutes les femmes, et des plus pauvres parmi nous, parce que nul n’est pauvre au point qu’il n’ait pas de vie spirituelle. En chacun de ceux que nous rencontrons, les plus démunis, il y a ce désir de rencontrer Celui qui apporte la vie.
Il faut espérer, bien sûr, que chacun d’entre nous, ministres de l’Évangile, et vous six qui vous présentez pour recevoir aujourd’hui l’ordination de diacre, il faut espérer que se développe en vous et en nous au contact de l’Écriture un appétit de plus en plus grand à découvrir ce dont les hommes ont le plus besoin dans la vie : la rencontre de la vie, la rencontre d’une promesse de vie pour toujours, la rencontre du salut que le Christ en donnant sa vie nous apporte. Aussi mystérieuse que puisse paraître cette rencontre avec le Seigneur tous les jours, c’est elle que vous servirez en servant vos frères et vos sœurs. En aimant le Christ qui aime tout homme, toute femme, vous développerez en vous une attention accrue aux besoins de tous.
Que le Seigneur donne à votre mission ce goût le plus profond pour l’amour des frères et des sœurs, pour l’amour de leur espérance, pour l’amour de leur charité, pour l’amour de vous-mêmes et de tous ceux qu’Il vous confiera.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris
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