Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de lancement d’Hiver Solidaire à Saint-Honoré d’Eylau
Samedi 14 octobre 2023 - Saint-Honoré d’Eylau (16e)
– 27e semaine du temps ordinaire – Année A
- Jl 4,12-21 ; Ps 93,1-2.5-6.11-12 ; Lc 11,27-28
Pour bien entendre et bien comprendre l’Évangile qui vient d’être lu, je vous propose deux éléments de contexte. Le premier c’est, nous l’avons lu il y a quelques semaines dans les messes quotidiennes, un passage tout à fait ressemblant, au chapitre 8 de saint Luc : voici que ta mère et tes frères te cherchent. Et Jésus répond : qui est ma mère et qui sont mes frères ? Voilà ma mère et mes frères : ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique. Cela ressemble à ce que nous venons d’entendre, mais ce n’est pas tout à fait pareil. On a l’impression que Jésus rabroue sa mère et ses frères dans ce passage que je viens de citer. En fait, il semble plutôt rabrouer ceux qui lui disent : va retrouver ta mère et tes frères qui sont là et qui t’attendent ! Jésus ne veut pas se laisser enfermer dans la vie familiale. Jésus ne veut pas, à ce moment-là, qu’on le réduise, lui, à être le fils de sa mère, et le frère de ses frères. Il veut être tout à tous. Et ceci à cause ou grâce à la Parole de Dieu qui ouvre le champ de notre amour, qui ouvre le champ de notre reconnaissance, de notre service fraternel : nous ne sommes pas simplement frères et sœurs de nos frères et sœurs de sang, nous sommes frères et sœurs à cause de l’Évangile en Dieu et en Jésus-Christ. C’est-à-dire que nous sommes ouverts davantage que les conditionnements dans lesquels nous avons grandi : nous sommes faits pour ouvrir notre cœur largement. Nous pouvons entendre cela ce matin.
Le deuxième élément de contexte, c’est ce que nous avons lu hier dans l’Évangile, juste avant, puisque l’Évangile que nous venons d’entendre disait : comme Jésus était en train de parler. Effectivement, c’étaient juste les versets précédents où Jésus parlait du fait qu’en annonçant l’Évangile il ne faisait pas le contraire, il n’était pas divisé en lui-même, il ne se divisait pas du peuple de Dieu, il cherchait au contraire à rassembler, il cherchait au contraire à manifester l’unité : celui qui n’est pas avec moi disperse, dit-il. Il invite à être lui pour faire ce que nous faisons à travers l’appel de l’Évangile, à servir à travers cet appel, à donner la Bonne Nouvelle de l’amitié de Dieu et de sa miséricorde pour tous. Jésus n’est pas divisé en lui-même, le corps du Christ n’est pas divisé lorsqu’il sert, lorsqu’il se met au service des autres, lorsqu’il se met à écouter la Parole de Dieu et à la mettre en pratique.
Aussi bien nous sommes invités, aujourd’hui, à écouter cette Parole qui vient d’être dite au sujet de sa mère. Jésus dit : elle est heureuse, elle est bienheureuse, non seulement parce que je suis son fils, parce qu’elle est ma mère, mais parce qu’elle écoute la Parole de Dieu et qu’elle la garde. Et c’est tout le programme de la vie de Marie. Dès le début de l’Évangile, dans Luc, à l’occasion de la Visitation, l’évangéliste dit par Élisabeth : heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. Marie est située tout de suite comme celle qui écoute la Parole de Dieu et qui l’accueille, qui la garde, qui la laisse fructifier en elle. Ou bien lorsqu’elle retrouve Jésus au temple, l’évangéliste commente : Marie gardait tous ces événements dans son cœur. Et ces événements renvoient évidemment à la survenue du Fils de Dieu au milieu de l’humanité. Donc voilà le modèle : écouter la Parole de Dieu comme Marie. Nous n’avons pas tous le rôle de Marie, elle est unique dans l’histoire du Salut. Mais tous nous pouvons devenir des frères de Jésus-Christ en écoutant sa Parole, en nous laissant toucher par ce que dit l’Évangile et l’ensemble de la Parole de Dieu contenue dans les Ecritures, dans les évènements qui la traversent et qui nous traversent.
Nous avons entendu dans la première lecture : « Que les nations se réveillent » (Jl 4,12). C’est une parole toujours actuelle que nous pouvons méditer pour nous-mêmes. Le pape François vient de nous réveiller de nouveau sur l’attention, la protection de la maison commune. Mais il ne cesse de dire : il faut lutter contre l’indifférence dans ce monde, ce qu’il appelle la mondialisation de l’indifférence à l’égard de la terre, à l’égard de la Création, et à l’égard des pauvres. Nous entendons ce cri qui est Parole de Dieu pour nous aujourd’hui, qui nous invite à nous réveiller et à contribuer au réveil de l’humanité sur l’attention à porter au service des plus pauvres, dans cette terre que nous sommes capables d’abîmer, mais aussi capables de respecter.
Ainsi, la deuxième parole que peut-être nous retenons c’est en effet celle d’être avec le Christ. C’était l’Évangile d’hier : celui qui n’est pas avec moi est contre moi, celui qui n’est pas avec moi disperse. Être avec lui pour être au service de la lutte contre l’indifférence, être avec lui pour être au service de tous ceux qui crient vers nous, c’est ce que vous cherchez à faire. Et en priant ce matin, en célébrant l’eucharistie, en faisant action de grâce pour le don du Christ à nous et à tous, nous nous mettons dans la disposition de ne pas nous séparer de lui, pour rendre ce service qu’il nous demande d’accomplir auprès des plus pauvres de notre ville.
Que le Seigneur soit avec nous pour que nous gardions toujours cette énergie qui vient de lui, à son service et au service de nos frères, en commençant par les plus pauvres, ceux qui en ont le plus besoin.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris
Voir le compte-rendu de la journée de lancement Hiver solidaire, le 14 octobre 2023