Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe pour la réouverture de l’église Notre-Dame d’Auteuil après restauration

Dimanche 15 octobre 2023 - Notre-Dame d’Auteuil (16e)

"Dieu se donne"

– 28e dimanche du temps ordinaire – Année A

- Is 25,6-10a ; Ps 22 1-6 ; Ph 4, 12-14.19-20 ; Mt 22,1-14

Dans l’Évangile, comme dans la Bible d’une façon générale, il est souvent question de fêtes, de festins, de rassemblements joyeux. Aujourd’hui, cela ne fait pas défaut en effet, et cela tombe bien pour le moment, que nous venons de vivre, de retour dans cette église après des longs mois d’absence. Vous êtes tous joyeux et à la fête ; nous le sommes tous, ensemble, et nous remercions bien sûr, comme il a été dit au début de cette eucharistie, tous ceux qui ont contribué à faire advenir ce travail jusqu’au bout et permis qu’il soit terminé dans le délai prévu. C’est une fête, mais pour nous qui sommes venus ici, c’est une fête bien particulière.

Il se trouve que Jésus, et son évangéliste Matthieu aujourd’hui, comme le prophète Isaïe, veut nous parler de ce royaume auquel nous sommes conviés, et dont on peut se dire qu’il est déjà là puisque les fêtes nous les vivons, même s’il n’est pas complétement là, même s’il sera sans cesse converti, transformé, pour être un jour à l’image définitive de Dieu, devant lequel nous serons face à face. Le royaume dont il s’agit est évidemment fondé sur ce qu’aujourd’hui nous appelons des valeurs - un mot qui ne convient pas tout à fait - bien différentes de celles du monde. Le récit de l’Évangile nous montre en effet que, devant inviter pour la noce, l’alliance de son fils, le roi est obligé de s’y reprendre à plusieurs fois. Il y a d’abord des invités qui semblent peu intéressés par cette invitation, des invités qui ne justifient pas le fait qu’ils ne viennent pas : ils ont été invités mais ils se détournent tout simplement, sans excuses. D’autres invités, à la deuxième vague d’invitations, ne viennent pas non plus parce qu’ils ont mieux à faire ailleurs, pensent-ils : chacun est à son affaire, chacun cherche son objet, chacun cherche son bien particulier. Il y en a d’autres encore qui, devant l’invitation, la méprisent complétement : ils préfèrent s’agiter dans la violence. Et puis, finalement, la salle étant remplie de tous ceux que le maître a voulu chercher partout, parce que le maître ne se lasse jamais d’invités, il s’en trouve encore un qui méprise autrement l’invitation. C’est-à-dire qu’il est venu, semble-t-il, simplement pour voir. Sa caractéristique la plus forte, cela n’est pas tant de ne pas avoir mis la robe, la robe qui manifeste sa participation à la fête, mais c’est même, et de façon encore plus méprisante, de ne pas répondre à ce maître qui l’interroge. S’il avait répondu, peut-être lui aurait-on prêté tout simplement cette robe qui lui manquait. Mais il n’a même pas répondu à la parole du Seigneur, à la parole du Maître.

Voilà les façons du monde de ne pas considérer cette invitation du Maître du monde. Voilà cette façon de laisser de côté l’invitation à vivre autrement, à chercher à faire venir tout le monde, à chercher à s’adresser à tous ceux que le Seigneur aime. Le Seigneur ne se lasse pas.

Dans les pages précédentes de l’Évangile, que nous avons entendues ces derniers dimanches, nous nous situions dans une polémique de Jésus avec les grands prêtres et les pharisiens. Et cette polémique est rappelée dans la première phrase de l’Évangile que nous venons de lire. Jésus a cherché sans cesse à expliquer à ces grands prêtres et à ces pharisiens qui l’interrogeaient pour savoir de quelle autorité il disait tout ce qu’il disait, de quelle autorité il soignait et guérissait. Et Jésus, pour répondre à cette question, utilise des paraboles dans lesquelles il dit, comme nous l’avons entendu dimanche après dimanche depuis trois semaines : venez, vous ne cessez d’être invités ; venez et invitez d’autres avec vous ; venez et soyez heureux d’être là ; venez même si c’est à la onzième heure ; venez même si vous êtes le fils qui d’abord dit non, puis fait oui ; transformez-vous si vous êtes le fils qui dit oui et fait non. Voilà tout ce que nous avons entendu ces derniers dimanches et qui insiste sur le don que Dieu nous fait et sur la réponse que nous sommes invités à apporter. Et le don que Dieu nous fait aujourd’hui, ce n’est pas simplement d’être réunis dans une église rénovée. Le don que Dieu nous fait, ce n’est pas seulement d’être joyeux d’être de nouveau ensemble dans ce lieu qui a repris ses formes et ses couleurs. La joie qui nous est faite, le don qui nous est accordé par le Seigneur, c’est celui de l’eucharistie que nous vivons maintenant, c’est celui de l’alliance, c’est celui du mariage avec l’humanité du Fils. Dieu nous invite au banquet du don de son Fils à toute l’humanité. Ce banquet c’est le banquet de la croix, c’est le don que Jésus nous fait, et que nous venons célébrer. Nous remercions le Seigneur de cela : c’est le mystère le plus profond, le mystère le plus étrange, Dieu se donne. Dieu ne fait pas que créer un monde pour son plaisir, mais il donne ce qu’il a de meilleur, Lui-même, en son Fils.

Il veut manifester qu’il s’allie à nous d’une façon définitive, et renouvelée en permanence, de génération en génération, par l’eucharistie. Le mystère le plus profond que nous accueillons en ce matin, c’est la possibilité de célébrer le don que Dieu nous fait pour nous attirer à Lui, pour attirer non seulement l’humanité qui est dans les églises, mais l’humanité qui n’y est pas encore : l’humanité qui est invitée à écouter ; l’humanité qui est invitée à croire que Dieu se donne ; l’humanité à laquelle nous pouvons transmettre l’invitation, par notre façon d’agir, notamment avec les plus pauvres, par notre façon de vivre la fraternité, par notre façon de remercier le Seigneur dans l’eucharistie, le don le plus mystérieux, le plus fort, le plus beau.

Alors, si nous sommes conscients d’avoir reçu ce don, si nous sommes joyeux d’être ensemble - non seulement d’avoir retrouvé un bâtiment mais d’être ensemble pour célébrer l’action grâce à Dieu qui se donne à tous - alors notre vie en sera transformée entièrement par nos paroles, mais surtout par nos actes. Elle montrera à nos frères que nous sommes tous invités à entrer en relation avec Lui, le Dieu tout-puissant qui nous a envoyé son Fils.

Accueillons ce don, ce don mystérieux, ce don étonnant, ce don qui transforme nos vies, ce don qui nous éclaire, ce don qui est fait pour attirer bien d’autres en plus de nous.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

Voir l’album de l’inauguration de l’église restaurée de Notre-Dame d’Auteuil

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