Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois

Dimanche 8 octobre 2023 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)

« Louez Dieu pour la terre et prenez-en soin. »

– 27e Dimanche du temps ordinaire – Année A

- Is 5,1-7 ; Ps 79,9-10.13-16a.19-20 ; Ph 4,6-9 ; Mt 21,33-43

Lorsque, dans les premiers chapitres d’Isaïe, le prophète s’adresse à son peuple, il s’adresse à Jérusalem et à la région de Judas, qui est au sud de Jérusalem et à l’ouest de la Mer Morte, au sud de Jérusalem jusqu’au désert du Néguev. Mais, dans les collines de Judas, pousse, sur la terre dure et calcaire, la vigne, et l’image de la vigne va être beaucoup utilisée dans la littérature biblique pour signifier la manière dont Dieu prend soin et de son peuple et du monde entier.

A l’instant, nous venons d’entendre une plainte, une plainte de Dieu contre son peuple qui ne produit pas les bons fruits qu’il attendait. Une plainte qui n’est pas, littéralement, comme une plainte judiciaire mais plutôt comme une complainte : la complainte de Dieu et de son prophète, c’est-à-dire de son porte-parole, de son interprète. Une complainte poétique, que l’on pourrait confondre avec un texte du Cantique des cantiques qui dit l’amour de Dieu pour son peuple, pour la terre, pour la femme qu’il aime, qui est son peuple. Et nous comprenons que le prophète reproche à ce peuple de porter de mauvais fruits, des fruits qui ne correspondent pas à ce que Dieu attendait. Des fruits qui ne permettent pas d’étendre la nouvelle de ce que Dieu donne à tous, de ce que Dieu veut pour son peuple, de ce que Dieu veut pour son peuple qui témoigne de l’amour qu’il a reçu.

On peut comprendre aujourd’hui comment notre pape François peut être touché par ce genre d’image, et être très sensible à cette relation que Dieu a à l’égard et de son peuple et de la terre qu’il aime. Dieu veut tellement soigner cette terre, la terre qui produit de bons fruits, la vigne qui donne un bon vin. Ceux qui connaissent les métiers de la vigne, ceux qui savent l’attachement du vigneron ou du propriétaire de vigne à ce qu’il cultive, à cette part de terre qu’il cultive pour lui faire donner de bons fruits, ceux-là voient de quoi je parle. Et appliquant ainsi à Dieu cette relation qu’il a avec une terre, avec une vigne, avec un peuple, avec une humanité tout entière, nous comprenons, en effet, comment le pape François peut revenir là-dessus et chercher à faire comprendre combien Dieu aime la Création, combien Dieu souhaite que nous l’entretenions bien, combien Dieu souhaite que nous soyons également attentifs à tous les pauvres de la terre. Il l’a déjà fait il y a huit ans dans Laudato si, cette encyclique, et il y revient de nouveau depuis quelques jours avec cette deuxième lettre, Laudate Deum, « Louez Dieu » : louez Dieu pour la terre et prenez-en soin.

Toutefois, dans l’évangile, c’est toujours la même vigne dont il est question, mais d’une autre façon. Il y a quinze jours déjà, nous avons entendu la parabole des ouvriers de la dernière heure, bien connue. Il s’agissait de ceux qui vont travailler à la vigne du Seigneur quel que soit le moment, quelle que soit l’heure du jour. Dimanche dernier, c’étaient les deux fils qui vont, ou ne vont pas, travailler à la vigne de leur père. Et aujourd’hui nous avons cette nouvelle parabole qui parle des vignerons, qui ne sont pas paresseux, qui ne disent pas non pour faire le travail, qui certainement entretiennent bien la vigne, mais espèrent se l’accaparer, la garder pour eux, garder le fruit de ce qu’ils font, ne pas le partager à d’autres, et faire main-basse sur une propriété qui n’est pas la leur. Il semblerait qu’à l’époque de Jésus il y avait une pratique, ou une loi, qui faisait que quand une propriété n’avait pas d’héritier direct c’était au premier qui mettrait la main dessus. Et donc peut-être ces vignerons, homicides, étaient prêts à mettre la main sur une propriété qui n’était pas encore la leur mais qu’ils espéraient avoir, du fait que le propriétaire n’aurait plus son fils.

« Accapareur » : c’est de cela que Jésus accuse son peuple qui garde pour lui le bienfait de ce que Dieu lui donne. Les chefs du peuple mettent une barrière entre le don de Dieu et l’humanité, à commencer par tous ceux qui ne se comportent pas suivant les règles. Jésus montre du doigt ces chefs et leur dit qu’ils ne font pas ce que Dieu veut. Nous pouvons retenir pour nous-mêmes cette injonction du Christ qui nous dit : est-ce que vraiment vous avez le désir que l’Évangile que je vous annonce soit fait pour tous ? Est-ce que vraiment vous ne le gardez pas trop pour vous-mêmes ? Est-ce que vraiment vous avez le désir de la mission et de l’annonce évangélique à tous, puisque c’est pour tous qu’elle a été faite et qu’elle est faite ?

Dans la deuxième lecture, saint Paul demande aux Philippiens, qu’il aime beaucoup, d’être des facteurs de paix. Probablement que dans cette communauté, qu’il aime particulièrement, il y a quelques fauteurs de troubles. Il leur demande de ne pas annuler, par leur comportement, le bienfait de l’Évangile, et d’être porteurs de la paix de l’Évangile tout autour d’eux en la vivant déjà entre eux. La paix, il en est fort besoin dans notre monde, et il en est fort besoin dans notre Église bien sûr. Qu’il nous soit donné d’avoir tellement le désir de répandre l’Évangile que nous ne nous arrêtions pas aux broutilles qui peuvent nous opposer ni aux conflits : que nous soyons vraiment semeurs d’Évangile, désireux de la paix pour tous.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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